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Emmanuel Macron, ce grand réformateur que des oppositions aigries voudraient empêcher ? Petit bilan de son action comparée à celle de ses prédécesseurs après 1 an de mandat
©YOAN VALAT / POOL / AFP

Excuse

La majorité assure avoir été très active depuis le début du quinquennat et regrette que l'opposition tente d'allumer des contrefeux, notamment en surfant sur l'affaire Benalla. La réalité n'est pas si simple.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : La majorité se targue d'avoir été très active pendant cette première année (une perception partagée par l'opinion publique) mais qu'en est-il vraiment si l'on devait comparer aux précédents présidents de la cinquième République ?

Edouard Husson : Effectivement, au moins de manière faciale, les chiffres donnent le tiercé suivant, dans l’ordre: Nicolas Sarkozy, avec 131 textes adoptés durant la première année de son quinquennat; puis François Hollande, avec 96; et enfin Emmanuel Macron avec 64.  Ensuite, tout dépend de l’importance des textes qui ont été en discussion. De François Hollande on retient qu’il a fait passé plusieurs textes qui inversaient des mesures prises par Nicolas Sarkozy ou qui alourdissaient la fiscalité. En fait, le match, si vous en voulez un,, par l’ampleur des textes proposés, se déroule entre Emmanuel Macron et Nicolas Sarkozy. Le bilan de l’ancien président durant sa première année est impressionnant: défiscalisation des heures supplémentaires; loi sur l’autonomie des universités; loi TEPA (en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat;); loi sur la récidive; loi destinée à lutter contre l’immigration clandestine; loi sur le service minimum dans les transports et l’Education Nationale; réforme des régimes spéciaux de retraite. Et Nicolas Sarkozy avait fait passer à la date du 21 juillet 2008 une réforme de la Constitution. Donc, sans minimiser le bilan d’Emmanuel Macron, il est certain que Nicolas Sarkozy soutient la comparaison.  En même temps sa trajectoire est un avertissement pour l’actuel président de la République: une action soutenue n’est pas suffisante pour garder l’électorat qui vous a élu. 

Peut-on alors parler de décalage entre les actes et la réalité ? Cette perception qu'a l'opinion publique ne serait-elle pas explicable par l'inflation informationnelle de ces dernières années ?

Je ne crois pas qu’il y ait un décalage entre les actes et la réalité. Attendons la fin du quinquennat pour faire les comparaisons qui s’imposent. Durant la seconde partie de son propre quinquennat, Il n’est pas exclu que la eone euro entre en turbulence après le départ de Mario Draghi de la présidence de la BCE à l’auitomne 2019; et dans ce cas, l’essentiel de l’activité du président français serait absorbée par la lutte contre une crise monétaire et financière, comme ce fut le cas de Nicolas Sarkozy à partir de 2008. . Il reste que Macron comme Sarkozy ont succédé à des présidents qui avaient peu fait évoluer le pays. Jacques Chirac n’osa pas faire passer la loi sur l’autonomie des universités alors qu’elle était prête depuis 2004! Nicolas Sarkozy la fait passer dès le mois d’août 2007. On peut pousser la comparaison entre les deux présidents en soulignant qu’ils ont incarné, comme ministres, la face la plus active de la présidence qui les a précédés, Sarkozy comme Ministre de l’Intérieur, Macron comme Ministre de l’Economie. Le problème concernant la communication est pour moi ailleurs: responsables politiques et médias sont d’accord pour des effets d’annonce, pour décrire le lancement d’une mesure ou d’une politique. En revanche, il est très rare que l’on ait un bilan de la mise en oeuvre des lois et une évaluation de leur impact. Evidemment, cela voudrait dire que l’on se met à penser au-delà du court terme. Le succès d’une loi ne se mesure qu’à moyenne ou longue échéance. Nicolas Sarkozy avait tendance à communiquer quand il lançait un sujet puis on passait à autre chose. Emmanuel Macron est plus intéressé par le suivi que son prédécesseur; mais il n’est pas sûr qu’il puisse aller contre la tentation de la communication superficielle: l’exemple récent de la vidéo sur le « fric dingue » mis dans les dépenses sociales est une illustration de la dérive probable, sinon inévitable, qui guette une personnalité politique qui doit lutter contre l’usure médiatique d’une image de réformateur. 

