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Laurent Wauquiez, cet agrégé d’histoire qui aime la castagne
©Zaid AL-OBEIDI / AFP

Le seul de son genre chez LR

Laurent Wauquiez est une énigme. Personnage politique clivant, le nouveau visage de la droite française tantôt inquiète, tantôt fascine. Dans son livre, "Laurent Wauquiez L'impétueux", Fabrice Veysseyre-Redon le décrit comme un homme aux deux visages.

Fabrice Veysseyre-Redon

Fabrice Veysseyre-Redon

Fabrice Veysseyre-Redon est journaliste. Il travaille pour le groupe Ebrapresse. Il est également consultant pour CNEWS et Public Sénat. Il est l'auteur de Laurent Wauquiez, l'iméptueux

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Atlantico : Dans votre livre, "Laurent Wauquiez L'impétueux" (Mareuil Editions), vous décrivez Laurent Wauquiez comme un homme aux deux visages. "L'un serviable qu'il réserve à ses électeurs au sortir d'un salon de coiffure boulevard Carnot dans sa bonne ville du Puy. L'autre, tranchant et autoritaire, pour le microcosme parisien […] dont il a fait son meilleur ennemi". Laurent Wauquiez a-t-il construit le personnage public dans lequel il s'affiche aujourd'hui ? Quelle est la part de spontanéité et quelle est celle de calcul ?

Fabrice Veysseyre-Redon : Je dirai que son personnage n’a pas été construit, mais qu’il a évolué. Comme je le raconte dans le livre, il a d'abord profité de la protection de Jacques Barrot, qui lui est plutôt un doux dans son fonctionnement. Un doux qui peut cependant être extrêmement ferme, surtout quand il était dans sa baronnie - c’est un « féodal ». Longtemps, Laurent Wauquiez a bénéficié de cette protection. Il n’a alors pas besoin d’être dur, et est donc assez lui-même au départ. C’est un garçon posé, quelqu’un de serviable, de tourné vers les autres. Et ça, c’est parce qu’il a reçu une éducation de bonne famille. Au départ, c’est plutôt un type sympa. 

C’est surtout à partir du moment où il va se retrouver au gouvernement - sa période de députation ne lui a pas apporté grand chose - qu’il rentre en choc frontal avec Bertrand Martinot, qui lui est à l’Elysée et est l’homme de Sarkozy. C’est à ce moment là qu’il découvre vraiment la politique. Il avait découvert la politique de terrain, le rapport aux électeurs avec Barrot, et sur ce point il est imbattable. Imbattable parce qu’il a une sorte de séduction. En entrant au gouvernement, il se confronte au microcosme parisien, microcosme qu’il ne connaissait pour l’instant que pour des raisons scolaires. Mais là, c’est le monde des requins, et il comprend que c’est plus dur qu’il ne l’imaginait. A ce moment là, il va se forcer, il va s’endurcir et faire un effort pour ne plus être le gendre idéal. Au départ, je pense que cela a été clairement contre-nature, mais à partir du moment où il a compris qu’il y avait clairement un enjeu de survie et d’épanouissement pour atteindre son objectif de devenir un jour le président, il s’est dit que ce n’était plus compliqué : soit il était le tueur, soit il était le tué. Et il a décidé d’être le tueur. 

C’est pour cela qu’il fait ce distinguo entre l’homme qu’il est en circonscription, où il reste l’homme assez avenant, que les gens trouvent serviables et le tueur politique parisien. Encore aujourd’hui, en dehors de Paris, il est cet homme au service qui tient les portières. Et ce sont des gars de la CGT qui m’ont raconté cela. C’est dire qu’il a bien réussi à créer un lien avec son électorat. Il devient tout autre une fois à Paris. Il le fait parce que je crois qu’il a réalisé de façon brutale qu’il pouvait mourir très vite. Et c’était hors de question : il n’avait pas fait l’ENA, Normale Sup et compagnie pour mourir par candeur. 

Votre livre revient sur les relations très compliquées que Laurent Wauquiez entretient en politique avec ses collègues. Dans le cas de Nicolas Sarkozy, vous décrivez une relation quasi-filiale mais toujours conflictuelle. La récente affaire des enregistrements de l'EM Lyon ont placé Laurent Wauquiez dans une situation délicate aujourd'hui. Où en sont leurs relations ? Laurent Wauquiez compte-t-il, comme il l'avait fait pour Jacques Barrot, tuer ce nouveau père ?

C’est un grand mystère. Laurent Wauquiez a communiqué très tôt après l’incident. Pour ce qu’on m’a dit, il semblerait que l’affaire ait été liquidée très vite. Si mon livre s’appelle « l’impétueux » comme s’appelait le livre de Catherine Nay sur Nicolas Sarkozy, c’est qu’à mon avis les deux hommes ont tendance à fonctionner un peu pareil. Wauquiez, frappe vite, et parfois trop vite, et après il voit ce qu’il peut faire. 

