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De l'influence des "bonnes" ou "mauvaises" mères sur leurs enfants
©LOIC VENANCE / AFP

Bonnes feuilles

Anne-Laure Buffet revient sur les concepts de "bonne" ou de "mauvaise" mère et sur les notions d'attachement et d'amour maternels dans l'histoire. Extrait du livre d'Anne-Laure Buffet "Les mères qui blessent, se libérer de leur emprise pour renaître" aux éditions Eyrolles (18€). (1/2)

Anne-Laure  Buffet

Anne-Laure Buffet

Anne-Laure Buffet est thérapeute (en consultations individuelles et familiales), formatrice spécialisée dans l’accompagnement des victimes de violences psychologiques et conférencière. Elle a créé l’association Contre la violence psychologique.
 

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De l’importance du contexte 

Trouver des causes expliquant les comportements maltraitants ne signifie pas les minimiser. Ils deviennent compréhensibles pour les enfants victimes, ils invitent à réfléchir pour ne pas reproduire. « La première erreur des parents, c’est l’oubli de leur propre enfance » (Sándor Ferenczi, L’Enfant dans l’adulte, Paris, Payot, 2006). Mais ils ne sont pas pour autant excusables. 

Être mère semble couper de toute réalité. Les facteurs extérieurs ne devraient pas être pris en compte et une mère devrait, parce qu’elle « porte la vie » et la transmet, être forcément et foncièrement bonne. Ce discours culpabilisant et condamnant d’office chaque mère mérite quelques nuances. De plus, il exclut la femme. Or n’est-on pas femme avant d’être mère ? Ou n’est-on plus que mère et doit-on oublier la femme une fois que nous avons eu un enfant ? 

On attribue à la mère toutes les vertus du monde, pour les lui retirer aussitôt si le comportement de l’enfant ou le dysfonctionnement familial le justifient. Elle se retrouve mise au banc des accusés si une souffrance ou une difficulté est repérée chez son enfant. Car, quoi qu’il arrive, l’inconscient collectif veut que ce soit la « faute de la mère ».

Pourtant, il serait tout à fait incomplet et injuste de ne pas s’interroger sur les mères en tant qu’êtres humains, au-delà de leurs actes. Si certaines sont objectivement mauvaises, maltraitantes et mauvaises femmes avant d’être mauvaises mères – on peut même dire mauvaises humaines avant d’être mauvaises femmes –, d’autres n’ont pas eu la possibilité d’être une « bonne » mère (ou cette possibilité leur a été retirée). Il me semble donc indispensable, en parlant de la « mauvaise » mère, de m’arrêter sur certains contextes familiaux, sociaux, historiques, afin que cette réflexion sur la maltraitance maternelle demeure objective. 

Il s’agit, comme dans une enquête, de collecter un faisceau d’indices, de déterminer des présomptions d’innocence, de définir les femmes qui seraient en incapacité ponctuelle d’être mères et celles qui le seront de façon permanente, structurelle, portant un poids transgénérationnel, une pathologie, une déviance ou une fracture psychique interdisant toute structure maternelle bienveillante. 

Cadre culturel et social 

L’histoire n’a pas toujours encouragé les notions d’attachement et d’amour maternels. Cette autorisation d’aimer est apparue avec le temps, entre autres grâce à l’évolution de la médecine et des soins prodigués dès le plus jeune âge. Comme le relève l’historien Edward Shorter, « dans la société traditionnelle, les mères étaient indifférentes au développement et au bonheur de leurs enfants de moins de 2 ans. Dans la société moderne, elles placent le bien-être de leur nourrisson au-dessus de tout » (cité par Rita Laura Segato dans L’Œdipe noir : des nourrices et des mères, Paris, Payot, 2014). Quant à Élisabeth Badinter, elle écrit : « Comment se serait-on intéressé à un petit être qui avait tant de chances de mourir avant un an ? […] Autrement dit : mieux valait ne pas s’attacher pour ne pas souffrir par la suite » (Élisabeth Badinter, L’Amour en plus, Paris, Flammarion, 2010). L’amour maternel est alors interdit ou gage de faiblesse. 

Considérer l’enfant comme une personne apparaît avec le développement de la psychologie et l’apparition de la notion d’attachement, essentielle à la construction et à l’existence de l’enfant. 

Mais qu’en est-il de la femme ? Longtemps soumise à un devoir de reproduction, elle acquiert lentement une indépendance légitime, se libérant en partie du joug patriarcal. Plus libre d’exercer une profession qu’elle choisit, plus indépendante financièrement, plus autorisée à prendre la parole et à défendre ses opinions en public, il lui restait à acquérir une autre liberté : celle de donner naissance et d’avoir une sexualité librement consentie. Ce qui prend corps avec le projet de loi sur l’avortement. Pourquoi l’absolue nécessité de cette loi ? La législation datant de 1920 et 1923 prévoyait des peines de prison pour celles qui recouraient à l’avortement ou pour ceux qui le pratiquaient. La contraception légalisée en 1967 souffre alors d’un défaut d’information et les grossesses et avortements clandestins continuent. Et ceux qui aujourd’hui remettent en cause le droit et le refus d’avoir un enfant, ainsi que les moyens médicaux répondant à ces souhaits, ne se rendent sans doute pas compte de toutes les conséquences sociales et personnelles dramatiques qu’un « retour en arrière » provoquerait. 

Extrait de "Les mères qui blessent, se libérer de leur emprise pour renaître", d'Anne-Laure Buffet, aux éditions Eyrolles 

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