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Fortune : le rendement de l’IFI est meilleur que prévu mais voilà pourquoi ça n’est pas une bonne nouvelle pour le gouvernement
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Paradoxal

L’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) devrait, selon les premiers éléments communiqués par le Ministère des Finances, rapporter un peu plus d’un milliard d’euros quand le Gouvernement n’escomptait initialement que 850 millions d’euros.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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L’IFI (nouvel ISF) est manifestement plus rentable que prévu et est estimé à un milliard d’euros selon les prévisions de Bercy. Mais dans l’optique où ce dernier devait inciter les investisseurs à se détourner de l’immobilier pour préférer d’autres secteurs comme l’économie collaborative, n’est-ce pas une fausse bonne nouvelle pour le gouvernement ? 

Philippe Crevel : L’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) devrait, selon les premiers éléments communiqués par le Ministère des Finances, rapporter un peu plus d’un milliard d’euros quand le Gouvernement n’escomptait initialement que 850 millions d’euros. Ce surcroît de recettes s’explique évidemment par la bonne tenue du marché immobilier avec des prix en forte progression, +4,2 % en 2017. A Bordeaux, les prix ont augmenté de 7,7 % et à Paris de plus de 6 %. D’autres facteurs contribuent à la bonne tenue de l’IFI. Le Ministère des Finances aurait mal apprécié lors de l’élaboration du projet de loi de finances pour 2018 le montant du patrimoine des ménages. Par ailleurs, les modifications des règles en matière des dettes déductibles jouent en faveur d’un meilleur rendement de l’IFI. En outre, le plafonnement à 75 % des revenus a un coût moindre du fait de la sortie du patrimoine financier. L’IFI devrait être acquitté par 120 000 personnes soit trois fois moins qu’au temps de l’ISF. Malgré tout, Bercy n’escomptait que 90 000 contribuables. En matière de collecte, l’écart sera donc de moins de 3 milliards d’euros. L’IFI concerne avant tout les propriétaires de biens immobiliers à Paris, sur la Côte d’Azur et dans les sites touristiques de premiers choix.

La suppression de l’ISF est trop récente pour juger du bienfondé du raisonnement du gouvernement qui espérait obtenir de la sorte une réorientation du patrimoine des ménages vers l’économie réelle. Même si l’investissement immobilier a légèrement reculé au cours du premier semestre 2018, cela n’est pas dû à un changement d’allocation des actifs de la part des Français mais à un manque de biens disponibles. La poursuite de l’augmentation des prix en est la traduction. Les épargnants restent malgré plusieurs mesures dissuasives, attachés à la pierre et relativement méfiants vis-à-vis des placements boursiers. Par ailleurs, les ménages propriétaires de leur résidence principale, ne peuvent pas s’en défaire d’un coup de baguette magique afin d’échapper à l’IFI. Il n’est pas évident de passer de propriétaire à locataire surtout que marché locatif privé est assez restreint. De même, la mise en place de mécanismes pour éviter l’IFI de la part des grandes fortunes nécessitent du temps.

Pensez-vous que la situation est susceptible d’évoluer ou au contraire est-ce que cela va perdurer ? 

Si les prix continuent d’augmenter, bien évidemment que les rentrées fiscales liées à l’IFI s’accroitront. A contrario, comme le soulignait le rapport sur le projet de loi de finances 2018 du sénat « il y a fort à parier qu'une fois que les grandes fortunes auront modifié la composition de leur patrimoine au détriment de l'immobilier, le rendement de l'IFI sera inférieur à celui escompté par le gouvernement ». Entre l’aversion aux risques des ménages, leur appétence pour la pierre et les incertitudes qui pèsent sur les marchés, je considère que l’IFI devrait se maintenir autour du milliard d’euros.

Enfin, quels pourraient être les nouveaux moyens d’action pour inciter les investisseurs à se détourner de la pierre ? 

Evidemment la première tentation serait d’accroitre la taxation. Le Gouvernement pourrait relever le barème de l’IFI, augmenter les droits de mutation, durcir le régime des plus-values, accroître les impôts fonciers, diminuer les avantages relatifs consentis à la pierre (amortissement, réductions d’impôt, etc.). L’autre possibilité qui serait bien plus positive serait de favoriser les placements financiers. Certes, le Gouvernement a mis en place le Prélèvement Forfaitaire Unique mais ce dernier peine à être compris par les ménages. Son taux de 30 % n’est pas jugé incitatif même s’il intègre les prélèvements sociaux. De toute façon, il faut du temps pour modifier les comportements. En outre une stabilisation de la législation fiscale est indispensable. Par ailleurs, si la pierre n’est plus une fin en soi, il faudrait que des investisseurs développent un parc privé de logements de qualité.

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