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La dose de sel conseillée quotidiennement doit doubler selon une étude, et voilà pourquoi c’est important pour votre santé
©LOIC VENANCE / AFP

Juste milieu

Une étude de l'Université McMaster, au Canada, suggère qu'il est possible de doubler notre limite quotidienne de consommation de sel. Celle-ci passerait donc de 6g par jour à 12.5.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Atlantico : L'apport quotidien maximal en sel de 6 g est donc considérée aujourd'hui comme trop faible et même dangereux pour la santé. Quel sont les risques d'une trop faible consommation de sel ?

Guy-André Pelouze : L’idée selon laquelle plus on mange de sel plus on est hypertendu est erronée. Elle fait partie d’un certain nombre d’idées qui constituent le vademecum de la fausse science. Florilège: les oeufs, les huîtres font monter le cholestérol, les graisses saturées donnent l’infarctus, le sel fait monter la tension, le gras fait grossir, le cerveau a besoin de sucre, l’alcool est bon pour le coeur, la viande donne le cancer du côlon, le poisson est plein de mercure… Émotionnellement, défensivement ou par paresse en activant notre cerveau rapide nous accordons plus d’importance à ces slogans qu’à des idées plus complexes.  Ceux qui répètent ces informations tronquées le savent bien… 

S’agissant du sel et de la tension artérielle c’est assez bien établi par l’épidémiologie, il y a une courbe en J entre consommation de sel/sodium et mortalité et/ou événements cardiovasculaires graves (AVC, Infarctus du myocarde). Dans l’étude épidémiologique PURE à laquelle vous faites allusion, il a été constaté qu’une  faible consommation de sel s’accompagnait d’une augmentation du risque de mortalité et de risque d’évènements cardiovasculaires (Figure N°1). D’après ces données il est risqué de consommer peu de sel et en tout état de cause moins de 11,9 g/j
Deux remarques pour utiliser en pratique cette constatation: en premier tout dépend de la forme du J et de son point d’inflexion (point bas du risque qui peut guider les recommandations nutritionnelles). La consommation associée au risque le plus faible est de 4,72 g/j de sodium soit 11,8 g/j de sel. Sur ces données et si l’on s’en tient à une causalité supposée, il serait plus risqué de couper sa consommation de sel par deux (passer de 4,72 à 2,36 g/j de sodium soit de 11,8 à 6,9 g/j de sel) que de la doubler.  Le risque de mortalité toute cause et d'événements cardiovasculaires est plus grand si l’on diminue de moitié sa consommation de sel . En second, aucun nutriment ne peut être isolément incriminé car l’alimentation optimale est un ensemble de plusieurs milliers de molécules qui contribuent à la santé. Le sel n’est pas mauvais en soi il est au contraire vital et ses apports ne peuvent être dissociés des autres minéraux en particulier le potassium. Il est essentiel de réfléchir en terme de rapport entre les minéraux. Par exemple il est bien établi que ceux et celles qui consomment beaucoup de sel et sont hypertendus ont aussi une consommation très basse de potassium…
Figure N°1.
Association de l'excrétion urinaire de sodium estimée sur 24 heures avec le risque de décès et d'événements cardiovasculaires majeurs.
Le panel A montre la courbe de l'association entre l'excrétion urinaire de sodium estimée sur 24 heures et le résultat composite du décès par cause et par événement cardiovasculaire majeur. La courbe est tronquée à 12,00 g par jour (taux d'événement chez les participants avec une excrétion de sodium> 12,00 g par jour, 8 événements chez 305 participants). Le panel B montre un graphique restreint à la courbe de l'association entre l'excrétion de sodium estimée et le décès de toute cause. Le taux d'événements chez les participants avec une excrétion de sodium de plus de 12,00 g par jour était de 5 événements chez 305 participants. Le panel C présente un graphique restreint à l'association entre l'excrétion de sodium estimée et les événements cardiovasculaires majeurs (définis comme décès dus à des causes cardiovasculaires, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral ou insuffisance cardiaque). Le taux d'événements chez les participants avec une excrétion de sodium de plus de 12,00 g par jour était de 6 événements chez 305 participants. Toutes les points ont été ajustés en fonction de l'âge, du sexe, de la région géographique, du niveau d'instruction, de la consommation d'alcool, de l'indice de masse corporelle et du diabète sucré, des antécédents d'évènements cardiovasculaires et du tabagisme actuel. Les lignes pointillées indiquent des intervalles de confiance de 95%. L'excrétion médiane de sodium (4,72 g par jour) était l'étalon de référence, indiqué par la ligne rouge. Pour convertir les valeurs d'excrétion de sodium estimées en consommation de sel en grammes par jour, multipliez par 2,5.

