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L'étrange mort d'un businessman anglais qui pourrait révéler l'incroyable corruption des élites chinoises
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Dans le salon avec le chandelier

En novembre dernier, Neil Heywood est retrouvé mort dans sa chambre d'hôtel à Chongqing. Une affaire de meurtre qui pourrait être à la source de la tempête politique qui continue de souffler sur Pékin.

Voilà une histoire qui aurait pu inspirer Mary Higgins Clark. Tous les ingrédients d'un bon polar sont réunis : piston, meurtre, corruption, affaires de famille...

Dans le rôle du personnage principal : Bo Xilai, l'un des chefs de fil de la nomenclature chinoise, et chef du Parti communiste de Chongqing, la plus grande ville du monde. Il a été suspendu du bureau politique le 9 avril dernier, soupçonné d'en avoir "violé la discipline". Son épouse, Gu Kailai, surnommée la "Jackie Kennedy chinoise", est accusée de meurtre. Elle est aujourd'hui incarcérée. Dans le rôle du cadavre : le britannique Neil Heywood.

De fait, l'affaire a signé la chute du clan de Bo Xilai. Surtout elle révèle la violence du monde politique chinois et la corruption de ses élites.

Flashback.

Nous sommes en novembre 2011. Neil Heywood est retrouvé mort dans sa chambre d'hôtel à Chongqing. Les autorités locales expliquent son décès par une consommation excessive d'alcool. Ce qui surprend ses proches car Neil Heywood ne buvait pas, souligne le site Business Insider.

Son corps est rapidement incinéré, sans autopsie. Une mort suspecte qui pousse le Royaume-Uni à réclamer une enquête approfondie. Si l'affaire rebondit, c'est parce que le Britannique de 41 ans assistait depuis des années la famille de Bo Xilai pour offrir à son jeune fils une éducation internationale. En outre,des informations circulent selon lesquelles Neil Heywood aurait pu être empoisonné.

C'est en tous cas ce qu'aurait confié Wang Lijun (l'ancien bras droit de Bo Xilai dans sa lutte contre les mafias), quand il a tenté de se réfugier au consulat américain de Chengdu le 6 février dernier, rapporte le Daily Telegraph. D'après Wang Lijun, Neil Heywood aurait été forcé à boire du cyanure, qu'il aurait recraché. En vain. Wang Lijun a été remis aux autorités chinoises. Il est depuis en "congés thérapeutiques". Autrement dit en prison.

Qui était vraiment Neil Heywood ? Sinophone et marié à une Chinoise, il a fait la connaissance du couple Bo en 1994 à Dalian, dans le nord-est de la Chine, où il enseignait l'anglais, rappelle Le Monde. C'est sa femme, Wang Lulu, qui lui aurait fait rencontrer Gu Kailai, dont le mari, Bo Xilai, était alors maire de la ville.

En tirant le fil de cette mystérieuse mort, on se rend compte que le business man anglais n'était pas forcément très "clean". Il aurait ainsi pistonné Bo Guagua, le fils de Bo Xilai, pour faire ses études au Royaume-Uni
. Dans un communiqué publié par The Harvard Crimson, le journal universitaire de Harvard, Bo Guagua nie en bloc : "Mes frais de vie et de scolarité (...) ont été financés exclusivement par deux sources : des bourses obtenues de façon indépendante et la générosité de ma mère, qui a puisé dans ses économies gagnées durant des années alors qu'elle était avocate et écrivaine à succès", affirme-t-il.

Dernière révélation en date : en 1998 Gu Kailai aurait demandé à Vistarama, une entreprise anglaise d'accepter un "petit supplément" secret de 150 000 livres (184 500 euros environ), et d'utiliser l'argent pour payer les droits d'inscription de son fils à l'université britannique Harrow. C'est ce que raconte le directeur de l'entreprise, Giles Hall, cité par le Daily Mail. "Elle voulait que les choses soient faites en secret, nous devions signer un accord de confidentialité, ce qui paraissait bizarre", raconte-t-il. "Mieux valait ne pas poser trop de questions pour savoir d'où venait l'argent." Plus étrange encore est la manière dont Gu Kailai voulait faire passer l'argent d'un pays à l'autre : grâce à un gigantesque ballon gonflé à l'hélium ! Lorsque l'entreprise a finalement refusé de conclure l'accord, Gu Kailai aurait piqué une colère noire, et aurait menacé de faire jeter en prison les patrons de cette entreprise, si jamais il leur venait à l'esprit de poser un pied sur le sol chinois.



Surtout Neil Heywood aurait été en affaire avec l’épouse de Bo, Gu Kailai.
Il aurait été empoisonné car il menaçait de révéler que Gu Kailai s'apprêtait à transférer une grosse somme d'argent à l'étranger. Fin 2011, elle lui aurait demandé de l'aider à transférer l'argent et serait devenue furieuse quand ce dernier lui aurait demandé une commission importante. Il l'aurait menacée de faire éclater au grand jour la transaction secrète et elle aurait élaboré un plan pour le tuer. On ignore encore la nature exacte de la transaction, mais sa révélation aurait, sans aucun doute, mis en péril les ambitions de son mari.

Dans un premier temps Bo Xilai a autorisé les investigations de la police locale sur le crime dont sa femme est suspectée, avant de changer d'avis et de la protéger, rapporte le Daily Telegraph.

Plus étonnant encore, on apprend que Neil Heywood travaillait en sous main pour l’agence Hakluyt, spécialisée en intelligence économique et dirigée par un ancien du MI6, les services secrets se Sa Majesté. De quoi faire de lui un espion infiltré, il n’y un qu’un pas.

Agent secret ? Agent double ? Business man qui a touché de trop près au business à la chinoise ? Homme d'affaire véreux qui a approché les arcanes du pouvoir chinois ? Mystère et boule de gomme.

L'enquête sur la morte de Neil Heywood a aussi mis le doigt sur les méthodes - expéditives et illégales - que Bo Xilai utilisait dans sa lutte contre le crime organisé. Lors de cette campagne contre les gangs noirs, près de 5 000 personnes ont été arrêtées et 13 personnes ont été condamnées à mort. On parle aujourd'hui de recours massif à la torture pour les aveux et de victimes pour l'exemple.

L'ensemble de ces informations ont scellé définitivement le sort de Bo Xilai, qui était pressenti comme l'un des "Neuf" du futur comité permanent du Politburo - le vrai cœur du pouvoir chinois - qui doit être renouvelé en octobre 2012. Et le feuilleton de Chongqing nourrit tous les jours les spéculations sur les luttes de palais entre hauts dirigeants chinois, dans le cadre de la transition politique de l'automne prochain.

En Chine, la presse a interdiction d'évoquer l'affaire. Les Chinois se sont donc  rués sur Internet pour tenter d'y voir plus clair. Le gouvernement chinois a même fait interdire pendant trois jours, début avril, les commentaires sur les deux principaux sites de microblogs  du pays. Six personnes ont également été arrêtées pour "création et propagation de rumeurs" et 42 sites Internet ont été fermés. Officiellement, il s'agit de "nettoyer" la "fabrique à rumeurs".

Marie Slavicek

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