Le rapport, je le retrace dans le livre. Le séjour de Wauquiez au Cap Nègre, leurs rencontres après l’affaire de l’EM Lyon. La deuxième se traduit par un petit-déjeuner en présence de Mme Wauquiez chez François Gagnaire, rue du Cherche-Midi. J’en ai parlé avec Michael Darmon, pour qui Sarkozy veut désormais la mort de Laurent Wauquiez. Je ne crois pas à cette théorie. Je crois que Sarkozy qu’il a besoin d’avoir tout le monde, comme il a eu besoin de se rabibocher avec Valérie Pécresse. Il a un rôle de patriarche désormais. 

Et je crois que Sarkozy a trouvé chez Laurent Wauquiez ce qu’il n’a trouvé ni chez Chatel, ni chez Baroin. Quand on regarde les trois profils, on se rend compte que les deux derniers ont des profils très proches, là où Wauquiez clairement se distingue et leur est totalement opposé. C’est un boxeur qui aime quand ça castagne. Les autres passent leur temps à arrondir les angles. Je pense que Sarkozy est content d’avoir Wauquiez, car il a réussi à prendre le parti contre les autres, et qu’il ne faut pas oublier qu’il était son candidat. Je sais ce que Sarkozy dit de Wauquiez, et ce n’est pas du propos rapporté dans n’importe quelle gazette. Mais il est difficile de défendre Wauquiez, même pour Sarkozy. Il faut reconnaître qu’il a abordé une posture extrêmement raide. Sarkozy est à un stade de sa vie - comme l’était Barrot d’ailleurs - où il a davantage envie de consensus, de rassembler. Wauquiez est lui dans la stratégie du clivage. Ce qui fait qu’aujourd’hui, je pense qu’ils sont extrêmement complémentaires, et qu’ils s’utilisent copieusement l’un et l’autre. 

Vous revenez aussi, dans votre livre, sur la relation si commentée entre Laurent Wauquiez et Patrick Buisson. A vous lire, on dirait que voudrait bien des idées de Patrick Buisson, mais pas de Patrick Buisson. Dans quelle mesure diriez-vous que Laurent Wauquiez a été "buissonnisé" ?

Une chose est sûre, c’est que Laurent Wauquiez a connu une bascule avec sa sortie du gouvernement puis avec la mort de sa grand-mère (une étape importante dans sa vie). Il est à une étape de sa vie où il ne veut plus entendre parler de gourous. Revenons en arrière. Au moment de l’affaire Buisson, alors qu’il se fait traquer dans sa maison de l’île de Ré à cause de l’affaire des enregistrements, Laurent Wauquiez a été un des rares hommes politiques à ne pas dénigrer Buisson. Je pense qu’il l’a fait pour deux raisons. D’abord parce qu’à l’époque, Buisson était le saint Graal quand il s’agissait de Front National pour comprendre ce qui se passait. Wauquiez, comme tant d’autres, faisait la queue devant sa porte. Et il y a donc eu, très certainement, une forme de reconnaissance du ventre de sa part. La deuxième raison était qu’il a voulu montrer à la terre entière qu’il n’était pas un traitre constant comme on voulait le décrire. 

Cela dit, je pense que Buisson ne l’intéresse plus. Il est aux commandes des Républicains. Il voulait le poste, il l’a eu. 

Certes, mais n’y a-t-il  pas une compatibilité sur le plan intellectuel entre les deux hommes qui transparaitrait clairement dans l’action politique de Laurent Wauquiez aujourd’hui ?

Vous avez d’autant plus raison que les deux hommes sont en communion sur un point, celui de l’Histoire. Ce sont deux historiens - il ne faut pas oublier que Wauquiez est agrégé d’Histoire. Les historiens entre eux ont une communauté de pensée, ils parlent le même langage, et cela va au-delà des divergences. Sur ce point, oui, Buisson a intéressé Wauquiez. Le discours du Conseil National, celui du 14 février déroule toute la trame historique que connait bien Buisson, les Bouvines, Marignan, Verdun… Sur la dimension intellectuelle, oui, ils ont une vraie communion.

