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Record à la baisse : mais pourquoi les Américains ont-ils aussi peu d’enfants ?
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Natalité

La démographie aux Etats-Unis n'est pas au meilleur de sa forme. Avec 1,76 enfant par femme en 2017 le pays est proche de son plus bas historique en 1976. Mais contrairement à la thèse avancée par Michelle Goldberg dans le New-York Times, ce bilan n'est pas le résultat d'une société devenue paternaliste.

Atlantico : Le nombre des naissances - 3.85 millions - a atteint un plus bas aux Etats Unis depuis 1987, avec un taux de fécondité qui touche son niveau le plus bas depuis 1978. Quelles sont les causes de ce déclin des naissances aux Etats Unis ? Faut-il distinguer des causes structurelles de causes plus conjoncturelles ? 

Laurent Chalard : Tout d’abord, il convient de rappeler que les Etats-Unis constituait une singularité au sein des pays développés, puisqu’après avoir atteint un point bas en 1976, avec 1,74 enfant par femme, suivant la même tendance constatée dans les pays d’Europe occidentale, la fécondité a, ensuite, sensiblement remonté dans les années 1980, se situant proche du seuil de remplacement des générations (2,1 enfant par femme) jusqu’en 2009. Cette évolution s’expliquait par deux principaux phénomènes : une immigration hispanique massive, les hispaniques ayant une fécondité plus importante que les « autochtones », et le maintien d’une minorité très religieuse dans la population majoritaire, permettant à l’indice de fécondité des « blancs non hispaniques » d’être moins abaissé qu’en Europe occidentale. L’exemple-type était l’Etat de l’Utah, où vit une forte communauté de Mormons, qui affichait la plus forte fécondité du pays (2,62 enfants par femme en 2007 !).

Depuis l’année 2007, qui correspondait à un pic de fécondité de 2,1 enfants par femme, la tendance s’est inversée, la fécondité diminuant régulièrement, n’étant plus que de 1,76 enfant par femme en 2017, soit très près de son point bas historique de 1976. Les experts américains avancent plusieurs explications à cette évolution, une d’ordre conjoncturelle et  les autres plutôt d’ordre structurelle. Concernant la première, il existe une corrélation certaine entre l’émergence de la crise économique en 2008 et le commencement de la baisse de la fécondité. Cependant, cette dernière se poursuivant alors que les indicateurs économiques s’améliorent, ce facteur ne peut être que secondaire. Concernant les secondes, elles sont de plusieurs ordres : - une moindre fécondité hispanique (elle n’est plus que de 2,1 enfants par femme en 2016), - une baisse de la fécondité chez les jeunes femmes âgées entre 20 et 30 ans, indicateur d’un report de l’âge à la première maternité consécutif de changements dans les mentalités, - une forte réduction des naissances adolescentes, grâce aux programmes de prévention, et, enfin, - une moindre religiosité, hypothèse plus difficile à vérifier, mais l’Utah, Etat « religieux » par excellence, a vu sa fécondité diminuer sensiblement, n’étant plus que de 2,24 enfants par femmes en 2016, soit désormais moindre que le Dakota du Sud.

Un article du NY Times évoque l'hypothèse d'une corrélation entre faible démographie et sociétés "paternalistes" comme l'Italie ou l'Allemagne, en opposition aux pays du nord. Peut-on réellement relier ces deux phénomènes ? Comment placer la France dans une telle logique ? 

L’hypothèse avancée par la chroniqueuse du New York Times, Michelle Goldberg, est séduisante et particulièrement bien argumentée, mais elle ne tient pas la route. En effet, jusqu’ici, les facteurs d’évolution de la fécondité dans les sociétés développées restent un mystère. Il n’existe pas d’unanimité entre les experts, les ruptures de tendance étant très difficiles à expliquer. La seule certitude concerne l’impact des « mentalités » d’une génération sur son niveau de fécondité. Par ailleurs, rappelons qu’à l’échelle de la planète, la fécondité demeure la plus élevée dans les sociétés « paternalistes » et mettre l’Italie et l’Allemagne sur le même plan au niveau des mentalités vis-à-vis des femmes témoigne d’une profonde méconnaissance de la situation du sexe féminin dans ces deux pays. Par ailleurs, la France, qui se caractérisait, jusqu’à très récemment par une fécondité parmi les plus élevées des pays développés n’a jamais été considérée comme une société très en avance concernant la position de la femme en Europe ! Si une « solution miracle », permettant de remonter le niveau de fécondité dans les pays riches, existait, elle aurait été adoptée partout depuis longtemps et aurait produit des résultats. Or, ce n’est pas le cas pour l’instant.

En France, la fécondité baisse aussi depuis quelques années. Est-ce pour les mêmes raisons qu’aux Etats Unis ? 

La baisse de la fécondité constatée en France depuis 2010 se déroulant à peu près au même moment qu’aux Etats-Unis, avec juste un léger décalage de trois ans, on peut effectivement s’interroger sur l’existence de facteurs explicatifs semblables aux Etats-Unis. Dans les faits, il est très difficile de tirer une conclusion pertinente de la comparaison de l’évolution de la fécondité dans ces deux pays car les contextes économiques, culturels et sociologiques sont très différents. Concernant les différents facteurs conduisant à la diminution de la fécondité aux Etats-Unis, le facteur « religiosité » ne joue aucun rôle en France, comme cela semble être aussi le cas du facteur « immigration », la chute des naissances hexagonales relevant plutôt des naissances de deux parents français, mais, en l’absence de statistiques ethniques identiques aux Etats-Unis, il est impossible de déterminer l’évolution réelle de la fécondité des minorités ethniques en France (nous ne pouvons totalement écarter l’hypothèse qu’elle baisse aussi). Finalement, le seul facteur assurément commun avec les Etats-Unis est la réduction de la fécondité des jeunes femmes de moins de 30 ans, ce qui peut être perçu comme un « effet générationnel », les nouvelles générations étant un peu moins tournées vers la maternité que leurs devancières. Il faudra cependant attendre encore quelques années pour savoir ce qu’il en est réellement. 

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