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Fin de l’Autolib : pour Bolloré, c’est un échec cuisant... Pour les partisans de l’autopartage c’est une opportunité de développer des formules révolutionnaires
©PATRICK KOVARIK / AFP

Atlantico Business

La Mairie de Paris a donc débranché Autolib. Bolloré quitte le jeu et laisse la place à des concurrents qui veulent offrir un nouveau mode d’autopartage.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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A priori, l’arrêt officiellement prononcé aujourd’hui par le syndicat mixte Autolib et qui dépend principalement de la Mairie de Paris n’a pas provoqué beaucoup d’émotion. Ni à la Mairie, ni chez les usagers. C’est à peine si les milieux politiques qui s’opposent à la maire Anne Hidalgo, vont mettre cet arrêt sur l’incohérence de sa politique des transports ou son arrogance à tout gérer, tout décider, tout savoir... Peut être, mais ça n’aura aucun rapport avec les sarcasmes et les colères qui ont accompagné la fin chaotique des Vélibs (version Decaux) et surtout l’impossibilité de trouver une solution alternative qui soit efficace. 

Il faut dire que les utilisateurs d’Autolib étaient beaucoup moins nombreux et que tout le monde savait que le systeme Bolloré n’avait pas trouvé son équilibre économique.

Le pari qu’avait tenté Vincent Bolloré n’a pas fonctionné. Le service s’arrêtera donc progressivement pour s’éteindre complètement à la fin du mois de juillet. 

Au départ, Vincent Bolloré prévoyait un bénéfice net de 56 millions, or le déficit cumulé depuis la création, il y a 7 ans, atteindrait 210 millions d’euros. C’est bien à cause de ce déficit dont Bolloré a réclamé le financement, que le contrat a été dénoncé par la Mairie de Paris. 

Dans le contrat initial, il faut dire que Bolloré s’était, semble-t-il, engagé à payer la dette à hauteur de 60 millions. Le reste devant être payé par les 98 communes de la région parisienne. 

Le syndicat mixte a préféré dénoncer le contrat. Du coup, Bolloré peut demander plus de 300 millions de dédommagement. Il y aura donc une kyrielle de procès dont personne ne connaît l’issue (pour le contribuable). En attendant, tout le monde a considéré que la meilleure des solutions était encore d’arrêter les frais. Et de ne pas trop polémiquer. 

Cet arrêt cardiaque en plein vol ne surprend donc personne mais va avoir deux conséquences. 

Le premier touché, Vincent Bolloré de plein fouet. Touché, mais pas coulé. Pour cet encore jeune capitaine d’industrie, c’est un échec qui s’ajoute aux ennuis que lui valent certaines pratiques commerciales et financières en Afrique et aux difficultés qu’il rencontre dans l’audiovisuel où il peine à donner à Canal Plus un nouvel avenir. Ne parlons pas du désordre qui règne en Italie et qui pourrait contrarier ses ambitions de pouvoir reprendre en toute liberté les affaires Generali. Alors Autolib, oui, ça fait désordre, mais Bolloré a connu tellement d'autres ennuis !  

Bref, la météo que Vincent Bolloré doit affronter ne lui est guère favorable. 

L‘Autolib était pour lui un projet totalement innovant auquel il croyait comme à la prunelle de ses yeux. Pour trois vraies raisons. 

D’abord, parce que le concept de l’autopartage répondait à une demande nouvelle de mobilité dans la ville et qu’il était assez fier d’y participer et d’être le premier. 

Ensuite, parce qu’il a proposé que ses voitures, made in France, soient électriques et équipées d’une batterie révolutionnaire qui a été mise au point par ses ingénieurs. Sa batterie fonctionne selon la technologie LM (lithium, métal polymère) alors que le marché mondial est dominé par les batteries lithium-ion d’origine asiatique.

Pour Vincent Bolloré, cette batterie est une pépite. Elle est entièrement fabriquée en France, elle ne contient ni cobalt, ni terres rares. Le problème, c’est que les clients aussi sont très rares. La concurrence chinoise est écrasante.

Vincent Bolloré a investi des sommes colossales dans la mise au point de ses batteries parce qu’il pense, un peu comme Elon Musk (Tesla), qu’il faudra dans l’avenir stocker l’électricité, seul moyen de faire une vraie politique d’économie d’énergie. Des batteries qui ne seront pas seulement utilisées dans le transport, mais aussi dans le logement et dans la vie quotidienne. 

Dans ces conditions et c’est le troisième point clef de l’intérêt qu’avait le contrat Autolib pour le groupe, il représentait une formidable vitrine pour le concept et pour la batterie. En 2011, Vincent Bolloré et la Mairie de Paris ont fait un lancement spectaculaire de l’Autolib et le monde entier a pu voir le systyme en fonctionnement, à l’ombre de la Tour Eiffel. Le groupe a signé quelques contrats d’équipement avec des grandes villes françaises et étrangères, mais le modèle économique ne s’est pas redressé.

Au delà de la technologie dont l’intérêt est reconnu partout, le concept d’autopartage est né dans un environnement qui était vierge de toute autre expérience. Uber n‘existait pas il y a 7 ans ou alors Uber balbutiait, il n’y avait pas de VTC, il n’y avait pas de Blablacar, qui est devenu le roi de l’auto-partage. Il y avait encore moins de projets de voitures connectées. 

Bolloré, avec sa Blue Car, n’a pas su imposer son modèle et son format. Sur 5000 voitures en circulation dans le monde, 4000 l’étaient sur Paris. Autant dire qu en fermant Paris, il se ferme le reste du monde. 

Cela dit, cet échec Bolloré va ouvrir un marché qui était bloqué et verrouillé. La porte s’est donc ouverte à une multitude de concurrents porteurs de solutions de mobilité, les plus imaginatives et les plus diverses. 

La Mairie de Paris est évidemment déjà en train de chercher des alternatives. Renault, Peugeot PSA, et même Volkswagen, tous les loueurs de voitures et même beaucoup de startup ont des dossiers en préparation. Au total, la mairie de Paris a reçu une demi-douzaine d'offres pour remplacer les Autolib. 

Il s'agirait en majorité de « free floating », très simples à mettre en place. Tout le monde imagine des systèmes où on pourrait prendre et déposer des voitures n'importe où, sans bornes, sur le modèle des scooters et des vélos. Si les bornes restent, certains véhicules proposés pourraient être électriques, sur le modèle actuel. 

Et tout cela en attendant, la grande révolution de la voiture autonome qui va déferler beaucoup plus vite qu’on ne s’y attend. Des flottes de véhicules autonomes et connectés que l’ont peut appeler de son smartphone et qui nous conduiront là où il faudra dans des conditions de liberté et de confort optimum. Tout peut changer, la façon de bouger, de travailler et surtout d’habiter. Si la voiture nous offre, outre la mobilité, la jouissance d’un salon, d’un bureau ou la prolongation de son « Home Sweet Home », même le train et le métro seront atteints dans leur activité. 

Bolloré, en dépit de toute l’imagination et l’ambition qu’il a toujours eu, ne pouvait pas raisonner comme un apporteur de solution à la mobilité. D‘où son aveuglement à imaginer un tel changement. Sa Bluecar pouvait répondre à une demande de propreté, d’écologie, d’énergie propre, de stationnement avec des sites dédiés mais sa Bluecar ne proposait pas de changer la vie. 

La batterie dans laquelle il croit tellement peut en revanche changer la vie en permettant le stockage de l’électricité. Encore faut-il qu‘elle fasse ses preuves.

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