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Non, les marchés n'ont pas 
l’austérité comme seul horizon !
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Equilibre

La crise européenne a longtemps été dominée par la voix de l'Allemagne, prônant l'orthodoxie budgétaire. Mais attention à l'excès d'austérité.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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800… millions d’euros : c’est ce que la France doit trouver chaque jour (ouvré) pour financer sa dette publique. 200… millions d’euros : c’est le déficit extérieur quotidien de la France. C’est de la dette, là encore, mais aussi et surtout moins de croissance et d’emploi, donc plus de dette encore, publique et privée.

Jusqu’à quand ? 143… points de base, c’est l’écart qui existe aujourd’hui entre le coût du financement de la France à 10 ans et celui de l’Allemagne : 3,04 % contre 1,67 % (24 avril). Le temps n’est donc plus où la France s’endettait aux mêmes conditions de l’Allemagne… c’était en 2006, puis à 20 points de base au-dessus, c’était jusqu’en octobre 2010, puis à 40, c’était en octobre 2011. Il y a six mois… Depuis le ralentissement a partout frappé, avec des tensions violentes en Grèce bien sûr, mais aussi en Italie et maintenant en Espagne. Et 12… jours, c’est le temps qui nous sépare du second tour des élections présidentielles. Peut-être que, pendant ce temps, aura-t-on le temps de se redire « 800, 200 et 143 » et de s’interroger sur la signification de ces chiffres. Pour en tirer quelques idées.

Car la tendance peut inquiéter. Nous avons et aurons peu de croissance en Europe nous dit la BCE, et les écarts d’activité se creusent entre Allemagne d’un côté, Italie, Espagne et France de l’autre. Bien sûr la France n’est pas la Grèce, l’Italie ou l’Espagne, mais elle n’est pas non plus l’Allemagne. Surtout, pour aller au-delà de ces vérités premières, il faut se demander comment réfléchissent ces fameux « marchés financiers ». La réponse est : très simplement. Ils se disent que la croissance est la mère des solutions. S’il y a croissance, et qu’elle accélère, la productivité monte, les coûts salariaux unitaires baissent, la compétitivité se renforce, le déficit extérieur se réduit. Donc les entreprises engrangent des profits, stockent, embauchent, investissent… Donc le déficit budgétaire se réduit à son tour. Donc le déficit extérieur creuse moins le déficit budgétaire, qui creuse moins l’écart de rendements entre France et Allemagne. Raisonnement de marchés financiers, ou simple bon sens ? Nous voilà en effet bien loin de nos cris français sur le fameux court-termisme ou sur la dictature des marchés financiers, parce que nous voilà plus près de la vérité.

Attention donc à répondre vite et bien aux questions qu’ils nous posent, car le nombre de jours pour infléchir le discours (et l’analyse) se réduit, si l’on oublie ce qu’ils demandent, et qui nous va : la croissance et l’emploi, autrement dit les entreprises et leur compétitivité. Car les marchés ne sont pas fous. Ils comprennent les discours politiques, mais ils mesurent aussi l’éloignement par rapport à ce qu’ils savent nécessaire pour financer l’ajustement, et donc le risque de rupture. Il a fallu plus d’un an, en 1981, pour passer de la relance à la rigueur. Cette fois, nous n’aurons pas autant.

La politique à mener, en France et ailleurs, est en effet un mélange d’autant plus facile à mettre en œuvre qu’il est bien présenté et accepté. Il est en revanche d’autant plus « dur » s’il est mal préparé et surtout mal présenté et mal accepté. La politique, c’est un mélange entre des économies à faire dans le domaine public et le soutien à renforcer dans l’activité privée. D’un côté il s’agit de moderniser les structures administratives et d’économiser l’argent public, de l’autre il s’agit de flexibiliser les rapports au sein de l’entreprise et d’adapter le dialogue social au terrain. Les effets sont a priori négatifs en termes de dépense à court terme, sauf si la trajectoire est claire en termes de croissance à moyen terme, ce qui stabilise les comportements de consommation et d’épargne.

Il ne s’agit évidemment pas de « relancer », compte tenu du déficit externe, ou de « faire payer les riches », compte tenu du déficit budgétaire, mais moins encore d’une « politique d’austérité », compte tenu du risque terrible d’engrenage entre croissance plus faible et déficit plus important. Il s’agit donc de calmer les inquiétudes en donnant une perspective pour payer la dette par la croissance dans la durée, et ceci sans rien brusquer. Il s’agit ainsi d’allonger le temps les décisions d’investissement et de placement, pour les investisseurs français et non français, qui peuvent s’inquiéter rapidement. Il faut calmer le jeu en l’expliquant, en montrant qu’il est globalement gagnant. Les multiplicateurs keynésiens que nous aimons tant en période électorale sont plus instables et contradictoires que jamais. Ils soutiennent plus la croissance des autres en faisant monter encore notre dette, ce qui affaiblit ensuite notre propre croissance, et de plus en plus vite. Et notre crise de la dette vient d’une croissance trop faible, trop faible parce que notre épargne est trop courte et pas assez au service des entreprises, car trop inquiète.

Il reste quelques jours pour se le dire : c’est le bon mélange qui sauve, ce sont les excès et les simplifications qui affaiblissent, car l’explication et le consensus s’éloignent.

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