Premier tour des élections françaises : la grande perdante, c’est l’Europe ! <!-- --> | Atlantico.fr
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"L’Europe ne peut être ni française ni allemande mais doit appartenir à l’ensemble de ses citoyens."
"L’Europe ne peut être ni française ni allemande mais doit appartenir à l’ensemble de ses citoyens."
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Hymne à la joie

L'euroscepticisme ambiant et la montée du souverainisme semblent en effet avoir relégué l'Union européenne loin des préoccupations électorales...

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmit est membre de l'Advisory Board de l'Institut Thomas More,

Il a également été directeur du service "Opérations Financières" au sein de la Direction Générale "Affaires Économiques et Financières" de la Commission Européenne.

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Les résultats du premier tour des élections françaises sont sans appel : la très grande majorité (90%) des Français ont voté pour des candidats qui sont soit des eurosceptiques avérés (Le Pen, Mélenchon) soit des souverainistes dont la conception de l’Europe est celle de promouvoir prioritairement les intérêts exclusifs de la France (Sarkozy, Hollande).

S’il est parfaitement légitime que le Président-candidat et le candidat Hollande appellent à réformer l’Union Européenne dont l’intégration est loin d’être achevée, il est lamentable que, ce faisant, ils courtisent tous deux les sentiments nationalistes en prônant une gouvernance européenne aux antipodes de celle qu’ils préconisent au niveau national : alors que, selon eux, l’Etat français doit « rassembler » ou « s’unir » pour servir tous ses citoyen – notamment les plus démunis et les déçus, dont les candidats auraient si bien compris la détresse et le message au soir du premier tour (!), l’Union, par contre, aurait pour fonction essentielle de servir les intérêts de la France, sous peine de voir celle-ci prendre des mesures unilatérales pour faire prévaloir ses exigences.

Or, s’il ne fait guère de doute que la seule raison d’être de l’UE est d’améliorer le cadre de vie – au sens large – de l’ensemble de ses citoyens (pouvoir d’achat, sécurité, emplois, droits de l’homme, justice, environnement etc.), la solidarité qui doit exister entre citoyens d’un même pays se doit de trouver son pendant au niveau de l’Union.

Dès lors qu’il est très largement admis qu’une implosion de l’UEM et de l’Union Européenne serait catastrophique pour tous les pays membres et, relativement parlant, encore plus dramatique pour les pays les plus riches qui ont le plus à perdre - dont la France –, le discours qui flatte l’«exceptionnalisme» français  ne peut que conduire au désastre.

Les candidats à la présidence doivent, au contraire, convaincre les citoyens que la défense de l’Euro et le renforcement de l’Union, à tout prix, sont seuls à même de garantir la préservation de l’essentiel des acquis si chèrement obtenus au cours des 60 dernières années, marquées par la paix et l’amélioration substantielle des niveaux de vie. C’est aussi la condition sine qua non pour créer l’espoir d’un futur meilleur dans un monde irréversiblement globalisé, marqué par une accélération et une augmentation permanente des échanges sous toutes ses formes. Un tel environnement nécessite une réglementation supranationale adaptée, tant au niveau européen que global, où la défense des intérêts légitimes des pays membres et de l’UE ne peuvent s’envisager qu’en parlant d’une seule voix au nom de ses 500 millions de citoyens.

Dans ce scénario, les prétentions de la France doivent nécessairement s’accommoder des revendications, tout aussi légitimes, des 435 millions d’autres citoyens, ce qui implique des compromis et requiert une solidarité, pour assurer le maintien d’une cohésion sociale minimale.

Le modèle de gouvernance « fédérale » de la BCE, dont on vante tant la capacité à apporter une contribution décisive à la sortie de crise, devrait servir d’inspiration à ceux qui prônent une modification de son mandat. Pour être plus efficace encore, la BCE doit se trouver – au moins au sein de l’UEM – face à un interlocuteur unique, capable d’assurer la coordination des politiques économiques fiscales et sociales de ses membres, comparable à la situation qui prévaut dans les pays qui ont conservé leur souveraineté monétaire.

De même, les appels justifiés à la mutualisation des dettes souveraines, entre pays membres de l’UEM, ne peuvent trouver une concrétisation qu’au sein d’une Union de caractère fédérale où des règles communes strictes de discipline budgétaire seront d’application en échange de la solidarité qui bénéficie à tous qu’ils soient riches ou pauvres, le tout étant manifestement capable de créer de plus grandes richesses que la somme des parties.

Or, les deux candidats refusent tout nouveaux transferts de souveraineté; bien au contraire, ils brandissent la menace de mesures unilatérales (rétablissement de contrôles aux frontières, taxes sur opérations financières) ou font référence à la politique de la « chaise vide » du général De Gaulle en cas de refus des exigences françaises. De surcroît, ils prétendent avoir les moyens de contrôler - ou de s’affranchir unilatéralement de -  la dictature de la « finance » ce en quoi ils  s’apprêtent à décevoir inéluctablement leur électorat. Ainsi, dans l’espoir de grappiller, pour le second tour des élections, les voix des anti-européens les plus radicaux, ils contribuent à préparer – involontairement – le scénario du pire que représenterait le démembrement de l’UEM/UE.

Au moment où existe la tentation de jouer sur la peur de l’électeur devant une situation mondiale fragile, économiquement (Europe, USA, Japon) et politiquement (Syrie, Palestine/Israël, Iran, Corée du Nord, Afghanistan, Soudan etc.), il est nécessaire de comprendre que l’Europe ne peut être ni française ni allemande mais doit appartenir à l’ensemble de ses citoyens.

Le cri de « Vive la France » proféré avec tant de cœur et de conviction à la fin de chaque meeting électoral perdra toute signification en dehors de la nécessité impérieuse que « vive l’Europe ».

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