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Les dessous de l'attentat de la gare Saint-Charles de Marseille
©BERTRAND LANGLOIS / AFP

Bonnes feuilles

En 2015, la France découvre qu elle peut être la cible en plein cœur de Paris d'attentats coordonnés et simultanés. Depuis les attentats inspirés ou organisés, réussis, ou déjoués, se sont multipliés sur le territoire national, en Europe ou à l'étranger contre les intérêts français. Bilan de ce qui a changé dans le domaine du renseignement intérieur et extérieur, de la lutte au quotidien contre le terrorisme par le plan Sentinelle et les lois antiterroristes et des procédures judiciaires. Extrait de "La stratégie française de lutte contre le terrorisme" de Gregor Mathias, publié chez Balland. 2/2

Gregor Mathias

Gregor Mathias

Docteur en histoire, chercheur en géopolitique, spécialiste des conflits en Afrique et professeur associé à Saint-Cyr Coëtquidan, Gregor Mathias s'est intéressé, dès 2014, au phénomène du djihadisme. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur le terrorisme.

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Quelques mois plus tard, une autre affaire de terrorisme montre les dysfonctionnements de la préfecture du Rhône. Le dimanche 1er octobre 2017, un Tunisien en situation irrégulière Ahmed Hanachi assassine au couteau deux étudiantes devant la gare Saint-Charles de Marseille en criant « Allah est grand ». Il est immédiatement abattu par une patrouille de l’opération Sentinelle qui se trouvait à proximité. Vivant en Italie de 2008 à 2015, il divorce et est arrêté par deux fois pour une affaire de drogue et de vol en Italie. Il est connu sous sept identités différentes et est arrêté pour une dizaine d’affaires de droit commun à Marseille, à Toulon et à Lyon. Son frère Anour Hanachi, connu des services antiterroristes tunisiens, arrêté à la frontière suisse, est expulsé en Tunisie. Son autre frère Anis Hanachi, un autre frère expulsé d’Italie en 2014 comme tous les Tunisiens entrant clandestinement sur son territoire, est parti combattre comme djihadiste en Syrie de 2014 à 2016. Il a lui été arrêté en Italie, le 8 octobre. Anis Hanachi a été mis en examen, il est soupçonné d’avoir radicalisé son frère durant l’été 2017.

Une enquête administrative est ouverte par le ministère de l’Intérieur sur le double meurtre à la gare Saint-Charles de Marseille. En effet alors qu’il a été arrêté, le vendredi 29 septembre 2017, à Lyon pour le vol d’une veste, Ahmed Hanachi, qui se dit SDF et consommateur de drogue, est relâché le samedi après une garde à vue et égorge le dimanche les deux étudiantes à Marseille. Le ministre de l’Intérieur cherche à connaître les raisons de sa libération par la préfecture du Rhône alors qu’il aurait dû être mis en centre de rétention et expulsé. L’enquête révèle qu’il a été interpellé en France cinq fois pour séjour illégal entre août 2005 et septembre 2006. Le premier contrôle se fait à l’issue d’une infraction sur la législation sur les stupéfiants à Fréjus en août 2005 et d’un vol à l’étalage à Toulon en décembre 2005. Dans ce dernier cas, il n’a pas pu être expulsé en raison du manque de place en centre de rétention. Pour ses infractions, il n’a pas été présenté à un magistrat, ni condamné. Il n’est pas inscrit dans le fichier FPR (personnes recherchées), ni de la FSPRT (personnes radicalisées). 12 ans plus tard, Ahmed Hanachi est arrêté, le vendredi 29 septembre 2017, en possession d’un passeport tunisien avec un visa d’avril 2017 valable trois mois. N’ayant pas de titre de séjour ou fait de démarche à la préfecture pour obtenir une carte de séjour, Ahmed Hanachi peut être expulsé. De plus, il y a une situation aggravante : il ne dispose d’aucun domicile et d’aucune situation stable, il a fait plusieurs séjours irréguliers et dispose de plusieurs fausses identités. Si la personne est en séjour irrégulier, elle est normalement placée en garde à vue pour permettre son expulsion le plus rapidement possible. Le samedi 30 septembre à 14 H, Ahmed Hanachi pouvait faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français signé par le sous-préfet et d’un placement dans un centre de rétention, cinq heures avant la fin de sa garde à vue. Mais l’agent de la préfecture pense que le centre de rétention de Saint-Exupéry de Lyon, géré par la Police de l’air et des frontières, est saturé ; il l’était de 11 H et 13 H, mais dans l’après-midi, des places se libèrent sans que l’agent de la préfecture ne soit au courant ou ne s’informe à nouveau des places disponibles. Le sous-préfet étant parti en représentation pour une cérémonie de 14 H 30 à 18 H, l’obligation de quitter le territoire français ne pouvait pas être signé. L’agent n’a pas osé déranger le sous-préfet qui était pourtant de permanence. Un sous-préfet de renfort avait été mis en place depuis février 2017, mais l’agent en question n’en avait pas été averti… À 14 H 30, l’agent de la préfecture explique à la police qu’il ne procéder à la rétention en raison de l’absence de signature du sous-préfet. L’infraction n’étant pas caractérisée (la vidéosurveillance n’est pas concluante), la garde à vue d’Ahmed Hanachi est levée à 15 H 40 sans aucune mesure administrative ou judiciaire. En effet, pour un vol à l’étalage sans récidive – malgré les interpellations en 2005-2006, le casier d’Ahmed Hanachi était vierge – et pour un faible montant, on ne poursuit pas l’intéressé. La mauvaise organisation de la préfecture du Rhône le week-end et le manque de coordination avec les autres centres de rétention expliquent la libération d’Ahmed Hanachi le samedi, le lendemain il tue deux jeunes filles à Marseille. Le préfet du Rhône a été limogé par le ministre de l’Intérieur. Le ministre de l’Intérieur a décidé d’accroître les effectifs du service des étrangers des préfectures pour pouvoir répondre aux besoins et les centres de rétention verront leur capacité d’accueil augmenter en ajoutant 200 places supplémentaires.

Extrait de "La stratégie française de lutte contre le terrorisme" de Gregor Mathias, publié chez Balland

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