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Nouvelle baisse des taux immobiliers: ce que l’on doit savoir pour bien agir dans un marché de taux bas durables
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Evolution

Contrairement aux prédictions, les taux immobiliers ont atteint leur plus bas historique : 1.43%.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Alors que de nombreuses analyses pointait un risque de hausse des taux immobiliers, ceux-ci ont atteint 1.43%, soit leur plus bas niveau depuis février 2017. Un tel mouvement à la baisse est-il susceptible d'entraîner une poussée des achats, et donc des prix au cours des prochains mois ? 

Philippe Crevel : La baisse des taux a poussé à l’augmentation des transactions en 2017 et s’est accompagnée d’une hausse des prix. L’offre est insuffisante face à la demande aboutissant à une hausse continuelle des prix. Au cours du 1er semestre, les ménages ont diminué leurs investissements dans l’immobilier a priori non pas par rejet de la pierre mais en raison d’une insuffisance de biens compatibles avec leur budget.

Sur un an, en France, la hausse des prix de l’immobilier à la fin du 1er trimestre, était vive, soit +3,5 % par rapport au premier trimestre 2017, après +3,3 % le trimestre précédent. Cette hausse est tirée par les prix des appartements qui augmentent de 4,3 % en un an, contre 2,9 % pour les maisons. En effet, au premier trimestre 2018, les prix des logements anciens ont augmenté de 1,5 % par rapport au trimestre précédent, après +0,3 %.

Au premier trimestre 2018, la hausse des prix des appartements s’est poursuivie en Île-de-France, +5,0 % en un an, après +5,6 % (+7,3 % après +8,7 % pour les appartements parisiens). La hausse des prix des maisons franciliennes se stabilise (+2,8 % sur un an après +2,7 %). Au premier trimestre 2018, les prix des logements anciens en province augmentent sur un an de +3,1 % après +2,6 % le trimestre précédent. Mais comme en Île-de-France, la hausse annuelle est plus importante pour les appartements (+3,5 %) que pour les maisons (+3,0 %).

La hausse des prix est générale. Elle ne concerne pas que la France. Ce sont la quasi-totalité des pays de la zone euro qui sont concernés. Le prix des logements mesuré par l'indice des prix des logements a, en effet, augmenté de 4,5 % dans la zone euro et de 4,7 % dans l’ensemble de l’Union européenne au premier trimestre 2018 par rapport au même trimestre de l'année précédente. En référence au quatrième trimestre 2017, les prix des logements ont progressé de 0,6 % dans la zone euro et de 0,7 %. 

Sur cette période, les plus fortes augmentations annuelles du prix des logements ont été enregistrées en Lettonie (+13,7 %), en Slovénie (+13,4 %), en Irlande (+12,3 %) et au Portugal (+12,2 %), tandis que des baisses ont été observées en Suède et en Italie (-0,4 % chacune), ainsi qu’en Finlande (-0,1 %).

Le risque de hausse des taux est souvent présenté comme la menace principale sur l'immobilier. Pourtant, au regard par exemple de la persistance au Japon de taux proches de 0 pour une période très longue, un scénario de taux bas durables ne peut être écarté. En imaginant de telles conditions, quelles seraient les autres menaces qui pourraient toucher le secteur ? 

Les taux sont historiquement bas depuis trois ans. Leur remontée dépend tout à la fois du niveau des taux directeurs de la FED et de la BCE, des anticipations d’inflation et de la croissance. Une augmentation rapide des taux pourrait être occasionnée par une crise grave au sein de la zone euro. Le scénario le plus probable est celui d’une remontée lente et très progressive à partir du milieu de l’année 2019.

Le secteur de l’immobilier est menacé par une augmentation excessive des prix qui constitue une barrière infranchissable pour les primo-accédants et pour les ménages à revenus modestes ou moyens. Le marché immobilier risque de devenir très étroit et donc de plus en plus sensible aux variations de la conjoncture. Plus les prix augmentent, plus le risque d’éclatement brutal de la bulle ainsi formée s’accroît.

L’immobilier, et c’est peut être la volonté des pouvoirs publics, être fragilisé par l’IFI, par les contraintes bureaucratiques diverses et variées. Mais, cette politique risque de réduire l’offre de logements. Les prix ne pourront donc qu’augmenter.

Comment évaluer le ou les marchés immobiliers français actuellement ? Au delà des conditions financières, entre niveau des taux et conditions financières octroyées par les banques, les fondamentaux ne sont-ils pas négligés dans un tel contexte ? 

Il n’y a pas un marché mais une multitude de marchés immobiliers. Paris du fait de son pouvoir d’attraction internationale, de sa place économique et politique en France évolue en solitaire. Quelques grandes villes bénéficient de fortes hausses tant pour des raisons économiques que de modes. Bordeaux figure au rang de celles-ci tout comme Lyon ou Nantes. Parmi les marchés spécifiques, il faut prendre en compte les villes touristiques à forte notoriété comme Arcachon, Deauville, Porto-Vecchio ou Porticcio. Au-delà de ces villes qui connaissent ou de fortes augmentations de prix, la situation est beaucoup plus contrastée en France. Des villes confrontées à la désindustrialisation subissent des baisses de prix quand d’autres en périphérie des grandes agglomérations peuvent enregistrer des progressions rapides surtout si elles sont dotées de réseaux de transports publics. La France se caractérise par une mauvaise allocation des logements. Si dans certaines régions, une pénurie de biens immobiliers, dans d’autres, le nombre de logements vides ou vacants augmente. Cela est la conséquence de la désertification d’une partie du territoire mais aussi des contraintes administratives qui incitent les bailleurs à retirer du marché certains biens. La concentration de la population au sein des grandes métropoles provoque un manque de logements en leur sein, Ce phénomène est amené à se poursuivre encore quelques années. Certes, avec le vieillissement de la population, un nombre croissant pourrait être remis sur le marché mais ils ne seront pas obligatoirement adaptés aux besoins des ménages. La multiplication des divorces génère des décohabitations et accroit le besoin en logements de taille moyenne pouvant accueillir les familles décomposées et recomposées.

Au-delà des tendances structurelles de fonds, compte tenu de la hausse des prix, la rentabilité de la pierre a tendance ces dernières années à baisser. Une telle évolution pourrait dissuader la réalisation d’investissement locatif. Il faut souligner que malgré des avantages fiscaux conséquents, le parc locatif privé augmente peu. Les contraintes administratives et la politique du gouvernement pourraient dissuader les ménages d’investir dans la pierre. La mise en place de l’Impôt sur la Fortune Immobilière, l’augmentation des impôts locaux, les règles favorables aux locataires sont autant de freins pour les investisseurs dans la pierre. En dénigrant l’immobilier, le Gouvernement ne résout pas la crise du logement qui est une constante en France. Il faudrait mieux de revoir les dispositifs d’aide qui alimentent la hausse des prix.

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