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Journée mondiale des Océans : le casse-tête de la quête pour une "pêche durable"
©Tony KARUMBA / AFP

Le grand bleu

Le site de l'ONU a publié un constat alarmant sur son site : "Les subventions accordées aux secteurs de la pêche contribuent à la diminution rapide des stocks de nombreux poissons et entravent les efforts déployés pour sauvegarder et restaurer les pêcheries à travers le monde et les emplois qui leur sont liés, et il en résulte pour les pêcheries maritimes un manque à gagner de 50 milliards de dollars par an"

Alain Le Sann

Alain Le Sann

Né en 1948 dans le Finistère à Landivisiau, Alain le Sann est agrégé d’histoire et a enseigné à Lorient. Il s’est également beaucoup investi dans la solidarité internationale, la lutte contre la pauvreté et le développement durable. Il est président du collectif « Pêche et développement » et membre des « Géographes de Bretagne ». Il préside également le Festival Pêcheurs du monde, festival du film de pêche de Lorient. Il a initié, avec le poète Alain Jégou, le partenariat qui, depuis 2010, lie Pêcheurs du Monde et Livre & Mer.

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Atlantico : Il existe ainsi de nombreux problèmes à résoudre: la surpêche, la pollution et le transport maritime, pour n'en citer que quelques-uns. Pouvez-vous nous éclairer sur les priorités ou les solutions pour traiter les plus urgentes ?
Alain Le Sann : La surpêche existe mais n'est pas généralisée. Elle a existé, bien sûre, mais aujourd’hui en Europe, les stocks sont en phase de reconstruction. Le problème justement est qu'on ne sait s'il y a aura toujours des marins. La question qui doit se poser est moins celle de la surpêche que de la main d’oeuvre en constante décroissance. C’est un travail extrêmement difficile. Dans certaines écoles maritimes il n’y a aujourd’hui malheureusement personne. 
Pour ce qui est de la pollution, c’est effectivement un gigantesque aspect combiné au réchauffement climatique. Le véritable problème est aussi celui du plancton. Si je devais prioriser, je dirai qu’il le protéger de l’explosion des algues toxiques en autres… Le problème est bien réel et sous estimé. La priorité est donc de réduire et éliminer les éléments polluants venant de la Terre puisque 90% d’entre eux proviennent de la Terre, de pollution chimique ou bactériologique. Le tourisme massive également en génère énormément. La pression humaine et les activités sur le littoral provoquent des nuisances.
Dans l'idéal, nous devons tirer profit des richesses naturelles qu’offrent ces fonds marins. Mais comment concilier les intérêts d'un si grand nombre de parties prenantes: communautés locales, touristes, grandes entreprises utilisant les océans pour l'expédition ou la production d'énergie et investisseurs?
Un des principes est de reconnaître que les pêcheurs travaillent et que leur travail existe depuis des décennies voire des siècles sur les océans. Ils ont des droits. Lorsqu'on doit créer des activités je parle des gens liés à des communautés ayant des territoires de pêche bien précis, on doit tenir compte de ces droits là et négocier avec eux pour savoir si on va développer telle activité
Il faut d'abord reconnaître ça sinon ce seront effectivement les forces dominantes qui sont les grandes activités industrielles et autres qui imposeront leurs règles. D'ailleurs un certain nombre d'associations environnementales ne tiennent pas rigueur de ces droits. Ce devrait pourtant être le principe de base.
Les solutions politiques délivrées par l’association à but non lucratif BLOOM qui tend à protéger l’océan et les espèces marines tout en maximisant les emplois durables serait d’établir un fond moratoire sur la pêche industrielle et créer un fond d’indemnisation pour les pêcheurs pour combler ce manque à gagner de 50 milliards de dollars. Est-ce concrètement faisable selon vous ? Quels conseils donneriez vous aux consommateurs ? 
En théorie c'est bien, la vision est simpliste. On utilise les drags depuis des siècles et supprimer tout engin serait inconcevable. La demande des consommateurs est là et il faut au minimum y répondre. D’une manière générale, la pêche, comme activité de cueillette, est l’une des activités productrices de nourriture et de protéines dont l’impact environnemental est le plus faible, s’il s’agit de produits frais, bien plus que l’élevage ou la culture qui transforment profondément les milieux naturels. On ne peut bannir tout bateau de pêche de plus de 12 mètres. Cela veut dire en clair qu’il y aurait une pression accrue sur la bande littorale, la zone la plus exploitée et menacée par la surpêche y compris parfois par une pêche artisanale, la plus polluée aussi. Il faut au contraire, pour défendre la pêche côtière, soulager la pression sur les eaux territoriales en permettant à des pêcheurs de redéployer leur effort plus au large. Pour cela, il leur faut des bateaux plus sûrs permettant des marées plus longues et l’accès à des zones inaccessibles aux petits bateaux.
La question est de savoir ce qu'est un pêcheur industriel. Selon la définition européenne extrêmement restrictive imposée par les ONG, c'est un bateau de plus de 12 mètres. 
Je ne sais ce qu'il faut supprimer, dans 10 ans il y aura plus que 2000 à 2500 pêcheurs en bretagne alors que 5000 actuellement. Le problème d’indemnisation de se posera plus. Il faut changer des pratiques mais pas supprimer ces activités de pêcheries.
Je dirai aux consommateurs de ne pas consommer de poisson d'élevage industriel, en tentant de sélectionner leurs produits en fonction de la méthode et de la survie des espèces. Il faut privilégier les produits locaux et le poisson frais qui a un moindre impact écologique. Mais il est primordial que le grand public comprenne comment se passe la pêche. Il devrait discuter avec un pêcheur pour savoir que ces réalités là, lui il les vit. Il les sent, ce n’est pas un métier facile et il l’endure tous les jours. Lorsqu’un pêcheur part, il ne sait pas avec quoi il reviendra le soir. 

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