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Marseille : plus belle la vie (criminelle)
©Pixabay

Petites vérités bien senties

Voici le tableau clinique de l'aveuglement marseillais...

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Depuis Philippe Muray au moins, tout le monde sait ça : les films de Hollywood et aujourd'hui les feuilletons ("séries") ont comme but unique de faire accepter, aux moutons hypnotisés de la société-de-l'information, leur vie comme distinguée et désirable. 
Ainsi le feuilleton marseillais "Plus belle la vie" est bien sûr et à dessein, une vision éloignée de la vie réelle des vrais Marseillais : les bandits sont Provençaux et leurs victimes sont issues des communautés éthniques ou homosexuelles, très en vogue actuellement.
Ajoutons à cela un maire fatigué, émergeant parfois d'un rêve intérieur pour gémir "Marseille n'est pas Chicago" : voici le tableau clinique de l'aveuglement marseillais.
Or si tous ces santons de la crèche marseillaise avaient consulté un seul criminologue, ils auraient la clé de l'affaire - si simple et limpide qu'un enfant de quatre ans (mais ni les scénaristes de "Plus belle la vie", ni la mairie de Marseille) le comprend : partout et toujours, les malfaiteurs ne s'arrêtent que quand on les arrête.
Mais à Marseille on ne les arrête pas et même, on nie leur existence. Résultat : une tuerie sans fin - un carton par semaine, les ninja des narco-milices tirant paisiblement sur tout ce qui bouge dans ce que les médias-des-milliardaires et leur agent d'influence M. Borloo, appellent sans rire "quartiers populaires".
Question :  pourquoi n'arrête-ton pas les bandits marseillais, les vrais - sauf parfois quelque comparse ou porte-flingue ? Parce qu'on ne les connaît pas, qu'on ne sait ni ce qu'ils font à l'instant ni ce qu'ils préparent. 
Quand l'un d'eux est flingué, on voit un pauvre procureur, sueur au front, patauger dans les catégories inventées par la police locale ou par lui-même ("narco-banditisme") - ce sur quoi, ce rappel : catégoriser les bandits, chers MM. le préfet, juges et commissaires, est le boulot des criminologues, pas celui de la chaîne pénale. 
Le boulot du préfet, des juges et commissaires est de prévenir l'action des malfaiteurs s'ils le peuvent, de les interpeller s'ils ont raté la première marche et de les juger et condamner enfin. Cette ultime étape, en évitant qu'ils ne s'entretuent en prison, ou s'évadent - ou enfin, cas fréquent, que ces bandits ne dirigent leurs trafics depuis des cellules transformées en état-major de leur gang.
Or rien de cela n'est vraiment fait à Marseille, faute de renseignement criminel. Si les flics locaux disposaient du moindre indicateur, à défaut d'arrêter les ninjas des narco-milices sur le fait, cagoulés et kalach' en main, ils les cueilleraient au moins le lendemain. 
Or là, rien : police et magistrats abreuvent les médias d'explications vaseuses type "la nature a horreur du vide... ce serait une piste localo-locale...  Pour le moment un jeune dealer du quartier est soupçonné... ce ne serait pas un règlement de compte... Plutôt de l'intimidation". Le pompon ! Un policier susurre "A priori, il semblerait que les événements soient liés au trafic de stupéfiants" - cher commissaire, même le résident le plus absent de l'Ephad du coin a réalisé que le récent flingage de La Busserine n'est pas le fait d'un mari jaloux...  Ici, l'enseignant parle : répondez à un oral d'examen par ce genre de platitudes floues, vous récoltez 3/20.
Renseignement criminel donc. Simple ! On applique aux bandes les méthodes dont on use, mieux désormais, pour les djihadistes et terroristes. Que ne le fait-on ? Eh bien, parce que c'est Marseille, où l'influence criminelle, locale ou allogène, touche au sommet de la vie politique du cru. 
Que trouverait-on si l'on enquêtait vraiment ? Quelles turpitudes et histoires sordides ? La nuit tombée, dans les arrière-salles de bistrots des quartiers hors-contrôle du Panier ou de la Belle-de-Mai, l'auteur témoigne qu'il s'en raconte de gratinées - détails à l'appui.
Et puis, à Marseille, s'agiter est périlleux. Edmond "Monmon" Goubert, tenez, gros transitaire du port autonome de Marseille... Certes, des liens troubles avec la Camorra par le passé, mais "figure respectée" locale, malgré des rivalités... Le 11 janvier 2002, "Monmon" Goubert disparaît corps et bien, jamais retrouvé, nulle trace - rien depuis. Enquête, pistes suivies... figures du grand banditisme... cabinet du maire... Bien vite, tout s'enlise, coule à pic, silence (de mort) sur l'affaire. 
Tel est le trou noir marseillais - car imaginerait-on telle histoire à Strasbourg ou Rennes ? 
Il faudra un Hercule pour nettoyer l'écurie d'Augias phocéenne. Sans lui, les flingages continueront.

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