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Pétrole : l’agence internationale de l’énergie lance une alerte rouge à la pénurie
©AFP

Or noir

L'Agence Internationale de l'Energie a récemment indiqué que la production pétrolière de l'Iran et du Venezuela pourrait baisser de 30%, conduisant à une situation de choc d'offre pouvant entraîner une hausse des prix. Face à cette situation, l'AIE, mais également Donald Trump, recommandent une hausse de la production de la part des autres pays.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Le 13 juin dernier, l'Agence Internationale de l'Energie indiquait que la production pétrolière de l'Iran et du Venezuela, en raison des sanctions américaines pour l'un, et de la crise économique pour l'autre, pourrait baisser de 30%, conduisant à une situation de choc d'offre pouvant entraîner une hausse des prix. Devant une telle situation, l'AIE, mais également Donald Trump, au travers d'un tweet adressé aux membres de l'OPEP recommandent une hausse de la production de la part des autres pays.

Stephan Silvestre : L’AIE a établi un scénario basé sur ce que l’on a observé lors des dernières sanctions contre l’Iran. Après les sanctions de 2012, la production iranienne avait chuté de 3,7  à 3,0 millions de barils par jour (Mbpj), soit une chute de 700 000 bpj. Selon l’AIE, la production iranienne, actuellement stabilisée à 3,8 Mbpj, pourrait rechuter de 900 000 bpj en 2019. Pour le Venezuela, l’agence prévoit une chute 550 000 bpj, consécutive au naufrage économique du pays qui ne peut plus entretenir son outil de production. Ce serait donc au total un déficit de production de plus d’1,4 Mbpj qui pourrait affecter le marché mondial en 2019, alors qu’on attend une hausse de la demande de +1,4 Mbpj, essentiellement en provenance d’Asie. Dans ce contexte, la hausse des quotas de production de l’OPEP, attendue autour de +1,8 Mbpj en 2018, serait insuffisante pour combler le déficit, même en y ajoutant la hausse de la production de pétrole de schiste américain, probablement entre 0,3 et 0,5 Mbpj ; cette situation engendrerait donc de fortes tensions sur les prix. La détente actuelle des prix (le baril de Brent est revenu à 73$ après son pic à 80$), amorcée par la perspective de hausse des quotas à prochaine réunion de l’OPEP, ne serait donc que temporaire.

La prochaine réunion de l'OPEP, qui aura lieu en fin de semaine, s'annonce tendue entre les intérêts des différents membres, mais aussi de pays invités comme la Russie. Quelles sont les lignes de fracture, et quelle est la solution la plus probable au regard des différents rapports de force ?

Les pays qui vont se réunir à Vienne vendredi (OPEP plus Russie et quelques autres) sont bien conscients à la fois de la situation iranienne et vénézuélienne, mais aussi de la nécessité d’empêcher les prix de dépasser 80$ le baril, ce qui provoquerait une récession et une baisse de la demande. Il existe donc un consensus pour mettre fin à la restriction des quotas de 1,8 Mbpj adoptée dans la douleur en novembre 2016. Évidemment, il est toujours plus facile de trouver un accord sur une hausse des quotas que sur une baisse ! Cependant, comme vous le soulignez, ce consensus masque une ligne de fracture au sein de l’OPEP : les pays du club du Golfe (GCC), sunnites et emmenés par l’Arabie Saoudite, on de plus en plus de mal à s’entendre avec les chiites, emmenés par l’Iran. Au-milieu, se trouve la Russie, traditionnel allié de l’Iran, mais dont les relations avec Riyad se resserrent de plus en plus, comme en témoigne l’invitation par Poutine du prince Mohammed ben Salmane (MBS) au match d’ouverture du mondial de football. La Russie, qui avait amorcé son rapprochement avec l’OPEP dans la plus grande circonspection, est en train d’en devenir un membre associé. Si cela se confirmait, le poids de l’axe Moscou-Riyad, avec leurs alliés du GCC et d’Asie centrale, serait prépondérant sur l’OPEP.
MBS et Poutine le 14 juin 2018 au match Russie-Arabie Saoudite

En cas d'une décision en faveur d'une hausse de la production de la part de pays comme la Russie ou l'Arabie Saoudite, alimentée par celle des Etats-Unis, que peut-on attendre des répercussions sur les revenus iraniens et vénézuéliens ?

La hausse du prix du pétrole depuis janvier 2016 a permis à l’Iran d’augmenter la valeur de ses exportations de 15 à 25 Md$ par trimestre fin 2017, soit un surplus annuel appréciable de 40 Md$. La hausse des quotas ne serait acceptable par Téhéran que si les prix se maintenaient et que l’Iran n’était pas trop touché par les sanctions. Pour le pétrole, c’est peu probable, l’essentiel des exportations partant vers des pays peu sensibles aux oukases de Washington (Chine, Irak, Inde, Afghanistan, Turquie, Indonésie…). En 2018 les exportations iraniennes devraient se maintenir entre 20 et 25 Md$ par trimestre. Pour le Venezuela, la hausse des quotas sera sans effet (positif) : le pays ne parvient déjà plus à assurer ses quotas actuels. Les exportations du pays, majoritairement constituées de pétrole, ont chuté de 25 Md$/trimestre en 2013 à 7,3 Md$/trimestre en 2017. Avec la baisse de confiance de ses clients (États-Unis, Chine, Colombie, Pays-Bas, Brésil), le Venezuela n’améliorera certainement pas ce chiffre en 2018. Ce pays est l’un des rares ayant intérêt à des quotas bas pour limiter la concurrence et maintenir des prix élevés.

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