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L’été meurtrier : Macron après Benalla, lui sera-t-il possible de retrouver le fil original du quinquennat ?
©NICOLAS TUCAT / AFP

Les emmerdes volent en escadrille

Le président de la République n'aura pas profité d'une embellie post-coupe du monde : après les couacs du début de l'été, qui se sont traduits par une chute dans les sondages, voilà que l'affaire Benalla vient empoisonner la fin juillet d'Emmanuel Macron.

Samuel Pruvot

Samuel Pruvot

Diplômé de l’IEP Paris, rédacteur en chef au magazine Famille Chrétienne, Samuel Pruvot a publié "2017, Les candidats à confesse", aux éditions du Rocher. 

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Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart est le Directeur Général adjoint de l'institut de sondage Opinionway. Il est l'auteur de "La Présidence anormale – Aux racines de l’élection d’Emmanuel Macron", mars 2018, éditions Cent Mille Milliards / Descartes & Cie.

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Atlantico : En l'espace d'un mois, les couacs s'enchaînent dans la communication présidentielle : du concert de l'Elysée pour la fête de la musique au "pognon de dingue" en passant par les méandres de l'affaire Benalla... Mais que se passe-t-il à l'Elysée ?

Samuel Pruvot : Rien de nouveau sous le soleil disait l’auteur biblique du livre de l’Ecclésiaste. Il est un peu naïf d’imaginer un pouvoir sans histoire. Ce serait d’ailleurs la mort du système médiatique ou sa retraite anticipée ! Bien au contraire, l’ogre médiatique a toujours faim – même après l’orgie de bonheur de la victoire des Bleus. Le propre de l’exécutif est de rencontrer des obstacles – voir de les créer lui-même comme avec l’affaire Benalla. Ce qui importe, c’est plutôt sa capacité à durer et à surmonter les contradictions. On notera que le Président n’a pas cédé sur la question épineuse de la réforme de la SNCF (même si le contenu de la réforme est plus light qu’on le dit). Depuis le départ, le chef de l’Etat a forgé son style en opposition à la présidence normale de François Hollande. Il incarne une Ve République très monarchique qui assume une certaine nostalgie de la figure du roi. Ce choix favorise une certaine hauteur de vue mais aussi la multiplication des courtisans. Et peut-être les caprices du prince.

Bruno Jeanbart :  Il y a toujours une tendance des nouveaux élus à sous estimer la difficulté de gouverner un pays aussi centralisé que la France où tout procède ou remonte jusqu’au Président de la république. La tentation est forte de considérer que si les prédécesseurs ont échoué, c’est finalement par incompétence et que l’on est ou sera à l’abri de ce genre de difficultés. Or la réalité est bien plus complexe que cela. Le contrôle permanent de la communication du pouvoir est de plus en plus difficile dans un monde où les médias ne sont les seuls producteurs d’images. Emmanuel Macron est probablement en train de le constater à ses dépens. Il en fait l’apprentissage douloureux mais l’essentiel est qu’il soit capable d’en tirer les leçons pour corriger le tir dans les semaines qui viennent.

Il semblerait que la "pause" du mondial de foot ait été de courte durée : bien vite, les sondages ont montré que la Président poursuivait sa chute dans l'opinion. Les Français, pourtant, sont supposés ne pas s'intéresser à la politique, du moins pendant l'été... ?

Samuel Pruvot : Concernant la courbe de popularité du Président, elle est en effet en berne. Mais si on regarde les résultats de ses prédécesseurs, il faut avouer qu’Emmanuel Macron a su résister plus longtemps qu’eux. Comme si son charisme, sa jeunesse et son caractère atypique, lui avaient permis de tenir. Les Français aiment la politique et c’est la raison pour laquelle elle déclenche chez eux des passions si vives. La désaffection est aussi une forme d’ amour contrarié. On n’a jamais fait mieux que René Goscinny pour décrire la psychologie de nos compatriotes par l’image. Notre petit village gaulois est prompt aux querelles et rempli de courage et d’idéalisme.

Bruno Jeanbart :  L’époque où le pays s’arrêtait complètement pendant l’été, avec une actualité suspendant son cours en parallèle est révolu depuis des années. De même que les Français ont raccourci leurs congés durant cette période pour les multiplier à d’autres moments de l’année, les étés sont désormais rarement devenu des périodes de calme plat politiquement. Il faut dire que l’actualité aujourd’hui ne se suit plus uniquement à travers le journal télévisé mais également au jour le jour sur Internet ou les réseaux sociaux. L’affaire Benalla, a mi chemin entre la politique et le fait divers, a typiquement le profil pour alimenter les conversations de nos concitoyens même durant leurs congés. Difficile de prévoir encore ses effets et sa lecture dans l’opinion mais nul doute qu’elle fera parler les Français.

