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Le choix surprenant du PS et de François Hollande de se passer du SPHP lors de la campagne présidentielle de 2012
©BOB EDME / POOL / AFP

Bonnes feuilles

L'affaire Alexandre Benalla a mis en lumière le rôle des hommes et des femmes chargés d'assurer la sécurité du chef de l'Etat. Gilles Furigo livre son témoignage et son expérience sur ce poste clé dans l'ouvrage "Les gorilles de la République, Une histoire du service de protection des hautes personnalités", publié chez Mareuil éditions.

Gilles Furigo

Gilles Furigo

Gilles Furigo a a fait son entrée dans la police en 1981. Il a travaillé de 1989 à1991 au service des voyages officiels, à la sécurité des hautes personnalités et était chargé de la formation. Pendant deux ans, il a ensuite été chef du groupe de sécurité du premier ministre à Matignon. Il a ensuite assuré la sécurité des personnalités étrangères. En 2016, il a été nommé chef du pôle sécurité des grands événements sportifs.
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Ma dernière campagne

2012

Une campagne présidentielle est toujours une période ultrasensible, d’une violence inouïe, où la protection rapprochée se frotte au politique en posture de combat. Et qui s’y frotte s’y pique ! Le positionnement est binaire : toute personne qui arrive dans les radars d’un politique en campagne est ami ou ennemi. Si vous n’êtes pas un allié ayant fait allégeance, vous êtes forcément un ennemi à détruire.

Depuis la réforme de 1994, comme nous l’avons vu, le SPHP prend en charge la sécurité de tous les candidats à la présidence de la République qui en font la demande. Le SPHP est le seul service de l’État à accompagner les personnalités partout, y compris dans les meetings politiques, car il assure la mission régalienne de protection. Ce sera donc le cas en 2012.

Le parti socialiste ayant formulé une demande auprès de la DGPN, je fournis une liste de fonctionnaires chargés d’assurer la sécurité du candidat, avec à la tête du groupe de protection un commandant de police volontaire pour cette mission. Ancien de la protection du président Mitterrand, et ancien chef du groupe d’appui, il a toutes les qualités requises pour mener à bien cette tâche avec professionnalisme. 

Nous établissons une liste de quinze noms pour former une équipe composée de jeunes policiers et de plus anciens, des organisateurs, des gardes du corps et des chauffeurs de sécurité. Bref, une équipe professionnelle et compétente que je valide et qui sera… entièrement récusée ! Je l’apprendrai par la presse, dans Le Monde, dans un article signé Revault d’Allonnes. Le titre est on ne peut plus clair : « Hollande préfère, pour l’heure, confier sa protection au PS plutôt qu’à la police ». Le ton est donné, l’article au vitriol dénonce, je cite, « une liste vérolée, comprenant soit des fonctionnaires syndiqués dans des organisations réputées favorables au pouvoir en place – comme Alliance –, soit des fonctionnaires pas fiables politiquement… ». Un peu plus loin l’article précise : « le problème n’est pas tant la protection physique du candidat que la confidentialité de sa bulle ». Je réponds par voie de presse, ne supportant pas qu’un service de l’État soit attaqué aussi injustement. Derrière ces mots, il y a des hommes, des fonctionnaires bafoués, insultés même, alors qu’ils exercent parfaitement leurs missions. Le garde du corps est légaliste. À travers une personnalité, il protège l’institution qu’elle incarne. Je reçois d’ailleurs un soutien écrit de Pierre Joxe, ancien ministre de l’Intérieur de François Mitterrand, qui commence par ces mots : « Vous avez défendu votre service et vous avez eu raison […] Je l’ai dit au parti socialiste […]. »

Une nouvelle équipe de sécurité sera choisie au sein du SPHP, sans que j’en sois avisé. J’enrage : le SPHP renoue avec les vieux démons des VO que l’on croyait à jamais disparus ! Si l’on y ajoute les propos du candidat socialiste qui déclare que s’il est élu, il remplacera tous les hauts fonctionnaires nommés par Nicolas Sarkozy, je sais que mes jours au SPHP sont comptés.

Quelques semaines après l’élection de François Hollande, et sans que cela ne me surprenne vraiment, le nouveau directeur général de la police nationale m’annonce mon remplacement. Nous sommes fin juillet. D’une finesse à toute épreuve et d’un tact comme on en fait plus, le DGPN me conseille de partir en congés le plus tôt possible. Je n’épiloguerai pas davantage.

Le 27 août 2012, à mon retour de vacances, je suis affecté à l’Inspection générale de la police nationale, l’IGPN. C’est ainsi que l’on remercie les « fidèles serviteurs » de l’État !

Fin septembre, je reçois un appel du secrétariat de Nicolas Sarkozy. L’ancien président veut me voir. Il me reçoit chaleureusement pendant une demi-heure, en têteà-tête. Il est lui-même détendu, ce n’est pas la caricature que la presse fait de lui. C’est un homme sympathique et humain qui s’inquiète, lui, du bien-être de ses collaborateurs. Je quitte son bureau apaisé. La page est tournée. Le livre du SPHP est définitivement refermé.

Extrait de "Les gorilles de la République, Une histoire du service de protection des hautes personnalités", de Gilles Furigo, publié chez Mareuil éditions.

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