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Infertilité masculine en hausse : voilà pourquoi il serait temps de le prendre en compte
©MARCEL MOCHET / AFP

Santé

Le nombre de spermatozoïdes chez les hommes occidentaux a plus que diminué de moitié au cours des 40 dernières années. Quelles sont les raisons de cette perte de production ?

Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Atlantico : Une étude approfondie publiée l’année dernière par l’Université hébraïque de Jérusalem suggère que le nombre de spermatozoïdes chez les hommes occidentaux a plus que diminué de moitié au cours des 40 dernières années. Un jeune homme sur cinq environ a une numération des spermatozoïdes faible et environ un sur deux est inférieur à l'optimum. Comment expliquer ces résultats ? Quelles sont les raisons de cette perte de production ? 

Michelle Boiron : Il y a de multiples causes de stérilité chez l’homme, elle est le plus souvent due à l’altération des spermatozoïdes. On peut répertorier des anomalies de sécrétions hormonales, des infections aigues ou chroniques à de rares cas des anomalies génétiques. Certaines atteintes traumatiques suite à des opérations peuvent être responsables de l’infertilité.
Aujourd’hui, on dénonce surtout des causes environnementales constatées surtout dans les zones industrialisées. .Les causes tenues responsables sont alors liées à des substances toxiques, des produits polluants... L’utilisation des outils connectés tenus très près du corps et des testicules sont aussi mises en causes mais sans études sérieuses pour le moment. 
Il a été aussi décelé un risque accru dans certains métiers où les hommes sont très exposés à des radiations, à des températures très élevées et aussi aux herbicides…
La  consommation à haute dose  d’alcool, de tabac, de drogue peuvent être aussi un facteur aggravant de stérilité. Les traitements en oncologie sont très abrasifs. Certaines entraineront une azoospermie totale, voire partielle.
Les causes sont multiples, c’est pourquoi une anamnèse très rigoureuse de la vie du patient, de sa fratrie, de ses parents… est capitale pour prendre en compte le patient dans sa totalité ainsi que tous les antécédents familiaux des 2 côtés du couple. 

Les questions centrées sur la contribution des hommes à la reproduction ont-elles tendance à être négligées selon vous ? Y-a-t-il une nécessité à changer les mentalités ?

Pour répondre à cette 2ème question je voudrai tout d’abord citer Michel Houellebecq dans son livre "La carte et le territoire", prix Goncourt 2010 Flammarion :
« Quelques années après qu’ils eurent décidé de vivre ensemble, et alors que leur vie sexuelle était selon l’expression consacrée « tout à fait satisfaisante » et qu’Hélène ne prenait aucune protection particulière, ils décidèrent de consulter. Des examens un peu humiliant mais rapides montrèrent qu’il était oligospermique. Le nom de la maladie apparaissait, en l’occurrence, assez euphémistique : ses éjaculats de quantité d’ailleurs modérés, ne contenaient pas  une quantité suffisante de spermatozoïdes du tout. Une oligospermie peut avoir des origines très diverses : varicocèle testiculaire, atrophie testiculaire, déficit hormonal, infection chronique de la prostate… Elle n’a la plupart du temps rien à voir avec la puissance virile. Certains hommes qui ne produisent que très peu, ou aucun spermatozoïde, bandent comme des cerfs, alors que d’autres, presque impuissants, ont des éjaculats si abondants et si puissants qu’ils suffiraient à repeupler l’Europe Occidentale ; la conjonction de ces deux qualités suffit à caractériser l’idéal masculin mis en avant dans les productions pornographiques … Josselin s’il pouvait encore, à cinquante ans passés, gratifier son épouse d’érections fermes et durables, il n’aurait certainement pas été en mesure de lui offrir une douche de sperme, au cas où elle en aurait éprouvé du plaisir…. » Cet extrait nous montre bien l’amalgame qu’il peut y avoir dans l’inconscient collectif entre la fertilité et la virilité. 
Hélas il faudra du temps pour modifier les croyances qui ont fondé la sexualité de l’homme qui autrefois était exclusivement consacrée à la reproduction et non à la jouissance.
Non, au contraire on sait aujourd’hui que dans les cas d’infertilité dans le couple,  dans 60% des cas c’est l’homme qui est impliqué. Avant on ne savait pas, on ne voulait pas le savoir : on ne le vérifiait pas.  
Les comportements dans ce domaine ont évolué notamment la systématisation de la recherche de l’infertilité est vérifiée chez l’homme et chez la femme et ce lorsqu’un couple n’arrive pas à avoir d’enfant après deux ans de rapports sexuels sans avoir abouti à une grossesse. C’est une avancée considérable. Il n’y a pas encore si longtemps, on faisait uniquement des analyses chez la  femme et seulement sur elle car l’homme ne pouvait, ne voulait imaginer que sa responsabilité était peut être engagée dans l’infertilité. 
La réalité physiologique le concernant était à l’origine de cette pensée : l’homme peut concevoir toute  sa vie, en effet il produit des spermatozoïdes depuis la puberté jusqu’à la fin de sa vie. Alors que la femme est limitée dans le temps de la fécondité par un stock d’ovocytes qui n’est pas éternel.
A cela s’ajoutait le risque pour l’homme de se sentir dévirilisé par cette stérilité confondue souvent avec l’impuissance. Aujourd’hui les hommes consentent à faire analyser leur semence  dans les conditions pas très glamour que l’on connait pour le recueil de leur sperme. En revanche lorsque les résultats de l’infertilité viennent d’eux, ils le ressentent toujours comme une défaillance  de leur virilité et il est bien qu’ils consultent un psychologue pour les aider à surmonter cette épreuve. Dans notre patientèle on trouve encore quelques femmes qui acceptent d’endosser une part de la stérilité  même si elle n’est pas physiologiquement concernée, tellement les femmes ont eu l’habitude d’endosser la responsabilité de l’infertilité et veulent conserver une image forte de leur homme !