Emmanuel Macron serait-il en train de s'essouffler ? Comment relancer le quinquennat pour susciter un nouvel enthousiasme derrière son projet ?

Samuel Pruvot : Pour Emmanuel Macron la pause de l’été sera salutaire pour faire oublier – si cela est encore possible – la triste affaire Benalla. Par tempérament, le Président est un fonceur qui se pense en Bonaparte sur le pont d’Arcole. Sa difficulté est en réalité originelle. Il a été élu par défaut face à Marine Le Pen et suite à l’écroulement de François Fillon. Sans oublier la défection de François Hollande. Sa stratégie du « en même temps » ne peut durablement convaincre dans un paysage politique français où la droite et la gauche sont encore des pôles qui conservent une certaine attraction. Contrairement aux apparences.

Bruno Jeanbart :  Il est bien trop tôt pour parler d’essoufflement pour le Président après un an de mandat. Il conserve un soutien fort de sa base électorale et bénéficie toujours de l’éclatement de ses opposants. Mais il est probable qu’il ait mangé son pain blanc. Désormais, dans l’opinion, il est prévisible que l’on passe de l’attentisme bienveillant à l’attente de résultats. Le temps des effets des réformes va se heurter au temps de l’opinion. celle ci est par nature impatiente là où les changements mis en œuvre par le pouvoir nécessitent du temps pour produire leurs effets, s’ils doivent en produire. L’erreur a ne pas commettre est justement de rentrer dans cette logique de relance d’un quinquennat là où il convient juste de poursuivre le travail que l’on croit être utile au pays. Toute inflexion ferait perdre au Président la promesse qui a accompagné son élection, celle de la transformation du pays, car elle serait comprise comme une nouvelle phase dans laquelle la politique gouvernementale serait désormais dirigée par des considérations stratégiques.

En plus de difficultés dans l'opinion, Emmanuel Macron ne souffre-t-il pas d'un isolement sur la scène internationale ? En particulier, sa réforme annoncée de l'Europe est au point mort depuis le discours de la Sorbonne...

Samuel Pruvot : Emmanuel Macron peine à convaincre. Surtout sur la question des migrants où l’opinion publique semble réclamer une certaine fermeté comme en Italie. Il veut terrasser le populisme mais c’est une vague puissante qui emporte tous les gouvernements les uns après les autres, de l’Angleterre à la Hongrie. Faire une Europe de la raison – sur le modèle du mariage de la raison – semble à contre-courant des attentes populaires.

Bruno Jeanbart : L’événement est passé relativement inaperçu en France car on s’intéresse peu aux affaires internationales mais le résultat des élections italiennes fut une très mauvaise nouvelle pour Emmanuel Macron. En effet le nouveau gouvernement italien rend très difficile l’avancée vers plus d’intégration européenne que souhaite le président. Or il a besoin d’obtenir des résultats concrets d’ici le scrutin européen de juin prochain sous peine d’affaiblir la position de LREM dans la campagne, qui apparaîtrait alors surtout dans l’incantation. De ce point de vue, ses propos au moment de la polémique de l’Aquarius à l’égard du gouvernement italien ont probablement été une erreur politique car ils ont réactivé dans de nombreux pays le sentiment de l’arrogance française à l’égard de ses partenaires de l’UE.

En des temps déjà incertains pour la macronie, est-il raisonnable de s'attaquer à la réforme des retraites dès la rentrée ?

Samuel Pruvot :En politique, il ne faut jamais dire jamais. Peut-être que la meilleure stratégie d’Emmanuel Macron sera l’attaque. Prendre de surprise ses adversaires, y compris sur un dossier volcanique où beaucoup de ses prédécesseurs se sont brûlé les ailes. Il préfère de loin le risque d’Icare qui se rapproche du ciel dangereusement au triste esclavage de Sisyphe qui roule sa pierre sans espoir de délivrance.

Bruno Jeanbart :Le fondement même du macronisme, c’est d’avancer et de réformer. Il est donc très difficile pour la majorité de faire une pause sous peine de voir très vite son ADN vidée de sa substance. Les syndicats sortent meurtri par trois combats perdus - contre la loi El Khomry puis les ordonnances travail et maintenant la SNCF - et ne semblent pas en situation de pouvoir engager de nouveau le l’épreuve de force avec le gouvernement. Mais si la popularité d’Emmanuel Macron continuait de se dégrader, il faudrait probablement plus d’écoute et d’empathie à l’égard des partenaires sociaux lors de cette réforme pour éviter une mobilisation sociale d’une toute autre ampleur, sur un sujet historiquement fortement mobilisateur. 

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