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"Noces de sang" de Federico Garcia Lorca aux fêtes nocturnes du château de Grignan
©JORGE GUERRERO / AFP

Nuit magique

Les "Noces de sang" de Federico Garcia Lorca se jouent à Grignan jusqu'au 25 août.

Dominique Poncet

Dominique Poncet

Dominique Poncet est est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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C’est un festival comme il n’en existe nulle part ailleurs en Europe. Son concept est d’une grande simplicité : proposer en plein air, dans un seul lieu, 44 représentations consécutives d’un spectacle inédit  « accessible à tous, humaniste et généreux »… A l’heure où les  organisateurs de manifestations estivales ont tendance à multiplier et diversifier les offres en tous genres pour attirer le chaland, ce pari d’un programme unique sur deux mois d’été, à la fois haut de gamme et populaire est plutôt culotté… Mais comme le dit le dicton, la fortune sourit parfois aux audacieux ! La preuve : depuis 32 ans qu’il existe, le nombre des spectateurs de ce festival ne cesse de croitre. Plus de 32 000 l’année dernière.

Il faut dire que les Fêtes Nocturnes de Grignan, puisque c’est d’elles qu’il s’agit, ont de sacrés atouts dans leurs manches… D’abord elles sont situées, comme leur nom l’indique, à Grignan, l’un des plus jolis villages de la Drome provençale. Perché en haut d’un éperon rocheux,  avec vue, en contrebas, sur les lavandes, et au loin, sur les montagnes avoisinantes, ce village de pierre blanche, qui abrite de nombreux potiers d’art, vaut à lui seul le détour, d’autant qu’en son sommet, y culmine un château, altier, dont un  des mérites est d’avoir souvent , au  XVII° siècle, accueilli La Marquise de Sévigné… Est-ce l’esprit de cette femme de lettres féministe avant l’heure qui souffla un jour à son créateur l’idée de ces Fêtes Nocturnes qui mettent à l’honneur les textes du Répertoire ?…  En tous cas, c’est devant la façade de ce bâtiment à l’architecture magnifique que fidèlement depuis 1986, se tiennent chaque soir de juillet et d’août - exception faite des quatre jours réservés au Festival de la Correspondance - les  désormais  traditionnelles Fêtes nocturnes.
Après Don Quichotte de Cervantes, monté par Jérémie Le louët en 2016,  un Lorenzaccio mi-dansé, mi-joué de Musset proposé l’été dernier par Marie-Claude Pietragalla et Daniel Mesguich, c’est Noces de Sang de Federico Garcia Lorca qui est à l’affiche cette année, dans une mise en scène de Vincent Goethals.
Inspiré par un fait divers survenu en 1928 dans le Sud aride de l’Espagne,  Noces de Sang est un drame de la jalousie. Un homme, appelé ici « le Fiancé » doit se marier à une femme, « la Fiancée », mais il se trouve que cette femme a jadis aimé un autre homme, Léonardo, dont la famille fut responsable de la mort du père et du frère de son « Fiancé ». On pressent la tragédie. Elle va arriver. La nuit de ses noces, incapable de résister à la passion sourde qui, malgré elle l’unit encore à Léonardo, la promise s’enfuit avec lui… Le jeune marié le retrouvera… Les deux hommes sortiront leur couteau et s’entretueront…
Parce qu’elle est emblématique d’une Espagne patriarcale, ligotée par le sens de l’honneur et du devoir, une Espagne à la fois torride et dramatique, âpre et violente, Noces de Sang est l’œuvre la plus connue du poète Lorca. C’est aussi la plus jouée, d’autant qu’elle laisse une grande latitude d’interprétation à ceux qui s’en emparent. Bien sûr, cela peut donner le pire (une vision de l’œuvre trop rétrécie, trop sombre, trop noire) et le meilleur (un travail qui, laisse passer la vie et ses couleurs  à travers les mailles  de la tragédie). Disons le d’emblée, avec Vincent Goethals, la représentation  confine au meilleur. Parce qu’elle est simple, sobre, forte, poétique, sensuelle aussi. 
Si elle s’appuie sur la beauté de la langue du dramaturge espagnol, qu’on entend  à merveille dans la magnificence rocailleuse de son lyrisme, la mise en scène de l’ancien « patron » du Théâtre du Peuple de Bussang fait aussi la part belle au chant, en puisant dans les « Canciones espanolas antiguas » que Lorca avait répertoriées avec passion. Ce sont des chanteurs professionnels qui  interprètent ici ces chansons tirées du folklore andalou, mais avec la participation des spectateurs. Ce qui rend leur caractère de fête populaire à ces Noces, avant qu’elles ne deviennent sanglantes et barbares.
Les comédiens, en tête desquels l’immense actrice belge Anne-Marie Loop, impressionnante dans le rôle de la mère endeuillée du « Fiancé », sont tous très bien dirigés : phrasé, intentions, gestuelle aussi, très chorégraphiée. Les lumières sont splendides qui finissent pas éclabousser d’un rouge  ardent la façade du château… 
Oui, ces Noces de Sang ont du panache, de la tenue et de l’élan ! Elles sont pile dans la lignée des spectacles que le regretté Antoine Vitez affectionnait  tant : « Elitaires pour tous »… 
Cela vaut le coup de quitter l’Autoroute du soleil ou la  nationale 7 et de faire une halte à Grignan. (Noces de Sang, à 21h jusqu’au 25 août).

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