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Crise sur l’immigration aux États-Unis : ces traumatismes psychologiques majeurs que subissent les enfants qu’on sépare de leurs parents
©JOHN MOORE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Drame intime

Donald Trump a revendiqué lundi sa fermeté face à l'immigration, malgré le scandale provoqué par la séparation de plus de 2300 mineurs enlevés à leurs parents sans papiers. Plusieurs associations américaines de médecins, de pédiatres et de psychiatres dénoncent les conséquences de cette décision et ont lancé une pétition demandant au président Trump de mettre fin à cette politique. En France, Benjamin Griveaux assure qu’il « ne veux pas qu'il se passe en Europe ce qu'il se passe aux Etats-Unis".

Florence  Millot

Florence Millot

Psychologue pour enfants.

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Atlantico : Quelles sont principales les conséquences pour ces enfants que l’on sépare brutalement, et dans un tel contexte ?

Florence Millot : Elles génèrent forcément plusieurs traumatismes, qui peuvent être très graves. Néanmoins il faut souligner en premier lieu que les destins de ces enfants ne sont pas scellés d'avance. Il est difficile de prédire leurs comportements et leur évolution future. Les travaux de Boris Cyrulnik sur la résilience établissent une proportion de 25% d'enfants qui seront résilients et construiront une vie bien plus riche et épanouissante à partir de ces traumatismes. Ces enfants développent des capacités d'empathie et d'investissement personnel dans des projets et des carrières tournées vers les autres. Parmi eux, certains deviennent médecins, avocats ou créent des organisations humanitaires, comme ce fût le cas avec des enfants qui ont vécu le Tsunami en 2004 et sont revenus en Thaïlande pour mettre en place des orphelinats, par exemple. Ceux-là réagissent par une forte pulsion de vie, quand d’autres se tournent vers l’autodestruction et des parcours chaotiques.

Dans un contexte aussi difficile que celui des migrants aux Etats-Unis, quels sont les risques pour le développement de ces enfants ?

Ils peuvent être les dévastateurs. Ces enfants ont des troubles du développement, de l’attachement et ne sont pas structurés par des limites. Les adultes, qu’l s’agisse de leurs parents eux-mêmes dans l’illégalité ou ceux qui représentent les autorités, ne leur donnent pas de cadre nécessaire. Il en résulte une perte de confiance totale dans la famille  et dans les institutions, qui les ont rejetés en ne les protégeant pas . Ces enfants , par leurs troubles psychologiques et par l’exclusion arbitraire qu’ils subissent, posent un réel problème collectif. Que deviendront-ils demain ? Ils n’ont pas de place dans le monde ni la protection qu’ils méritent.

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Comment et à quel moment se manifestent ces troubles ?

Les symptômes se manifestent généralement quelques mois après avoir vécu une situation de crise. Sur le moment, l’enfant est mobilisé par l’instinct de survie, la dépense d’énergie et l’adrénaline qui lui permet de faire face à un stress aigu. Lorsque la situation de crise disparaît, le corps et le cerveau lâchent prise, et c’est à ce moment que les troubles d’anxiété, de phobie et de dépression sont visibles. Il arrive que les enfants se bloquent dans leur développement, pour rester à l’état infantile et ralentissent de fait leur croissance. On observe aussi des troubles de l’attachement lorsqu’ils retrouvent leurs parents. Ils ont rompu le lien et n’arrivent plus à retrouver leurs émotions ni leurs affects, parce que la douleur a été trop forte et qu’ils craignent par ailleurs un nouvel abandon. Ces troubles ont aussi une influence dans leur vie d’adulte, dans la mesure où ils considèrent tout attachement comme un danger et un risque pour leur survie.

Dans quelle mesure ces traumatismes affectent-ils leur rapport à la société , à la loi et aux normes sociales ?

L’absence de limites, de cadre protecteur et de normes leur a été montré par les autorités elles-mêmes, qui les ont plongé dans des situations arbitraires. De fait, leur rapport à la société et aux instituions est marqué par ce type d’événements. La colère, la frustration et la violence qu’ils retournent d’abord contre eux-mêmes, s’exprime aussi dans des conduites d’addiction, de délinquance et de marginalité. Pour autant, il est faux de considérer que leur vie est entièrement déterminée. Avoir un entourage , une famille d’accueil ou tout autre cadre structurant permet à ces enfants de se reconstruire. Bien souvent, le moindre signe d’attention et de bienveillance qu’on leur porte a une importance considérable. Les exemples d’enfants des rues, drogués et abandonnés qui ont pu se reconstruire et repartir presque «  à zéro », sont nombreux. Leur destin tient aussi à la responsabilité collective, sociale et politique que l’on décide d’exercer pour les réintégrer.

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