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Le classement de Shanghai - mythes et réalités
©Thomas SAMSON / AFP

L'excellence de l'enseignement supérieur

Ce classement mondial des universités est l’objet de beaucoup de commentaires erronés. Voici, à l’occasion de la parution de l’édition 2018, quelques enseignements à retenir.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Depuis sa première parution, en 2003, le classement mondial des universités réalisé et publié chaque année au mois d’août par un centre de recherche basé à Shanghai et lié à l’Université Shanghai Jiao Tong, est l’objet de beaucoup de commentaires erronés. Voici, à l’occasion de la parution de l’édition 2018, quelques enseignements à en retenir. 

1. Le classement de Shanghai est méthodologiquement le plus objectif des grands classements économiques internationaux. Il se fonde essentiellement sur la production scientifique alors que d’autres classements, britanniques en particulier, incluent une part de réputation, dont le calcul est plus difficile à justifier. 
2. Depuis sa création, le classement témoigne d’une stabilité fondamentale du paysage académique mondial. Rapporté à la production scientifique internationale, il conduit à placer dans les 100 meilleures universités du monde: 46 universités américaines, (50 nord-américaines si l’on ajoute les 4 canadiennes), 34 européennes (nous parlons de la Grande Europe, « de l’Atlantique à l’Oural »), 8 universités d’Extrême-Orient , 6 australiennes, 2 proche-orientales (israéliennes).  
Le monde anglophone représente 69 des 100 meilleures universités du monde. 
L’Europe, au sens historique, fournit un tiers des meilleures universités du monde. On insistera sur la relative faible performance, non seulement de la France mais aussi de l’Allemagne (seulement 4 universités dans les 100 meilleures) et, au contraire, les résultats remarquables de la Scandinavie (7 universités, 3 suédoises, 2 danoises, 1 finnoise et 1 norvégienne), de la Suisse (5), des Pays-Bas (4), de la Belgique (2). 
Enfin, on fera attention au classement extrême-oriental: trois japonaises, deux singapouriennes et seulement trois chinoises - la montée de ces dernières est spectaculaire ces dernières années mais, globalement, il faudra du temps avant que la Chine prétende faire jeu égal avec l’Europe. 
3. Stabilité française avec une performance qui reste décevante. Depuis quinze ans, ce sont les mêmes établissements qui figurent dans les 100 premiers: 
- la grande université scientifique Pierre et Marie Curie ( « Paris 6 », « Jussieu »), cette années à la 36è place, tout à fait stable après avoir absorbé l’université de lettres et sciences humaines Paris-Sorbonne (« Paris 4 »). Cette Sorbonne renouvelée relève fièrement la plus vieille marque universitaire française, la Sorbonne. 
- Puis vient, à quelques encablures, une autre.grande université scientifique, « Orsay », « Paris 11 »
- Enfin l’Ecole Normale Supérieure, à la 64è place, performance remarquable, qui rappelle, si besoin était, que, dans le classement de Shanghai, ce n’est pas la taille qui compte mais la puissance scientifique. 
4. On regrettera, dans le cas français, que les gouvernements successifs, depuis 2003, n’aient pas assez pesé pour opérer rapidement des fusions au sommet de la héiérachie scientifique française.  
- C’est seulement cette année qu’a été proposé au classement de Shanghai le consortium Paris Sciences et Lettres au coeur duquel se trouve l’Ecole Normale Supérieure. Les projections montrent que s’il était classé, cet ensemble entrerait dans les 30 premiers; mais le CRWU refuse de le classer (à la différence des classements britanniques THE et QS) tant que l’Ecole Normale Supérieure et ses prestigieux partenaires (Ecole des Mines, Ecole de Chimie de Paris, ESPCI, Ecole Pratique des Hautes Etudes, Observatoire de Paris, Institut Curie, Paris-Dauphine, Ecole des Chartes) n’auront pas présenté une gouvernance plus intégrée, compréhensible internationalement. 
- La fameuse université de Paris-Saclay, en constitution autour de Paris-Orsay, a toutes les chances de se hisser, également, parmi les trente meilleures du monde. On ne saurait qu’encourager le gouvernement français à en parachever rapidement la gouvernance, là aussi selon des standards internationaux. 
- Enfin, on attend beaucoup de la fusion à venir entre Paris-Diderot, classée parmi les 150 meilleures et Paris-Descartes, parmi les 200, qui inclura en particulier la première faculté de médecine d’Europe. 
On ne minimisera pas, bien entendu, l’impact des réformes françaises depuis une dizaine d’années: Aix-Marseille et Strasbourg ont, grâce à la fusion de leurs université, réussi à entrer dans les 150 meilleures et Grenoble dans les 200. Mais il est urgent de se donner les moyens de faire entrer ces trois universités dans les 100 meilleures du monde. Cela ne passe pas seulement par une nouvelle gouvernance; mais surtout par la concentration des moyens nécessaires, publics ou privés,sur la petite dizaine d’universités de recherche que le pays est en train de faire émerger. 
5. Le classement de Shanghai, tel qu’il révèle les forces et les faiblesses scientifiques dans le monde, fait douter de l’intérêt des universités européennes, aussi chères soient-elles à notre président de la République. 
- à moins qu’il s’agisse de réaliser de nouvelles universités fusionnées, transnationales, cela n’aura aucun impact sur les classements. 
- la réussite remarquable des petites nations (Danemark, Suisse, Israël, Singapour) montre bien qu’il s’agit moins de « faire taille » que d’être capable de concentrer les financements de recherche et d’éducation et de créer des écosystèmes d’innovation. Si nous voulons comprendre les clés de la réussite universitaire au XXiè siècle, il nous faut regarder vers le Technion, Nanyang Technological University ou les Ecoles Polytechniques Fédérales de Zurich et Lausanne. L’absence quasi-totale des écoles d’ingénieurs françaises d’un rapport récemment publié par le MIT sur l’avenir des écoles d’ingénieurs dans le monde est un signal d’alarme très fort pour notre pays, que l’on lit en creux, dans le calssement de Shanghai, où le MIT est 4è meilleure université au monde, l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich 19è et la TU Munich 49è, classée devant sa voisine de quartier, la Ludwig Maximilian Universität. 
N’absorbons pas trop d’énergie dans la création de conglomérats européens qui auront peu de retombées scientifiques alors qu’il faut en priorité: 
- renforcer le European Research Council et ses financements aux chercheurs, l’une des plus belles réussites de l’Union. 
- se demander comment doubler ou tripler, dans les années qui viennent, les budgets nationaux, publics et privés, consacrés à l’enseignement supérieur et à la recherche en Europe. Il y va de l’avenir de notre capacité d’innovation  et de l’affirmation de l’Europe dans la compétition économique mondiale. 

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