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Macron, le foot, le business et les français. Les vrais gagnants de la Coupe du monde
©GERARD JULIEN / AFP

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Les Français voulaient des résultats, la Coupe du monde leur en apporte. La compétition est terminée et les ordinateurs tournent déjà pour faire les comptes...

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pour une fois que la France a une vraie raison de se féliciter, pour une fois qu’une écrasante majorité de Français a des raisons d’être fière, ne gâchons pas le plaisir de faire la fête. 

Il n’y a pas débat et pas de question de douter des effets positifs d’un tel évènement même si les grincheux réunis dans un front extrémiste  anti-foot considèrent que, soit l'évènement ne mérite pas un tel enthousiasme, soit il marque l’évidence de la décadence de « notre société de consommation » 
Cette Coupe du monde est un évènement considérable et formidable pour le pays. 
Ce pays était en train de mourir, de s’agacer par l’immobilisme. Alors une partie de la France s’était réveillée, il y a un an lors de l’élection présidentielle, mais une partie seulement. Aujourd’hui, c’est la France entière qui chante et qui danse le triomphe du bleu, blanc, rouge. 
Qu’en restera-t-il ? ajoutent les grincheux. Il en restera ce que nous en feront répondent les réalistes, incorrigibles optimistes. 
Pour être clairs : 
-les effets macroéconomiques seront marginaux 
-les effets psychologiques et politiques peuvent être très significatifs 
-les effets microéconomiques sont important mais sectoriels. 
1er point, le football n’a pas d’effets miraculeux sur la macro économie. Ça se saurait. Le service d’étude économique d’Euler Hermès a calculé que de gagner la Coupe du monde rapporterait 0,2 point de consommation de plus à la France, soit 0,1 point de croissance supplémentaire. C’est dérisoire. 
La croissance passerait de 1,2% à 1,3% en 2018 et la croissance du PIB passerait de 1,8% à 1,9%. Donc un dixième de point de croissance en plus, c’est assez marginal mais ça n‘est pas nul, puisque ça représente 2 milliards d’euros. 
Et c’est de la bonne croissance, made in France, principalement dans les services (bars, restaurants, transports) donc de la croissance créatrice d’emplois. 
Si la France n‘avait pas gagné en final, elle aurait quand même profité de cet effet. Parce qu’il a été engrangé pendant la compétition.
Ça restera globalement modeste et tous ceux qui compareront avec 1998 seront forcément déçus. En 1998, la consommation avait progressé de 3,8%. Bravo Zidane. Sauf que la croissance en 1998 a été produite par les ventes d’automobiles record et l’envolée du téléphone mobile et le développement d’Internet. 
Donc le football n‘a pas fait de miracle. 
Aujourd‘hui, les prévisions très prudentes des économistes ne donnent que des effets directs à court et moyen terme. Il peut y avoir des effets induits mais là, on touche au climat de confiance produit par le parcours très emblématique des bleus. 
2e point, une question de confiance. Cette Coupe du monde a donc indubitablement un impact sur la psychologie collective du pays. Une population toute entière ou presque ne se mobilise pas ainsi autour d’un évènement populaire par hasard. Elle ne descend pas dans la rue plusieurs jours de suite pour chanter et danser et « plus si affinités» si l’évènement ne dépasse pas le simple spectacle...
Et la version 2018 est un peu différente du cru 1998, elle porte des valeurs particulières et impulse des mutations qui paraissaient perdues.
D’abord, une révélation, la France n’est pas réfractaire à la concurrence. Le succès populaire de cette Coupe du monde montre que la grande majorité de la population française se prend à aimer la compétition et à en comprendre les ressorts. Parce que la Coupe du monde de football est la quintessence de la compétition qui met en jeu des groupes des collectivités, des solidarités, mais le ressort, c’est la concurrence et cette concurrence s’appuie sur le talent, l’intelligence, l’innovation dans le jeu, l’expérience, la détermination, la différence, l’individualité.  
La société française complément asphyxiée depuis un demi-siècle par l'obsession de l’égalitarisme s’est donc réveillée aux bienfaits de la concurrence.
Ensuite, cette même société dont on dit qu’elle est nostalgique de son identité nationale est entrée dans le jeu de la mondialisation. Le football est mondial et la France a accepté cette globalisation, elle en a même joué et profité. La Fifa, qui organise la Coupe du monde est structurée exactement comme une multinationale.  
Ce qui est très intéressant, c’est que la Coupe du monde a réussi ce pari impossible de marier l’ouverture internationale et l’identité nationale. On peut être bleu-blanc-rouge et participer au concert international. On n’est même jamais aussi fort à porter ses couleurs que si on est inscrit dans une confrontation internationale.
Enfin, l’argent omni présent dans le football professionnel, a été accepté comme instrument de mesure des performances. 
Compétition, mondialisation, financiarisation des relations... la France a massivement adhéré à ces changements qui lui paraissaient anxiogènes jusqu’alors.
Alors, est-ce que le changement est profond et durable ? Nul ne le sait. Les vieux conservatismes peuvent resurgir dès que la fête sera finie.
Pas sur, parce que l’adhésion à ces mutations via le football, fabrique aussi un état de confiance dont va forcement profiter le pouvoir en place et en particulier Emmanuel Macron. En bref, il a été élu sur une idée du changement. Cette équipe de France, ce groupe, les risques qu’il a pris, sa jeunesse et son management portent aussi le changement. 
Le peuple Français attendait des résultats spectaculaires des réformes, les résultats en football sur le terrain international l’aidera peut-être à patienter en attendant que la France soit revenue dans la compétition économique internationale. 
3e point, les effets sectoriels importants.  Beaucoup plus prosaïque. Si la Coupe du monde a dopé la consommation, seuls quelques secteurs en profitent depuis le début.  
Les bars, les restaurants, ont pratiquement doublé leur chiffre d’affaires pendant la durée du mondial. Ils ont quadruplé leur activité dans la journée et la nuit dernière. 
Grand gagnant, la bière et notamment les grandes marques, Heineken et Kronenbourg qui vendent des bières à profusion comme Belin des gâteaux à apéritif. Lors de la coupe du monde on consomme autant à domicile qu’à l’extérieur. 
L’industrie du produit dérivé a profité à plein du succès, maillot, chaussures. Le chiffre d’affaires a augmenté de 30 à 40 % par rapport à 2016, pour tout ce qui est des produits et accessoires griffés du sigle de la Coupe du monde. 
Les industries du tourisme ne sont pas très gagnantes puisque la Coupe du monde a été organisée en Russie. C’est donc la Russie de Vladimir Poutine qui va en tirer les plus gros bénéfices. D’autant que l’organisation et l’accueil ont été à la hauteur de l’évènement.  
Autre grand gagnant, TF1, qui avait acquis les droits de 28 des meilleures affiches de la compétition. Cout total : 70 Millions d’euros. Si la France n'avait pas passé les quarts de finale, TF1 frôlait la catastrophe financière. Le chemin difficile parcouru par l‘équipe de France lui a offert le spectacle capable d’amortir l’investissement.
Enfin, des gagnants qu'on n’attendait pas, l'industrie du pari sportif. Merci les bleus qui ont boosté cette activité gérée par la Française des jeux. La demie finale a drainé plus de 20 millions d’euros, la finale tout autant. 
Sur les 48 matchs en phase de poule, les mises ont dépassé les 365 millions d’euros, beaucoup plus que pour l’Euro.

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