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Ce qui se passe vraiment pour la démocratie et l’Etat de droit en Pologne
©Janek SKARZYNSKI / AFP

Lutte de pouvoir

Le gouvernement conservateur polonais cherche depuis plusieurs mois à limiter l'indépendance judiciaire. Dernière mesure en date, l'abaissement de l'âge de départ à la retraite des juges. Une nouvelle lois qui pousse vingt-sept des soixante-douze membres de la Cour suprême à quitter leur poste et provoque de l'Union Européenne et d'une partie de la population.

Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : Alors qu'une nouvelle loi abaissant l'âge de départ à la retraite des juges en Pologne, vient d'entrer en vigueur le mouvement contestataire ne semble pas faiblir. Mercredi, des milliers de personnes étaient venues manifester devant la Cour suprême polonaise pour défendre la Constitution. L'Etat de droit polonais est-il vraiment menacé ?

Florent Parmentier : Il faut trouver la juste mesure. Nous sommes ici dans ce dialogue particulier entre Etat de droit et démocratie. Il est possible de prendre une mesure qui parait contraire à l'Etat de droit, tout en se prévalant de velléité démocratique (ce qui ne veut pas dire qu'on le fait démocratiquement).

Il faut donc rester mesuré. La Pologne n'est pas la Biélorussie actuelle, mais elle pas non plus l'Allemagne si l'on parle en termes d'attachement démocratique. Là où on l'en pensait, dans les années 1990, que la Pologne se rapprocherait de l'Allemagne (en terme d'attachement à la démocratie), ce n'est plus le cas aujourd'hui. La démocratie polonaise n'est pas menacée - d'autant plus que les mesures prises dernièrement visant à diminuer l'indépendance de la justice sont réversibles notamment parce que l'opposition est bien présente - mais, les contre-pouvoirs le sont.  

Ces tendances, condamnées par l'Union Européenne sont certes inquiétantes, mais ne sont pas pour autant propres à la Pologne. On observe cette même tendance dans plusieurs pays de l'Europe centrale et orientale. La Hongrie a été en 2014 le premier Etat à revendiquer sa volonté d'être basé sur des valeurs traditionnelles hongroises et non plus sur la notion d'Etat de droit.

Le gouvernement conservateur actuellement au pouvoir a été élu en 2015. A-t-il tenté de revenir sur l'indépendance de la justice dès son arrivée au pouvoir ? Ou cette tendance s'est-elle intensifiée au cours de son mandat ?

La situation polonaise peut se résumer simplement. Les partis conservateurs au pouvoir en Europe centrale et orientale sont aujourd'hui dans une volonté de remise en cause de l'esprit dominant des années 1990 et 2000. C'est-à-dire celui de démocratie, d'intégration et d'Etat de droit qui était au cœur du discours de l'ensemble des classes politiques européennes et qui était aussi une façon, pour ces pays d'Europe centrale et orientale, de s'affirmer dans l'espace européen.

Aujourd'hui, leur message n'est plus le même : il est, en quelque  sorte, en mutation. Dans cette mutation, le pouvoir en place tente un certain nombre de coups. Si l'idée de remettre en question l'Etat de droit, la liberté de la presse et l'indépendance de la justice existe et remporte d'ailleurs un succès électoral (les mesures mises-en-place par le gouvernement polonais actuel étaient dans leur programme électoral et sont donc à l'origine de leur victoire), il reste inconcevable qu'un Etat européen tourne le dos à l'Etat de droit. En effet, il risquerait un retour du bâton de la part de ses partenaires européens.

La réalité est donc la suivante : la Pologne et les autres Etats d'Europe centrale et orientale disposant de gouvernements populistes testent les choses, essayent avec pour but d'avoir un impact. Soit leur stratégie fonctionne (et alors ils remettent en cause, sans problème, les valeurs internationales), soit l'Europe s'y oppose et alors ils lui renvoient la faute (gagnant ainsi en popularité).

Au vue des contestations actuelles à la fois en Pologne mais aussi en Europe - l'Union Européenne vient de déclencher une procédure d'infraction d'urgence -  de quelle marge de manœuvre dispose vraiment le gouvernement polonais ? En d'autres termes, s'attend-on à ce qu'il fasse marche arrière ou qu'ils multiplient les réformes de ce type ?

Comme je le disais précédemment, le gouvernement polonais teste quelque part sa marche de manœuvre, essaye d'avoir un impact sur l'Union Européenne. Il ne faut pas non plus oublier qu'il a été élu et reste soutenu.

En outre, la contestation émane seulement d'une partie du corps sociale "aisée", qui habite la capitale. Elle est diverse, mais jeune. On retrouve donc le clivage habituel entre une campagne relativement plus favorable aux conservateurs qui a peur de perdre son identité polonaise et des grandes villes qui s'opposent plus majoritairement au gouvernement actuel, et désirent voir une Pologne ouverte.

Face à cette situation, la marche de manœuvre de l'Union Européenne est limitée, c'est aux polonais de prendre la situation en main. Si Bruxelles sanctionne la Pologne, elle se verra accusée de dérive autocratique. Au contraire, si elle ne fait rien on lui reprochera d'être trop faible. Le vrai test pour Varsovie sera les prochaines élections présidentielles, car elles qui constituent le véritable indicateur et non les manifestations.

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