Ces visites des candidats dans les entreprises, préparées et organisées avec les syndicats<!-- --> | Atlantico.fr
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"Vus de haut, petits casques colorés sur la tête, chasubles fluorescentes passées sur leurs costumes, ou revêtus de blouses blanches intégrales, ils ressemblent à des Playmobils."
"Vus de haut, petits casques colorés sur la tête, chasubles fluorescentes passées sur leurs costumes, ou revêtus de blouses blanches intégrales, ils ressemblent à des Playmobils."
©Reuters

Salariés floués ?

Anne‐Sophie David et Benoît Broignard ont mené une enquête pour révéler les forces et les faiblesses du syndicalisme à la française. "Syndicats Filous" délivre un constat qui brise l’omerta et dresse le tableau d'un véritable "business du syndicalisme" (Extrait 2/2).

Anne-Sophie   David,Benoît Broignard

Anne-Sophie David,Benoît Broignard

Anne-Sophie David est journaliste au Nouvel Economiste et responsable du pôle des grands dossiers.
Benoît Broignard est journaliste indépendant.
Ils sont tous deux spécialisés en stratégie et intelligence économique.

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Vus de haut, petits casques colorés sur la tête, chasubles fluorescentes passées sur leurs costumes, ou revêtus de blouses blanches intégrales, ils ressemblent à des Playmobils. Mais la scène est archi-connue, et est retransmise chaque fois à la télévision : en fait de jouets, il s'agit d’un candidat à l'élection présidentielle qui visite une entreprise, quelque part en France. A chaque fois, l’homme (ou la femme) politique change. L’usine aussi. Mais l’étape est devenue obligatoire pour chacun d'entre eux, les lieux de production industrielle conservant un pouvoir symbolique fort, encensant les valeurs du travail et de l'effort, et représentant plus largement, dans l’imaginaire collectif, un pays producteur de richesses. Ces visites ne doivent rien au hasard : elles sont préparées et organisées en coproduction avec les syndicats.

En ce 28 novembre 2011, François Hollande arpente l'usine Saint-Gobain de Vaujours (Seine-Saint-Denis). Un déplacement rondement préparé par Jacky Bontemps, qui supervise au sein de l'état major du candidat socialiste une grande partie des sujets "sociaux". Des thématiques qu'il connait parfaitement, puisque l’intéressé a été le numéro 2 de la CFDT jusqu'en 2010. Les liens historiques entre ce syndicat et le parti socialiste existent donc encore, bien que la CFDT s'en défende.Recruter l'ancien bras droit de François Chérèque, patron du syndicat, pour soigner son image sociale et développer ses réseaux parmi les syndicats porte ses fruits. François Hollande a visité plus d'une dizaine d'usines en quelques jours : outre Saint-Gobain, on l’a vu dans l'entreprise Fralib à Gémenos, l’usine d’Alstom au Creusot, le site industriel d'Eolane à Montceau-les-Mines, puis il a rencontré les élus syndicaux d'Areva et les salariés de l'usine d'Akers à Thionville... Et ce programme infernal a continué des semaines durant.

Ces déplacements en entreprise ont également une vertu médiatique : montrer la proximité des candidats avec les Français, en les présentant au plus près de leurs préoccupations, notamment sur les si sensibles questions de l'emploi et de la ré-industrialisation. Ces deux thématiques ont en effet été identifiées dans les états-majors politiques comme des thèmes prioritaires pour la campagne 2012. Une importance confirmée dans une étude publiée en novembre 2011 par le cabinet Trendeo, qui dénombre depuis 2009 le chiffre faramineux de "879 fermetures de sites industriels", représentant "près de 100 000 emplois industriels perdus".

Les enjeux de l'emploi et des sites de production sont donc critiques pour les candidats, chacun devant redoubler d'efforts pour apparaître comme le plus prochedestravailleurs, desattentesdesélecteurs, et forcémentdessyndicats. Le 13 décembre 2011, Nicolas Sarkozy s'est ainsi rendu en Haute Savoie, à Sallanches, chez le fabricant de skis Rossignol. Un déplacement réalisé officiellement en tant que président de la République, mais personne ne s’y est trompé : la visite rassemblait les caractéristiques d'un candidat en campagne électorale. Image, symbole et message. L'usine Rossignol a bien sûr été choisie à dessein : ce site illustre la relocalisation d’une production industrielle dans l’Hexagone par une usine française, qui l’avait délocalisée à Taiwan il y a quelques années. Lors de son discours, le président-candidat a ainsi pu mettre en avant son label "OrigineFrance Garantie", censé promouvoir l'acquisition de biens produits dans le pays. Un message qui séduit à la fois salariés et syndicats... mais aussi les autres candidats.

François Bayrou, lorsqu'il visite le 21 décembre 2011 la zone industrielle de Forbach, il y défend le "produire français". Dans une usine locale, opportunément dénommée "Elysée Cosmétiques", il clame que "nousdevons absolument soutenir la production française en reconstruisant l'outilde production". A plusieurs centaines de kilomètres de là, en visite dans l'usine  Unowhy, qui a relocalisé en France la production de sa tablette tactile,

François Hollande s'est lui aussi transformé en héraut du "patriotisme industriel". Le temps de la campagne pour 2012, tous les candidats semblents'être transformés en dirigeants de centrale syndicale, volant d'une usine àl'autre, adressant des discours enflammés, debout sur des estradesimprovisées, avec en arrière-plan les drapeaux de la CGT, de la CFDT, et deFO.

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Extrait de Syndicats Filous, Editions Max Milo

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