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Vers des Harvard professionnels : Jean-Michel Blanquer s’attaque pour de bon à l’enseignement pro
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Réforme

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Education Nationale veut, à travers sa réforme de l'apprentissage dont les détails seront connus ce lundi 28 mai, créer des "Harvard professionnels" en France et redorer l'image de ces filières encore trop souvent négligées.

Bertrand Martinot

Bertrand Martinot

Bertrand Martinot est économiste et expert du marché du travail à l'institut Montaigne, ancien délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle. Co-auteur notamment, avec Franck Morel, de "Un autre droit du travail est possible" (Fayard, mai 2016). 

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Atlantico : Jean-Michel Blanquer va présenter ses mesures pour réformer l'enseignement professionnel ce 28 mai pour redorer l'images du secteur. Comment on explique que l'image de "second choix" de ces filières perdure

Bertrand Martinot : Cette image est liée à une vieille tradition française. L'enseignement professionnel a toujours été méprisé par les élites politiques en France ainsi que par l'université qui elle-même forme les enseignants. Les formations professionnelles ont toujours été dévalorisées et c'est le discours qui prévaut depuis toujours d'abord au sein de l'Education Nationale et plus largement dans nos sociétés. Partant de là il ne faut pas s'étonner que les parents et les élèves réagissent en fonction du discours dominant qui n'est pas forcément en faveur de la formation professionnelle.

Depuis quelques années les gouvernements successifs essayent de revaloriser l'apprentissage avec un discours très favorable mais cet arrière fond culturel perdure. Malgré les discours officiels il y a en plus de temps en temps des dérapages comme celui du patron de Véolia qui expliquait que ses enfants étaient "trop intelligents" pour l'apprentissage. C'est un dérapage d'autant plus ahurissant que Veolia est en pointe sur l'apprentissage au sens général.

On accuse pourtant souvent ces filières d'un manque de clarté quant aux diplômes qu'elles délivrent. Quels sont les défauts de cette formation ?

Au-delà de l'aspect culturel que nous avons cité, il y a effectivement des éléments objectifs qui font que les parents privilégient l'enseignement général. Les contenus des diplômes de l'enseignement professionnel  sont parfois obsolètes dans les matières technique en retard avec l'évolution des techniques, pas assez en lien avec la pratique professionnelle une fois en entreprise. De ce point de vue, la réforme prévue par le gouvernement va dans le bon sens vu qu'elle prévoit la co-construction des diplômes avec les professionnels. C'est une bonne chose mais en plus de la loi il faudra une implication forte des branches. Pour l'instant ces branches ne sont que consultatives en la matière et force est de constater qu'elles n'envoient pas des professionnels toujours en prise avec les nouvelles techniques. Les pratiques doivent donc évoluer de ce côté-là.

Une autre raison de la dévalorisation : les rémunérations des enseignants dans l'enseignement professionnel sont en dessous de celles de leurs collègues qui exercent dans l'enseignement général. C'est un marqueur particulier qui fait que les enseignants (et in extenso les formations) sont dévalorisés. Une réforme souhaitable serait de revaloriser les salaires quitte à augmenter le temps de travail en lycée professionnel, actuellement plus faible que pour les formateurs de CFA.

Le ministre a déclaré vouloir "développer, en lien avec les Régions, de grands campus consacrés aux thèmes d'avenir : la révolution numérique, la transition écologique, les savoir-faire à la française… Il est temps de créer de véritables "Harvard professionnels". Cette ambition vous semble-t-elle crédible ?

C'est exactement ce qu'il faut faire. Il faut regrouper sur de vrais campus des filières professionnelles, regrouper des établissements secondaires et d'enseignement supérieur dans le domaine technique et mélanger la voie scolaire et l'apprentissage. Il est toutefois curieux de parler de cela aux régions alors que parallèlement 'on leur retire la compétence sur l’apprentissage.

D'un côté vous supprimez (dans l’actuel projet de loi sur la formation professionnelle) la notion de carte des formations professionnelles initiales (aujourd'hui pilotée par les régions) et en même temps vous voulez localiser géographiquement des établissements de manière volontariste. Je ne sais pas comment l'on gère la contradiction. La région perdant toute capacité d'action je ne vois pas ce qu'elle pourra faire concrètement après une réforme qui remet les clés de l’apprentissage aux branches professionnelles.

Serait-ce un moyen de résoudre le problème du manque de qualification des jeunes dont se plaignent souvent les employeurs ?

Tout à fait. Dans l'idée de Jean-Michel Blanquer il y a l'idée d'associer à la gouvernance de ces établissements aussi bien des professionnels, des fédérations que des entreprises. Ces dernières connaissent le marché et sont lucides sur leurs besoins et pourront donc orienter les contenus des formations pour arriver au résultat souhaité : que les élèves qui sortent de ces formations soient directement opérationnels et aient des qualifications utiles dans l'exercice de leurs métiers.

A noter qu'il y a déjà des filières pour lesquelles cela se passe mieux qu'ailleurs. Les lycées agricoles par exemple ont beaucoup mieux intégré les représentants du monde professionnel  que les lycées professionnels des autres secteurs (…). L'enseignement est donc beaucoup plus en prise avec les réalités des métiers que dans d'autres filières et c'est un exemple dont on pourrait s'inspirer.

Si ces nouveaux campus sont un levier pour faire ce rapprochement fécond, la réforme de l'enseignement professionnel ira dans le bon sens.

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