Cette étude épidémiologique est fondée sur les concentrations de sodium d'environ 95 000 personnes réparties dans 21 pays. Mais sommes-nous tous égaux face à la consommation de sel ? La génétique n'entre-t-elle pas en compte ?

L’étude PURE sur le sodium est une étude observationnelle Les études observationnelles pour intéressantes qu’elles soient restent très difficiles à interpréter.  Malgré les progrès importants réalisés dans la mesure des paramètres physiologiques, métaboliques humains il existe encore une grande incertitude sur ces questions, en particulier dans les études du régime alimentaire. Deuxièmement, la relation de cause à effet entre les résultats et les facteurs présumés dans le régime alimentaire ou d'autres déterminants est très controversée. On ne peut donc que se saisir de ces données pour détecter des pistes en vue d’études interventionnelles où le régime est parfaitement contrôlé et ou un groupe est comparé en temps réel à un autre groupe. Ceci devrait être rappelé chaque fois qu’on commente une étude épidémiologique. En même temps il faut souligner que si une étude épidémiologique concerne 95000 personnes il s’agit tout à la fois d’un nombre considérable de données et d’une vision moyenne pouvant facilement gommer des particularités.
La sensibilité au sel décrit le fait que certaines populations ou certains individus peuvent présenter un risque accru d'événements cardiovasculaires associé à la consommation de sel. Cliniquement il existe une hétérogénéité marquée des variations de la pression artérielle en réponse à la réduction du sel/sodium. L'ethnicité, le statut hypertensif et l'obésité modifient l'association entre consommation de sodium et maladies cardiovasculaires (ou pression artérielle) mais il s’agit d’études dont les conclusions sont loin d’être univoques. Les bases génétiques de la sensibilité au sel et leur association directe avec des polymorphismes génétiques spécifiques de l'hypertension ne sont pas connues. Les différences interrégionales dans le monde quant à l'association entre consommation de sodium et risque CV ne peuvent être interprétées sans ces bases génétiques. Nous sommes clairement dans une zone de connaissance très insuffisantes mais il est probable que ces différences existent en raison des disparités dans la disponibilité du sel tout au long de l’histoire des différentes populations du globe. La conclusion pratique est de personnaliser les conseils à la fois en fonction des différences observées entre les ethnies (les asiatiques montrent dans les études une plus grande sensibilité au sel que les autres populations) et aussi en fonction des individus.

Quels peuvent être les risques d'inciter les gens à consommer plus de sel (notamment à cause de la consommation de sodium qui dit être limitée) ?

