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Vous avez “aimé” la montée du niveau de la mer ? Vous allez “adorer” le risque incendie majeur qui menace désormais des dizaines de millions de personnes avec le dérèglement climatique
©Valerie GACHE / AFP

Surchauffe

Les incendies très virulents et tragiques qui ont touché la Californie, la Grèce ou la Suède cette année dénotent une augmentation des risques liés aux incendies dans des régions qui sont moins concernées habituellement par ce genre de catastrophe. En quoi ce phénomène est-il lié au réchauffement climatique ?

Frédéric  Durand

Frédéric Durand

Frédéric Durand est géographe, enseignant chercheur à Toulouse-II, spécialiste des phénomènes de déforestation. Il est l'auteur de nombreux ouvrages comme "Le Réchauffement climatique en débats, acquis, incertitudes et enjeux", Paris, Éditions Ellipses, 2007, 188 p. "La Jungle, la nation et le marché, chronique indonésienne", Nantes, Éditions de l’Atalante, 2001, 284 p. "Les Forêts en Asie du Sud-Est, recul et exploitation : le cas de l'Indonésie", Paris, Éditions de L'Harmattan, 1994, 411 p. Mais également "Réchauffement climatique : le Nord n’est pas moins concerné que le Sud", Territoires en mouvement en 2012. 
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Atlantico : Les incendies très brutaux qui ont frappé la Californie, la Grèce ou la Suède cette année semble indiquer une augmentation des risques liés aux incendies dans des régions qui sont moins concernées habituellement par ce genre de catastrophe. En quoi ce phénomène est-il lié au réchauffement climatique ?

Frédéric Durand : Personnellement, même si certains le contestent, je suis convaincu que c'est un phénomène qui s'aggrave et qui est lié au bouleversement que représente le réchauffement climatique. Il faut arrêter de se leurrer, de faire croire que le réchauffement climatique n'est pas grave ou qu'il démarrera en 2100. Des projections comme celles du GIEC peuvent donner cette impression là, mais il ne faut pas se tromper. Le phénomène a déjà commencé, est déjà à l'œuvre. Ces incendies sont des manifestations de ce phénomène qui ne pourront qu'augmenter, si on ne fait rien pour lutter contre le réchauffement climatique, et qui augmenteront même s'il y a une inertie climatique. Le climat va continuer à se réchauffer dans les années à venir. Ce qu'on peut faire, c'est éviter qu'il ne se réchauffe trop, c'est-à-dire éviter qu'il ne s'aggrave pas trop.

Qui est concerné par ces nouveaux incidents ?

Il y a beaucoup de discours qui affirment que le réchauffement climatique va surtout toucher les pays du Sud. Un peu cyniquement, certains les plaignent en constatant qu'ils ont moins contribué au réchauffement que les pays du Nord. Je pense au contraire qu'on est tous dans le même bateau, et qu'il est vraiment illusoire de croire que ce sont les pays du Sud qui vont être les seuls souffrir. Ceux du Nord vont aussi connaître des conséquences graves, comme on peut le voir avec ce qui s'est passé en Grèce cette semaine.

Pourquoi les incendies sont-ils si difficiles à prévoir et à maîtriser ?

Les feux sont effectivement difficiles en tant que tels à anticiper. Il y a une sécheresse structurelle qui aggrave le risque d'incendie, par exemple dans les régions méditerranéenne. Cependant, et peu d'experts le diront, mais quand on regarde les modélisations, on voit qu'il y a de très fortes chances que les régions méditerranéennes – l'Espagne, le Portugal, la Grèce et même l'Italie et le sud de la France deviennent des régions désertiques. Quand on regarde la différence entre la période actuelle qui est considérée comme chaude et la dernière ère glaciaire, il y avait 4 ou 5 degrés de différences. Donc quand on dit que la planète va se réchauffer de 4 ou 5 degrés si on ne fait rien, il s'agit en fait des conséquences climatiques de l'inverse d'une ère glaciaire. Et quand on dit qu'on essayer au maximum de ne pas dépasser les + 2°C, c'est la moitié d'une ère glaciaire. Et c'est d'autant plus impressionnant que cela se déroule de cent à mille fois plus vite. Et cette rapidité augmente la difficulté pour la végétation de s'adapter.

Les incendies vont-ils concerner de plus en plus les milieux urbains, comme le cas grec l'a montré ?

Bien sûr. A la fois directement avec des incendies qui se propagent quand il s'agit de zones urbaines à proximité de zones forestières. Ou par les fumées des incendies de forêt, comme on l'observe souvent en Asie du Sud-Est avec la culture du brûlis en Indonésie ou en Malaisie par exemple.  Ce genre d'incendies contrôlés empoisonne l'air des villes environnantes, par exemple Kuala Lumpur et Singapour.
Le Canada aussi subit ces grands incendies, de même ampleur que ceux qu'on voit en ce moment en Californie ou en Europe du Nord. Mais l'anormalité ne porte pas uniquement sur les forêts boréales, mais aussi les forêts tropicales humides qui peuvent être sujettes à des grandes sécheresses. On le voit depuis le début des années 80, avec l'augmentation du phénomène El Nino qui a entrainé des incendies très graves par exemple en 82-83 à Bornéo quand une superficie équivalente à la Belgique était partie en fumée. Cela résultait d'une sécheresse anormale déclenchée par El Nino, lui-même déclenché par le réchauffement climatique. Aujourd'hui, cela touche aussi bien des régions tropicales, tempérées ou arctiques. On constate aussi dans les ragions boréales que plus on perturbe la forêt, plus on laisse de bois mort, plus on construit des routes, plus on mite le paysage naturel avec de l'habitat et plus on a d'incendie.

L'aménagement du territoire est donc à revoir ?

Oui, d'autant plus qu'aujourd'hui il peut nuire. On s'est rendu compte à Bornéo que les forêts vierges brulaient de 10 à 20% quand les forêts exploitées brûlent de 80 à 90%. Il faut sortir d'une logique d'aménagement productiviste des forêts, sinon on risque d'avoir de graves incendies tout ravager dans quelques années. Cela ne signifie pas rien faire, mais concentrer l'aménagement sur la protection de la forêt elle-même.

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