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Bâle 3 : derrière la volonté 
de sécurisation du secteur bancaire, 
les effets pervers ?
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Route de l'enfer

Alors que les ministres des finances européens se sont réunis mercredi 2 mai, pour tenter de convenir d’une retranscription par l'Europe des accords de Bâle 3 relatifs au niveau de fonds propres imposés aux banques, certaines craintes ont émergé dans les milieux financiers. Quels sont les risques potentiels de ces nouvelles normes ?

Hervé Alexandre

Hervé Alexandre

Hervé Alexandre est Professeur à l'Université Paris Dauphine où il dirige le Master 224 Banque.

Il enseigne la gestion des risques la régulation bancaire, domaine qui est également celui de ses recherches qu'il effectue au sein du laboratoire Dauphine Recherche en Management.

Il vient de sortir un ouvrage "Banque et Intermédiation Financière" chez Economica.

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Atlantico : Les ministres des finances européens se sont réunis hier, mercredi 2 mai, pour convenir d’une retranscription par l'Europe des accords de Bâle 3, qui déterminent le niveau des fonds propres que doivent garantir les banques. Quels sont les apports de Bâle 3 par rapport à Bâle 2 ?

Hervé Alexandre: Premièrement, Bâle 3 instaure un accroissement des charges en fonds propres pour les activités de marché. Les activités de trading seront donc plus coûteuses. C’est notamment pour cette raison que les banques quittent de plus en plus la BFI, la banque de financement et d’investissement relative aux activités de trading.


Si les accords de Bâle 3 créent un renchérissement des activités de trading, n’y a t-il pas un risque de voir les banques accroitre ces mêmes activités pour compenser ce coût en fond propres ?

Il s’agit effectivement d’un des risques de la régulation bâloise depuis plusieurs années : plus les coûts d’une activité augmentent, plus la banque est incitée à aller chercher encore plus d’argent. Plus il est coûteux d’avoir du bilan, plus les banques vont aller chercher du risque afin de couvrir le surcoût. Plus il y a de régulation, plus les banques innovent pour la contourner, l’exemple type étant la titrisation.

Ainsi, après les accords de Bâle 1, le crédit était pénalisé en terme de fond propre. Les banques les ont donc fortement titrisés afin de les faire sortir de leurs bilans. La titrisation permet donc de faire sortir du bilan des actifs coûteux en fond propres.

Certaines banques ont eu des activités excessives et parfois irresponsables. Timothy Geithner, le secrétaire au trésor américain, a dit il y a deux semaines que la crise avait mis à jour un comportement avide et stupide de la part des banques.

Outre une augmentation du coût des activités de trading, Bâle 3 impose aussi de nouveaux ratios. Quels sont-ils ?

Effectivement, une des principales inquiétudes ne vient pas tant du coût mais également des difficultés en termes de ratio de liquidités. Il y en a deux.

Schématiquement, le premier stipule que les actifs à moins d’un mois doivent être supérieurs aux passifs à moins d’un mois. Autrement dit, il faut que la banque montre sa capacité à payer tous ses passifs à moins d’un mois en liquidant aisément ses actifs à moins d’un mois. Ce ratio est en vigueur depuis 15 ans en France, il ne pose donc pas problème.

Le second ratio de liquidité est un ratio de long terme et va pour sa part poser problème. Il impose aux banques de financer l’actif à long terme avec un minimum de passif à long terme. L’idée consiste à ne pas financer d’actif à long terme avec du passif à court terme pour éviter que ressurgisse la dernière crise de liquidité.

Ce dernier ratio est très problématique pour les banques françaises puisqu’elles reçoivent des dépôts à très court terme et prêtent à très long terme, pratiquant l'intermédiation, leur métier d'origine. Si cette activité est très couteuse, le risque est un éventuel blocage du marché du crédit : c’est la principale peur.

D’ailleurs on ne parle pas trop de la surcharge des activités de marché en soit car ces activités n’étaient pas trop chargées mais aussi parce que le gros débat portent sur ces ratios.

Les banques européennes s’inquiètent de voir éventuellement les autorités américaines ne retranscrire qu’une partie des accords de Bâle 3  et non l’intégralité, et donc d’être pénaliser par rapport aux banques américaines et même asiatiques. Qu’en est-il réellement ?

Tout d’abord, les banques européennes ont raison car si elles sont les seules à être soumise à l’intégralité de Bâle 3 elles seront dans une situation défavorable par rapport à leurs homologues américaines.

Cependant, la Barclays et la Deutsch Bank ont changé ces six derniers mois les statuts de leurs filiales aux Etats-Unis pour échapper à la loi Dodd-Frank, la réforme bancaire américaine, ce qui illustre bien que les banques américaines sont déjà assez lourdement régulées. La régulation américaine n’est donc pas si légère qu’on le pense par rapport à la régulation européenne.

Les banques asiatiques pour leur part sont moins réticentes que les banques américaines. Mais elles sont dans une situation différente. L’Asie est en croissance. Preuve en est, les autorités asiatiques craignent au contraire que les banques ne prêtent trop. Ils tentent de réduire la surchauffe de leurs économies. Les Etats asiatiques peuvent donc adopter Bâle 3, mais ils ne seront pas touchés de la même manière.

Propos recueillis par Olivier HARMANT

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