N'est-il pas dangereux de se targuer d'une grande activité parlementaire alors que l'on a souvent déploré la "logorrhée législative d'un parlement trop "bavard (Pierre Mazeaud) et ce dès 1991 (cf. le rapport du Conseil d État déplorant "l'inflation législative") ?

Vous mettez le doigt sur un problème essentiel de la modernité politique, soulevé en particulier par Hayek et d’autres penseurs du libéralisme classique. Il y a une inflation législative; elle commence  après la Seconde Guerre mondiale. Cela fait des décennies qu’au lieu de cantonner la loi à des textes généraux, à de grandes règles d’action, nos gouvernements encouragent leurs parlements à se mêler de tous les détails. C’est, paradoxalement, une conséquence du recul du parlementarisme et de la montée en puissance des exécutifs. Ce n’est pas spécifique à la France; c’est vrai de toutes les démocraties occdentales. Et l’Union Européenne, par l’intermédiaire de la Commission et du Parlement européen, a encore aggravé le phénomène. Soit vous êtes dans la logique d’un parlementarisme fort et d’une forte décentralisation des décisions, ancrée dans une démocratie locale vivante; soit vous êtes dans une logique saint-simonienne, où l’administration des choses est préférable au gouvernement des hommes. Dans cette perspective, la loi est juste l’habillage de décisions imposées par l’exécutif.  On doit pouvoir établir un parallèle entre l’inflation législative et le développement des Etats-Providence. Mais le recul de la protection sociale n’a pas signifié une décrue législative: d’une part, l’entrée en crise de l’économie de la Seconde révolution industrielle a conduit à multiplier les textes de lutte contre la crise, le chômage, la pauvreté....; d’autre part, c’est largement l’Etat qui, depuis les années 1960, mène la libération des moeurs et, dans ce domaine aussi, empile texte sur texte dit « sociétal ». Et puis le surgissement de nouvelles thématiques, comme le principe de précaution, l’environnement etc.... alimente aussi la multiplication des textes. 

Au final si l'on veut mesurer l'effectivité du parlement ne faudrait-il pas évaluer le nombre de lois réellement novatrices par rapport aux textes de circonstances et aux législations cosmétiques tout en portant également son attention sur le nombre de lois qui ont dû être adoptées après commission mixte paritaire avec le dernier mot à l'Assemblé nationale par rapport aux lois adoptées par consensus?

Plusieurs aspects sont à considérer: d’abord, le légslateur national, dans l’Union Européenne, est devenu en partie une chambre d’enregistrement des directives européennes, qu’il transpose en droit national et empaquète sous forme de loi. Et il y a rarement des débats approfondis sur la transposition des directives européennes. Encore moins une réaction, qui serait salutaire, consistant à vouloir mettre un frein à la multiplication des textes tous azimuts par la Commission européenne. Ensuite, il est vrai que la tendance de ces dernières années a été de prévoir un texte de loi systématiquement après un accident ou un fait de société. Comme si les gouvernants avaient du mal à assumer l’écart réel entre l’aspiration des Etats à tout régenter et l’impossibilité d’une intervention dans tous les domaines de la vie sans sombrer dans le totalitarisme. Une fois que l’on a fait la part des textes rendus obligatoires par l’appartenance à l’UE et des textes de circonstance, il faudrait identifier, dans une liste-bilan, combien de temps les parlements consacrent aux enjeux du XXIè siècle: progrès de la médecine mais fréquemment aux dépens de la personne, développement de l’intelligence artificielle, irruption des données massives etc.... Regardez l’énergie dépensée à imposer la limitation partielle de la vitesse à 80 km/h alors que les commissions parlementaires devraient être plutôt en train de travailler, en anticipation, sur les futurs véhicules autonomes. Pour être équitable dans l’appréciation, il faut d’ailleurs ajouter que les parlements occidentaux produisent des rapports souvent de grande qualité et plus proches du terrain que bien des analyses d’experts commandées par les exécutifs ou publiés par les organisations internationales. 

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