Que peuvent faire les médecins et les personnels hospitaliers pour progresser sur cette prise en charge des hommes ?

Il y a à l’évidence un gros travail de prise en charge à mettre en place dans les centres. Les médecins et les équipes soignantes sont débordés. Comment trouver un espace pour mettre des mots alors que la demande n’est pas manifeste ?
On commence vraiment à prendre la mesure de la souffrance psychologique car il y a de plus en plus de cas d’infertilité masculine. Néanmoins l’homme ne souhaite pas en parler ni le partager. C’est déjà tellement difficile d’entendre le diagnostic et d’accepter sa responsabilité. Elle était impensable il n’y a pas si longtemps… Ils ne veulent pas en plus qu’on les stigmatise avec une fragilité psychologique associée !
Le couple à qui l’on annonce une infertilité est dans une grande souffrance quelles qu’en soient les causes. Dans un premier temps, une prise en charge du couple peut aider à restaurer la blessure narcissique liée à l’annonce de l’infertilité et des possibilités médicales d’y remédier. Dans un 2ème temps, il est vraiment nécessaire que chacun ait une prise en charge individuelle.  L’homme commence à admettre que cela peut être lié à sa physiologie et n’atteint pas sa puissance sexuelle mais il reste dans le déni de la blessure psychique que cela créé chez lui. L’espoir de palier à cette défaillance est aujourd’hui réel malgré les progrès de la médecine mais le chemin est long et met le couple en souffrance car ils se sentent impuissants ensemble. Le risque que leur sexualité en pâtisse est présent. En revanche dans le cas de l’infertilité masculine c’est quand même la femme qui doit subir le traitement avec les effets secondaires très difficiles à vivre. Notamment une prise de poids importante liée aux traitements hormonaux. 
« Un enfant quand je veux, si je veux » est encore parfois un leurre et n’est pas toujours réalisable. Indépendamment des problèmes physiologiques inhérents à l’humain on constate  le recul de l’âge où les couples décident de faire un enfant. Il se trouve dans la zone à risque d’infertilité et que lorsqu’ils en prennent conscience, le temps pour réussir à aboutir à une grossesse est parfois très long. Beaucoup de patience, de courage, un peu d’humilité et une aide psychologique pour les aider à traverser cette épreuve.  

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