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"Il ne faut jamais dire jamais" : anorexie, boulimie... Le jour où l'on réalise que l'on est atteint de troubles alimentaires
©Paul ELLIS

Bonnes feuilles

Mélina Hoffmann retrace le quotidien d'une personne boulimique dans son livre. L'auteure souligne les méfaits et l'impact désastreux de la société de consommation, de la télévision et de l'industrie agroalimentaire auprès des jeunes. Extrait du livre Faim de vie de Mélina Hoffmann, publié aux éditions Michalon (1/2).

Mélina  Hoffmann

Mélina Hoffmann

Mélina Hoffmann est née le 31 mai 1986 à Dunkerque, dans le nord de la France. Après avoir passé toute son enfance et son adolescence à Bourges, elle rejoint la région parisienne puis Paris dès l'âge de 20 ans.
 
Diplômée d'un Master de rédaction technique et d'une licence de Psychologie, elle se forme à l'Hypnose ericksonienne en 2014, puis part faire le tour du monde pendant un an. Elle livre le récit de ses aventures sur sa page Facebook 'En-vie d'ailleurs'.
 
Elle se consacre désormais essentiellement à l'écriture et aux voyages.
 
Maître praticienne en hypnose ericksonienne, journaliste culture pour le Web et globe-trotteuse, Mélina Hoffmann est avant tout une passionnée de la vie et une amoureuse des mots. Elle signe ici son premier livre.
Voir la bio »

« Nous ne voyons jamais les choses telles qu’elles sont, nous les voyons telles que nous sommes. » Anaïs Nin 

Elle a le teint livide, les joues creusées, le geste lent. Son regard se perd dans un nulle part qui ne semble fait que de tristesse et de honte. Difficile de lui donner un âge, son corps paraît vouloir vieillir le plus vite possible, on dirait presque que la vie l’a déjà quittée. 20 ans, 22 peut-être, trop jeune en tous cas pour tant de désespoir. 

Elle raconte son quotidien, l’enfer qui lui fait office de vie. 

Elle se dit malade. 

Je la dis faible. 

La caméra tente de figer sa détresse, mais je n’y vois que de la résignation. Elle plonge ses doigts dans un bol à moitié vide pour y piocher quelques céréales, les mange péniblement, et nous confie qu’il s’agit du repas de sa journée. 

Silence. 

Le reportage suivant nous présente le cas inverse. Une adolescente d’à peine 16 ans, plutôt jolie. Devant elle, des paquets de gâteaux s’entassent. De ses deux mains, elle les vide frénétiquement, comme s’il lui fallait tout engloutir le plus vite possible. Au bout de quelques minutes, elle se lève et disparaît du champ. Une voix off nous explique que la jeune fille est partie vomir. 

Silence. 

Une sensation de dégoût m’envahit. J’éteins la télé et je jette le fond de mon bol de lait dans l’évier.

Je ne serai jamais comme ces filles faibles et sans volonté. 

Jamais. 

Et puis on comprend très vite que la vie est pleine de surprises, et pas que des bonnes. 

Vendredi 1er septembre 2000 

Il y a quelque chose qui me rend très mal et dont je ne peux parler à personne. Depuis quelques jours (peut-être même plus), il y a des moments dans la journée où quelque chose me pousse à manger, comme une pulsion incontrôlable. 

Souvent, quand je suis seule à la maison, j’y pense… et je ne peux pas l’éviter. J’ouvre le frigo, les placards, et je mange ce que j’y trouve: pâte à tartiner, confiture, gâteaux, fromage, charcuterie… Je ne vais pas jusqu’à me goinfrer comme le font les boulimiques, mais je crois que c’est la même sensation qui me traverse le corps. Je culpabilise déjà lorsque je me dirige vers la cuisine; ensuite, pendant que je mange, je me dégoûte, et puis après, je m’en veux tellement que je passe une demi-heure à essayer de me faire vomir. Je dis « essayer » parce que je n’ai pas encore trouvé la bonne technique. Et une fois que ce moment est passé, j’ai terriblement honte. Honte de moi, de ma faiblesse. Et puis, à chaque fois, je me dis que je ne recommencerai pas, mais je ne suis pas assez forte. 

Je ne pense pas du tout qu’il s’agisse d’anorexie ou de boulimie. Je ne tomberai jamais là-dedans. Mais je ne vais pas bien. 

Je me dégoûte à un point! J’ai honte, je me sens terriblement seule, inexistante… Je me sens mourir de l’intérieur. C’est la plus grande douleur que j’aie jamais ressentie. Mais une fois de plus, personne n’en saura rien. 

Deux ans après ces dernières phrases écrites dans mon journal à l’âge de 14 ans, j’étais hospitalisée à ma demande et pendant plusieurs mois pour dépression, boulimie et agoraphobie. 

Il manquait quelque chose en moi. Je ne savais pas où chercher, alors j’ai commencé par le frigo. 

Tout le monde le sait pourtant, il ne faut jamais dire jamais.

Extrait de Faim de vie, de Mélina Hoffmann, aux éditions Michalon.

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