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La France mise sur l’Emir du Qatar (et réciproquement)
©KARIM JAAFAR / AFP

Diplomatie

Emmanuel Macron recevra ce 6 juillet à l'Elysée, le Cheikh Tamim bin Hamad Al Thani, Emir du Qatar. Quels sont les enjeux de cette rencontre ? La France peut-elle jouer un rôle entre Mohammed ben Salmane et l'Emir Al-Thani ?

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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Atlantico : Emmanuel Macron recevra, ce 5 juillet à l'Elysée, le Cheikh Tamim bin Hamad Al Thani, Emir du Qatar, dans un contexte marqué par les tensions persistantes entre Ryiad et Doha, notamment sur la question iranienne. Quels sont les enjeux de cette rencontre ? 

Ardavan Amir-Aslani : Aujourd'hui, on constate que le Conseil de Coopération du Golfe créé en 1981 n'existe plus, du fait d'une scission avec d'un côté l'Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et le Bahreïn, trois pays engagés dans la guerre au Yémen, ligués contre trois pays neutres, le sultanat d'Oman, le Koweït et le Qatar, favorables aux Iraniens. Pour dépasser ce blocage, les Saoudiens ont alors créé une nouvelle instance, le Conseil de coordination saoudo-émirien. Celui-ci n'a pour d'autre but que de faire avancer les intérêts militaires et internationaux conjoints de l'Arabie Saoudite et des Emirats notamment face à « l'expansionnisme iranien », en visant en premier lieu leur voisin immédiat, le Qatar, devenu leur bouc émissaire.
Ce qui pose réellement problème à Riyad, c'est qu'en finançant les Frères musulmans, le Qatar héberge – sous réserve que leur prosélytisme ne s'exerce pas sur place - une version de l'Islam sunnite radical qui fait directement concurrence au wahhabisme saoudien. On ne saurait d'ailleurs associer les Frères au terrorisme, l'idéologie wahhabite étant bien, en revanche, le fondement de l'idéologie de Daech. En outre, chacun sait que les Frères musulmans, organisation para-maçonnique hiérarchisée, ne fonctionnent pas comme les wahhabites. Le modèle de société dont ils se réclament tire sa légitimité du bas vers le haut, donc des urnes (comme Morsi en Egypte en 2012). Alors que le système des pétro-monarchies répond à un modèle pyramidal classique, du haut vers le bas, à travers les distributions et les largesses du cheikh. C'est donc un enjeu social majeur pour les pétro-monarchies arabes. 
Enfin, en imposant il y a un an des sanctions au Qatar (fermeture de la frontière commune avec l'Arabie saoudite, interdiction faite à Qatar Airways de survoler leur territoire, etc.), les Saoudiens ont fait l'erreur de jeter les Qataris dans les bras de l'Iran, qui récupérait du même coup les Frères musulmans et gagnait comme alliés le Hamas à Gaza et Erdogan – lui-même Frère musulman – en Turquie. 
Al-Thani craint une invasion saoudienne de son pays. Il cherche donc à travers ces rencontres internationales à s'acheter une sorte de police d'assurance. C'est tout l'objet de sa venue à Paris. 

De quelle manière la France peut-elle parvenir à jouer un rôle entre Mohammed ben Salmane et l'Emir Al-Thani dans un tel contexte ? 

La France aujourd'hui est devenue le chef de file du multilatéralisme, contre un Donald Trump lancé de façon très téméraire dans un cassage de l'ordre mondial post-1945. Les décisions d'Emmanuel Macron, à rebours de celles de Washington – sur le réchauffement climatique, contre la position américaine sur le transfert de l'ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, contre les Etats-Unis sur les barrières commerciales – le démontrent. La France peut donc utiliser ce nouveau rôle pour peser davantage sur la question du Qatar et jouer les médiateurs pour tenter de le réconcilier avec l'Arabie saoudite, d'autant qu'elle entretient des relations très privilégiées avec  « MBS », en visite à Paris en avril dernier. Cela intervient de surcroit dans un contexte qui ressemble étrangement à celui qui précédait l'invasion américaine de l'Irak en 2003, marqué par une stratégie de « fabrication de l'ennemi ». Sauf qu'aujourd'hui, l'ennemi est devenu l'Iran. L'enjeu est évidemment central, alors qu'Hassan Rohani se trouve actuellement en Europe afin de poursuivre les négociations sur le nucléaire iranien avec les Européens. 

Comment placer le "réchauffement" des relations entre Qatar et Etats Unis dans un tel contexte ? 

Je ne pense pas que l'on puisse parler de réchauffement. Tout le monde connaît la proximité extrême qui existe entre Mohammed Ben Salmane et le gendre de Donald Trump, Jared Kushner. « MBS » a en outre passé trois semaines aux Etats-Unis en mars dernier, et Donald Trump a choisi l'Arabie saoudite comme terre de son premier déplacement en tant que président des Etats-Unis, au détriment du Mexique ou du Canada comme cela était la coutume historiquement. 
En réalité, les Américains ont refusé de prendre parti dans le conflit qui oppose les Saoudiens aux Qataris, car ces derniers abritent la base Al-Udeid, la plus importante base d'aviation américaine dans la région. Celle-ci accueille également 5000 soldats turcs. Prendre parti, c'était clairement la mettre en danger. 

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