Mais sur la programmatique, c’est-à-dire sur la façon dont il faut agir sur le terrain du Front National, Wauquiez n’a pas besoin de Buisson. Il lui suffit de lire le programme du FN, de discuter des questions d’immigration avec ses électeurs.... Il sait ce que les gens lui disent sur le travail, la précarité… 

Il me semble qu’on est tombé dans un amalgame facile en mélangeant le programme de Buisson, celui du FN et celui de Wauquiez. Sur le sujet de l’immigration, il faut savoir que Laurent Wauquiez ne voulait pas y toucher au départ. Mais il a fini par le faire. Il l’explique par le fait que pour lui, ces sujets qu’on considère comme ceux du Front National ne sont pas dans les faits ceux du Front National. Pour lui, ce sont des électeurs que Nicolas Sarkozy a perdu, et il en veut à Nicolas Sarkozy de les avoir laissé filer dans les filets du FN en 2012. Balladur disait il y a quinze jours : « Est-ce que, parce qu’au FN ils chantent la Marseillaise, nous sommes obligés dès lors de ne plus la chanter ? » Le tract de Laurent Wauquiez dit cela : le FN nous a privé de thématiques, récupérons-les. Et il dit : moi j’ai tous les droits. Il est capable de reprendre ces thèmes avec le verbe de Mélenchon, et est donc à la jonction de tous les populismes. 

L'objectif pour Laurent Wauquiez aujourd'hui est de devenir "l'ultime opposant politique à Emmanuel Macron". Son positionnement anti-élite ou anti-Paris se heurte cependant à de nombreuses oppositions, internes cette fois-ci, comme on a pu l'observer lors de la publication du tract LR récemment. Et votre livre montre à quel point il s'est fait nombre d'ennemis. Dans quelle mesure serait-il capable de faire évoluer son positionnement politique pour avoir son parti derrière-lui ? Préfèrera-t-il encore sa stature de cavalier solitaire, même si cela doit encore créer des antagonismes ?

C’est une excellente question. On n’a pas la réponse aujourd’hui. Il est en tout cas bien déterminé à être le chef et le seul chef. Il faut qu’il soit le chef, ou qu’il ne soit rien. C’est pour cela que cette marche a été très longue pour lui. Il ne supporte pas d’être inféodé à qui que ce soit. On oublie de dire cependant qu’il a une très importante capacité de consultation. Il le fait très souvent, par téléphone, par mail. Si ça ne l’intéresse pas, il va le dire tout de suite. Il écoute donc les avis divergents. Mais je pense que tant qu’il n’y aura pas davantage d’ordre dans les différentes chapelles de LR, et ce même sur un espace qui se réduit comme on l’observe aujourd’hui, il restera sur cette ligne-là. Pour l’instant, tout n’est pas réglé. 

Il y a un dicton anglo-saxon qui dit : "A people recruit A people, B people recruit C people", autrement dit les gens brillants n'ont pas peur de s'entourer de gens brillants, les gens qui le sont moins choisissent des collaborateurs médiocres pour ne pas se sentir menacés; Laurent Wauquiez a fait le vide autour de lui dans la direction des LR, il est bardé de diplômes donc difficile de penser qu'il ne serait que moyen, mais que signifie cette volonté d'être le seul à boxer dans sa catégorie au risque de se priver de soutiens ? 

Ce qui est vraiment intéressant c’est de se poser la question des alliances possibles. Que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du parti, je pense qu’il n’envisage cela avec personne. Il fait sienne la devise «qui m’aime me suive» dans le sens «qui a besoin de moi me suive». Que cela soit dans sa circonscription ou à la région, cela a toujours été le cas. Même les centristes sont derrière lui car il est devenu incontournable. Son objectif n’est pas seulement de contrer Macron mais aussi d’acquérir les voix qui aujourd’hui vont à Marine Le Pen et à Nicolas Dupont Aignan. Il n’a pas pour objectif de brasser large comme a pu le faire Emmanuel Macron qui voulait faire l’unanimité. Lui, fait le calcul qui lui permettra d’acquérir 50% des voix.

Il y a une forme d’égocentrisme là dedans mais aussi de courage politique car avec cette démarche solitaire, il accepte de prendre toute la responsabilité des résultats que cette stratégie donnera. 

Quel est pour vous le profil psychologique de Laurent Wauquiez ?  Emmanuel Macron s'est affirmé comme un président autoritaire n'hésitant pas à imposer son narcissisme. Y-a-t-il un effet de génération ? Moins de chefs de meutes chez les politiques et plus de "stars" jouant le rapport direct aux électeurs ? 

Laurent Wauquiez est un homme politique autoritaire dans tous les sens du terme. Ce n’est pas le premier à avoir ce profil et Emmanuel Macron est également dans cette configuration mais c’est un autoritarisme auquel les gens finissent par souscrire.

Quand vous comparez Macron, Wauquiez, Melenchon, le constat est marquant et révèle que nous sommes de nouveau dans un système politique qui assume complètement le retour des autocrates.

Ces hommes politiques sont convaincus que les Français ont besoin d’être sûrs que le patron «tient la boutique» de façon ferme et qu’il sait où il veut aller. C’est bien pour cela que l’on assistera à des surenchères entre ces hommes dans les quatre ans qui viennent.

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