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Pourquoi ne voyons-nous pas que nous ne réglerons jamais le problème du chômage sans rétablir une juste concurrence avec la Chine ?
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Yeux bandés

Les chiffres du commerce extérieur allemand sont tombés. Bons... mais pas avec la Chine. Car la désindustrialisation touche tous les pays européens tandis que l'industrie chinoise progresse à grand pas. Hier encore cantonnée à l'industrie légère, elle ne cesse de progresser sur l'industrie lourde. Croit-on vraiment que l'Occident dépassera le problème de ses coûts de production élevés uniquement par l'innovation ?

Gérard Lignac

Gérard Lignac

Sciences Po, Droit, MBA Harvard, Gérard Lignac a d'abord fait carrière dans l'industrie, puis dans la presse comme Président de l'Est Républicain et Président du groupe EBRA.

Il est également actionnaire d'Atlantico.

Il a écrit La mondialisation pour une juste concurrence (Unicom, 2009).

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Les candidats ignorent, ou veulent ignorer, la raison principale du sous-emploi : une économie anémiée par la désindustrialisation certes, et plus encore par l’amoindrissement constant des perspectives de vente sur le marché local par des industries locales. Car qui investira, sous forme de recherches ou d’équipements nouveaux, sans de bonnes probabilités d’amortir les frais correspondants sur des ventes futures ?

Et pourtant, l’évidence est qu’à défaut d’une relance de l’économie, il n’y aura pas de solution à l’endettement de l’Europe, la rigueur appliquée seule revenant à serrer les freins d’un véhicule déjà obligé de remonter une pente. Sans un moteur puissant, la tâche est impossible.

Depuis 2008, donc avant la crise, le chômage atteignait déjà 7,2 %. Avec 9,3 % aujourd’hui, l’effet de la crise proprement dit se trouve donc obligatoirement aux environs de 2 %. Il existe manifestement une autre cause profonde située en arrière plan de la crise et déjà en œuvre précédemment à la crise.

Il ne faut pas être grand clerc pour trouver cette cause dans le grand bouleversement qui frappe les économies mondiales. N’a-t-on pas vu l’économie chinoise, principal moteur des pays émergents, passer, en 8 ans, de 4 % du PIB mondial à 20 %, entre 2002 et 2010, l’Occident, l’ancien champion, déclinant en proportion ? Dans son ouvrage de 1999, notre Prix Nobel d’économie Maurice Allais, évaluait à 60 % l’impact des pays émergents sur le chômage en France. Les choses n’ont fait que s’amplifier depuis. En 2011, le déficit de la France avec la Chine s’élève à 35 milliards d’euros. Quand nous y exportons 66, nous en importons 101.

Il faut à cet égard bien comprendre le fonctionnement du commerce extérieur de la Chine. On peut le résumer par un théorème à deux volets. D’un côté, la Chine n’importe que ce qu’elle ne fabrique pas, ou pas encore, puisque ce qu’elle fabrique ne lui coûte qu’une fraction du prix mondial. Deuxième volet, la liste des produits qu’elle sait fabriquer, composée au départ uniquement d’industries légères (vêtements, chaussures, jouets) s’accroît d’année en année, dans le sens d’une plus grande sophistication technologique. Cette liste tend maintenant à inclure de façon dominante, l’industrie lourde (automobile, machinerie, construction navale).

Voici un tableau de cette évolution d’après Business Week du 15 avril 2012 :

                             Composition des exportations chinoises

Année :                                          20002011

                        Industrie lourde                            27 %                             39 %

                        Industrie légère                             46                                  32

                        Electronique                                  15                                  22

                        Produits alimentaires                     6                                   4

                        Matière premières                           6                                    3

Aussi longtemps que la Chine conservera un avantage de coût salarial allant jusqu’à 1 à 20 sur l’Occident, la progression de ses exportations se poursuivra en s’étendant à des secteurs nouveaux.

Combien de temps en sera-t-il ainsi ? 20 ans au moins. Parallèlement, les dettes en Occident continueront à s’accumuler, tout comme dans l’autre sens, les fonds souverains en Chine. On peut certes, au nom du « laissez-faire » ignorer cette progression, ignorer ce qui se passe en Chine, en ignorer les grandes marches en avant, traduites pourtant sans ambiguïté dans les plans de 5 ans du gouvernement. Penser que l’Occident s’en tirera – selon le remède couramment proposé - par l’innovation est théoriquement correct. Mais de la théorie à la pratique, il y a un océan et sous-estimer la capacité d’innover hors de l’Occident, relève plus des vœux pieux que de la réalité. « Revêtons nos préjugés, ils nous tiennent chaud ». Certes, mais la chute risque d’être des plus froide.

Ne parlons pas non plus des divers bricolages mis en œuvre sur les heures supplémentaires, le travail des jeunes, etc… Ils peuvent apporter une certaine aide, mais clairement rien de substantiel. La déception des électeurs est là.

Que faire alors ? S’enfermer derrière les barrières douanières ? Non pas, tout le monde finirait par se retrouver perdant, y compris ceux que l’on veut préserver et qui se trouveraient à l’abri de l’indispensable aiguillon concurrentiel. Et la formule paraît en pratique bien peu réaliste.

Il convient donc de se borner à rétablir les conditions d’une juste concurrence, par des taxes douanières simplement compensatrices, révisables périodiquement, calculées au niveau européen dans les domaines que l’on juge important de préserver : la métallurgie, l’automobile, l’aéronautique, la production d’énergie ou la défense nationale.

Il ne faut pas non plus renouveler le faux pas de l’Europe avec la taxe carbone, mais procéder par la voie de la négociation avec tous les intéressés. Sans doute, cela voudra dire opposer des menaces de représailles à des menaces de représailles, et la position très importatrice de l’Europe nous met là en position de force. Il n’est rien de tel que d’échanger et d’essayer de se comprendre pour faire avancer les choses positivement.

Reste une objection : le fameux modèle allemand. L’Allemagne, dit-on, parvient à tirer de considérables excédents de son commerce extérieur. Cela est indiscutable et remarquable. Mais répétons-le, l’Allemagne est forte vis-à-vis de ses voisins occidentaux, européens au premier chef, avec la France au premier rang. Vis-à-vis de la Chine, elle est comme ses voisins submergée, en déficit de 14,5 milliards en 2011, une année pourtant exceptionnellement favorable à son industrie automobile.

Il est donc dans l’intérêt de tous de restaurer les conditions d’une juste concurrence. Fait-on boxer un poids léger contre un poids lourd ? Ne met-on pas du plomb dans la selle d’un jockey trop léger ?

Nous proposons en définitive à notre futur Président, pour parvenir à sortir l’Europe de ses difficultés actuelles, le triptyque de base suivant :
-       rigueur intelligente sur les finances publiques
-       retour à la possibilité pour les instituts d’émission de prêter directement aux Etats
-       rétablissement d’une juste concurrence entre l’Europe et les pays émergents.

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