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Dépendance : Agnès Buzyn est-elle sérieusement en train d’envisager de dérembourser les médicaments des seniors pour payer le personnel qui les soigne ?
©PASCAL LACHENAUD / AFP

Prendre à Pierre...

Faut-il dérembourser les médicaments des personnes âgées dépendantes pour financer la main-d’oeuvre des EHPAD qui les accueillent ou sont susceptibles de les accueillir? C’est ce que semble proposer implicitement la ministre Buzyn avec ses annonces récentes… Une stratégie de pilotage à vue qui en dit long sur le désarroi financier de l’assurance maladie.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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La ministre Buzyn se colle aux dures lois de la politique spectacle telle qu’elle est pratiquée dans nos démocraties: il faut annoncer des mesures choc pour résoudre un problème sans avoir le moindre fifrelin pour les financer, et sans avoir forcément les idées claires sur ce qu’il faut faire. Le plan EHPAD n’a pas échappé à cet exercice d’équilibriste

Le plan EHPAD encore nébuleux

La ministre a donc présenté à la presse ce mercredi 30 mai les mesures destinées à sauver les EHPAD du naufrage qui s’annonce. Pour être honnête, on sait que la situation est compliquée, puisque le coût réel d’une journée en EHPAD est difficile à financer pour la majorité des personnes âgées dépendantes en France. La bonne vieille maison de retraite de notre enfance demande en effet du matériel de plus en plus évolué et coûteux. Parallèlement, le coût du travail plombe fortement le prix de journée, du fait des cotisations sociales servant notamment… à financer la dépendance! 

D’où des marges de manoeuvre limitées pour faire face à une situation de crise. On ne sera donc pas surpris que la ministre ait présenté à la presse un plan en réalité constitué de bouts de ficelles et de mesures encore opaques. On y lira par exemple, pour étayer le « déblocage » de 360 millions € pour recruter de nouveaux salariés, cette phrase emblématique de la novlangue utilisée pour masquer l’absence réelle de mesure efficace: 

« Le ministère des Solidarités et de la santé s’engage en outre à ce que la réforme de la tarification des EHPAD ne conduise à aucune baisse des dotations, ni en soins ni en moyens relatifs à la dépendance pour 2018 et 2019. » 

Traduction: vous avez de nouveaux besoins… pour y répondre, on s’engage à ne pas baisser les moyens déjà trop faibles que vous avez. 

Pour le reste, la ministre a trouvé 36 millions € pour recruter des infirmiers de nuit, 40 millions pour généraliser la télémédecine, 15 millions pour créer 1.000 places d’EHPAD temporaires. Cet ensemble hétéroclite souligne bien la difficulté à trouver des moyens nouveaux dans un contexte de pénurie.  

Pénurie de main-d’oeuvre malgré le chômage de masse

Les annonces de créations de poste et de recrutements ne mangent évidemment pas de pain. Il est de bon ton, en France, lorsqu’un problème se pose dans le service public, d’annoncer que des moyens nouveaux seront débloqués (grâce à une augmentation de la pression fiscale), et que l’augmentation des moyens suffira à régler les problèmes. Les annonces sur les EPHAD n’échappent pas à cette règle. 

Petite difficulté cependant, qui rendent les promesses de la ministre bien vaines: les EHPAD n’arrivent pas à pourvoir tous les postes déjà créés. Selon LCI, 58.000 offres d’emploi d’aide-soignante en EHPAD ne sont pas pourvues. Cette situation frappe durement certaines régions, comme s’en émouvait il y a quelques semaines la mutualité corse.  

On n’est donc pas prêt d’améliorer la situation, même avec la meilleure volonté du monde, à moins d’ouvrir les frontières et d’aller aux Philippines ou en Afrique pour recruter du personnel… 

Dérembourser pour financer?

Au vu des annonces récentes de la ministre sur le remboursement des médicaments, on mesure quel tour de passe-passe se prépare pour récupérer coûte-que-coûte les 500 millions de mesures nouvelles promises aux EHPAD. La semaine qui s’est écoulée a permis un véritable festival d’annonces mi-figue mi-raisin qui laissent présager ce qui va se passer. 

La ministre a ouvert le bal il y a huit jours en laissant entendre que l’homéopathie serait prochainement déremboursée. Cette annonce faisait suite à une tribune au vitriol rédigée par des allopathes furieux contre ces « placebos ». Petit problème: 40% des Français utiliseraient l’homéopathie… 

Agnès Buzyn en a remis une couche avec les médicaments destinés à soigner la maladie d’Alzheimer. Quatre médicaments qui soigneraient les symptomes de la maladie ne seront plus remboursés l’an prochain: l’Aricept, l’Ebixa, l’Exelon, et le Reminyl et leurs génériques. Ils ont coûté quelque 90 millions d’euros en 2015. C’est toujours ça de pris! 

Le paradoxe tient évidemment au sens financier global de la mesure qui se prépare. D’une part, la ministre devrait augmenter les moyens en personnel dans les EHPAD. D’autre part, la prise en charge thérapeutique des personnes dépendantes entre dans la spirale des coupes sombres. On dérembourse les médicaments pour payer le personnel. Cette mécanique est bien connue des pouvoirs publics depuis plus de vingt ans. Pour protéger la paix sociale avec les fonctionnaires et les personnels en colère, on sacrifie l’intérêt général.

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