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La météo sauve les comptes de la Sécurité sociale et fait fantasmer les responsables politiques de tous bords. Pour une véritable réforme, on verra plus tard…
©FRED TANNEAU / AFP

Atlantico Business

La conjoncture a bouché le trou de la sécu, alors à quoi bon réformer le système ?

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La Commission des comptes de la Sécurité sociale (CCS) n’a jamais donné une aussi bonne nouvelle. Le déficit de 2018 tombera sans doute aux environs de 300 millionsd’euros alors que le gouvernement craignait devoir enregistrer 2,2 milliards d’euros. D’où la perspective de voir le fameux trou de la Sécurité sociale, dans lequel sont tombés tant de ministres de la Santé et des affaires sociales,rebouché.Ça fait 17 ans, depuis 2001,année du dernier excédent, que les gouvernements essayaient de convaincre les français qu’il fallait faire quelques efforts pour arrêter cette hémorragie d’argent public. Dix sept ans qu’on bricolait des réformes en rabotant certaines prestations ou en augmentant les cotisations, au risque de tuer la compétitivité (ce qu’on a fait) sans guère de résultat.

L’année 2018 va donc voir cet immense paquebot du modèle social français revenir à l’équilibre.
L’addition des déficits cumulés du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (qui finance le minimum vieillesse) sera ramenée à 300 millions d’euros. Sans reprendre le détail, le régimegénéral, l’assurance maladie, serait en excédent de 2,5 milliards alors que le minimum vieillesse verrait son déficit structurel à 2,8 milliards d’Euros. Théoriquement, la Sécurité sociale pourrait tenir son engagement chaque année, celle d’un retour à l'équilibre dès la fin de l’année.

Alors a priori, pour le gouvernement, c’est évidemmentbingo. Les fans les plus convaincus du président de la République n’ont pas encore mis cet exploit au créditd’EmmanuelMacron, mais ça ne va pas tarder. Jupiter peut faire des miracles.Sansdoute.

Sauf que cette histoire n‘est pas forcément une bonne nouvelle.

D’abord, premier point, les bons résultats s’expliquent moins par des réformes structurelles que par les recettes de l’activité.Depuis un an, la conjoncture s’est nettement réchauffée, plus de chiffres d’affaires, plus d’emplois, plus de salaires versés.... Doncmécaniquement, plus de cotisations qui viennent nourrir la Sécu.

Croissance économique et créations d’emplois produisent du grain à moudre et àredistribuer.Alors, cetteamélioration est évidemment imputable au changement de climat politique, mais aussi aux vents très porteurs de la conjoncturemondiale. Les recettes de la Sécu qui se composent de TVA, de CSG et de cotisations qui doivent progresser de 3,4% cette année permettent d’améliorer le solde...

Parce que cotédépenses, il n’y a eu aucune baisse.Aucontraire, les dépenses maladies ont continué de progresser (+ 2,2%) et les dépenses vieillesses de 2,9%.

Ensuite, cette amélioration n’apporte aucune garantie de pérennité. Tout dépend des recettes et l’évolution de ces recettes est chargée d’incertitude. D’un côté, on ne sait pas si le gouvernement pourra compenser le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, soit 900 millions en 2018.

D’un autre côté, personne n’a d’assurance sur la conjoncture. Au contraire, les indications venant de l’Insee et des organismes de prévisions nous annoncent un ralentissement depuis le débutde l’année.Laprévision de croissance a été rabotée à 1,9%.Pour beaucoup, c’est prémonitoire d’un ralentissement probable en 2018-19.

La météo conjoncturelle a comblé le trou de la Sécu. Mais si les vents de cette météo se retournent, les recettes de Sécu vont retomber et re-bonjour le déficit.

Si les recettes sont calées plus ou moins bien sur l‘activitééconomiques, les dépenses, elles, continuent de progresser pour des raisons que tout le monde connaît, et qui sont incontournables : évolutiondémographique, vieillissement de la population,progrès de la médecine, exigence de soins toujours plus qualifiés, corrections des inégalités…

C’est pour répondre à ce contexte-là que les gouvernements ont projeté des réformes, notamment de l’assurance maladie, pour améliorer son rendement, son efficacité, baisser son cout sans sacrifier la qualité des soins, et surtout changer son financement pour décorréler les recettes à l’activité. En gros, faire glisser une partie des recettes de la sphère de la solidarité (l’impôt) pour l’inscrire dans la logique assurantielle avec une plus grande responsabilité des personnessur leur comportement préventif.

Mais tous les gouvernements ont échoué face au corporatisme des uns, à l’idéologie égalitaire de beaucoup d’autres.

Ce gouvernement est confronté aux mêmes problèmes, il lui faut réformer le système de santé, mais il est confronté aussi aux mêmes résistances.

L’amélioration des comptes de la Sécurité sociale est évidemment une bonne nouvelle, mais cette situation rend la mise en place de réformes encore plus difficile, parce qu’il n’y a plus d’urgence. Du coup, l’échiquier politique va s’interroger : à quoi bon faire ces réformes qui dérangent tout le monde si le trou est bouché ? A quoi bon dérembourser certains médicaments, mettre au pas les laboratoires pharmaceutiques et changer l’hôpital, à quoi bon ouvrir la porte du système aux assureurs privés, aux mutuelles. A quoi bon tout bouleverser ?C'était mieux avant ! Il suffit d’augmenter les moyens sans s’interroger des heures sur la façon dont fonctionne le moteur.

La crise a parfois une fonction pédagogique. Maintenant que le trou est bouché, les hommes politiques vont pouvoir fantasmer, rêver et promettre. Pour la réforme, on verra plus tard.

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