Le plus important n’est pas de mesurer la quantité de sel que l’on ingère. En effet personne ne le fait ni les patients, ni les médecins ni les diététiciens sauf dans des études. Mais devant l’imprécision des questionnaires de repas,  les auteurs de l’étude PURE ont choisi de mesurer l’excrétion de sodium (et non de sel) dans les urines. 
L’important c’est de savoir de quoi nous parlons. Le sel de table est presque exclusivement du chlorure de sodium. Les différences entre les différents sels sont d’abord le contenu en eau et marginalement des différences de contenu infime en chlorure de sodium au bénéfice de quelques micronutriments comme le fer, le calcium, le magnésium, le potassium ou le zinc . Il y a des variations minimes de son contenu en chlorure de sodium en fonction de l’origine, sel gemme, sel de mer… Le sel brut de mer contient d’autres minéraux en quantité infinitésimale (Tableau N°1).  
En aucune façon il s'agit de conseiller à la population de manger plus de sel. Aucun conseil alimentaire n’a de sens lorsqu’il s'agit de recommander un nutriment isolé car personne n’est capable de réaliser un comptage dans la journée du nutriment dans les aliments achetés. La vraie question est la suivante: d'où vient le chlorure de sodium que nous ingérons? 
La réponse appropriée est de conseiller des aliments et non pas des quantités de nutriments, de minéraux et en l’espèce de sel ou des produits ou a fortiori des suppléments! C’est pourquoi le conseil principal est d’éviter la majorité des produits industriels car ils sont salés et sucrés. De surcroît ils sont souvent transformés par raffinage ou cuisson à haute température et donc pauvres en micronutriments tout en devenant denses en calories. Ces produits sont la source d’environ 70% du sel consommé ce qui est considérable (Figure N°2). A ce sujet il faut souligner que ce n’est pas le contenu en sel de tel ou tel produit qui importe c’est l’origine de la majorité du sel consommé. En clair il est inutile de se focaliser sur les anchois alors que tous les produits de boulangerie arrivent en tête pour la quantité de sel consommée…
“Principaux aliments vecteurs
Compte tenu de nos habitudes alimentaires, la plus grande partie du sel consommé provient en France d’abord du pain et les biscottes, puis de la charcuterie, des condiments et sauces, des plats cuisinés, des fromages, des soupes et potages, ainsi que des quiches et pizzas.”
Mais il y a plus; les produits industriels créent un effet d’éviction sur la consommation d’aliments frais en particulier les végétaux riches en potassium (feuilles, bulbes,  fleurs, fruits…). En évitant les produits industriels et en consommant des produits frais on diminue la quantité de sel, on augmente les apports en potassium et on associe d’autres bénéfices liés aux aliments entiers peu ou pas transformés. Tout en utilisant la salière de table pour le plaisir des mets et la satiété. Malheureusement je vois trop souvent des personnes qui mangent des produits à longueur d’année et qui croit satisfaire les recommandations en utilisant parcimonieusement la salière à table. C’est juste l’inverse qu’il faut faire.
Figure N°2
Proportion de l'apport total en sodium provenant de diverses sources chez des habitants de États Unis ( Birmingham, Palo Alto and St. Paul) (n = 450).
Après cette remarque générale tout à fait fondamentale, il faut parler des situations particulières. En fonction de votre origine ethnique, de vos antécédents familiaux ou personnel, de votre état cardiovasculaire actuel il peut être indiqué ou non de diminuer votre consommation de sel. Si c’est le cas pensez à être efficace: 70% du sel vient des produits industriels.
Comme dans d’autres domaines la science bouscule les croyances établies sur des études de faible qualité ou même tronquées. Salim Yusuf est un cardiologue qui ose remettre en question des dogmes à partir de données expérimentales et cliniques, dans le but d’améliorer la santé des patients. Pour le sel il faut être discriminant et éviter le trop facile “less is more”.
"It is very hard to get sodium down to the levels people are talking about—2.3 g or lower. And we show that practically, no one in the world is down at that level. So we are making recommendations that most people, 99% of the world, cannot follow. From a practical point of view it makes no sense and from a scientific point of view it makes no sense.”
"Il est très difficile d’abaisser le sodium aux niveaux dont on parle - 2,3 g/j ou moins. Et nous montrons que pratiquement personne au monde n'est à ce niveau. Nous faisons donc des recommandations que la plupart des gens, 99% du monde, ne peuvent pas suivre. D'un point de vue pratique, cela n'a aucun sens et d'un point de vue scientifique, cela n'a aucun sens."
Salim Yusuf

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