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LR : ces sondages qui montrent comment Nicolas Sarkozy est en train de (re)devenir le seul à incarner l’espoir de la droite
©Jean-Christophe MAGNENET / AFP

Retour vers le futur

Dans l'étude d'opinion Ipsos/le Point publiée le 23 mai, qui porte sur l'action de nombreuses personnalités politiques, aux affaires ou non, Nicolas Sarkozy arrive dans les cinq premiers et gagne même 13 points auprès des sympathisants de La République En Marche.

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Dans l'étude d'opinion Ipsos/le Point publiée le 23 mai, qui porte sur l'action de nombreuses personnalités politiques, aux affaires ou non, Nicolas Sarkozy arrive dans les cinq premiers et gagne même 13 points auprès des sympathisants de La République En Marche. Comment expliquer cette opinion très positive des Français à son égard ?

Christophe Boutin : Rappelons la question posée : « Quel jugement portez-vous sur l’action politique des personnalités politiques suivantes ? », pour constater qu’il ne s’agit pas nécessairement de l’action présente, mais aussi, et pour certains surtout, de l’action passée. Que dire par exemple d’un baromètre politique où trône au sommet (41% d’opinions favorables) un Jack Lang, épave fardée des années mitterrandiennes dérivant au hasard des cocktails de la République ?

Mais enfin, l’ancien chef de l’État est en effet dans le « top 5 » (31% d’opinions favorables), avec donc Jack Lang, l’ancien animateur de télévision Nicolas Hulot (41%), un Alain Juppé, qui n’a jamais été populaire que dans les sondages (36%) et Jean-Yves le Drian, qu’un sondé sur deux doit croire encore ministre des armées (33%). Et en précisant qu’il est aussi derrière deux personnalités classées à part, le Président de la République, Emmanuel Macron (37%) et son Premier ministre Édouard Philippe (35%).

Nicolas Sarkozy a ainsi presque dix points d’avance sur son vainqueur de 2012, François Hollande (22%, avec une remontée de 4 points), mais pour parler « d’opinion très positive », il aurait été intéressant de comparer avec un autre ancien président, Jacques Chirac, absent du sondage. Il est vrai par contre, d’une part, qu’il progresse (il gagne 5 points, la plus forte remontée de ce baromètre avec François Baroin), et d’autre part qu’il progresse non seulement à droite, mais aussi chez les sympathisants de LaREM (13 points de plus). Pour autant, l’ancien président est loin de ses scores précédents. Des plus de 60% d’opinions favorables de ses débuts de mandat (score jamais atteint par François Hollande – entre 50 et 60% - et moins encore par Emmanuel Macron – entre 40 et 50%), bien sûr, mais aussi de ceux de la période 2012-2016, quand il oscillait entre 30 et 50% d’opinions favorables.

Il n’en reste pas moins qu’au regard des campagnes qui se sont déchaînées contre lui depuis 2007, et qui continuent – il ne s’agit pas ici d’évoquer leurs fondements, mais leur persistance - l’ancien président de la République semble insubmersible. Mais il faut aussi noter qu’il reste en même temps une personnalité « clivante » : avec 64% d’opinions défavorables, il est là aussi dans le « top 5 », derrière François Fillon (75%), Marine le Pen (70%), et à égalité avec Marion Maréchal. Il faut prendre ici conscience que cette seconde réponse est aussi un élément important du sondage. Et noter que si l’on excepte Olivier Faure (32% d’opinions défavorables) et Benjamin Grivaux (30%), que personne ne connaît, c’est Jean-Michel Blanquer qui, avec seulement 30% d’opinions défavorables, heurte le moins les Français.

En conclusion, un score d’opinions favorables pour Nicolas Sarkozy supérieur à celui de son prédécesseur, néanmoins inférieur à ses étiages précédents, et une progression ; mais en parallèle un nombre très élevé d’opinions défavorables.

Si les personnes interrogées ont manifestement gardé l'image d'un homme d'action, comment analysez-vous le fait qu'il soit toujours populaire, y compris chez les sympathisants d'En Marche ?

 Favorables ou défavorables, les scores obtenus par Nicolas Sarkozy doivent autant à la réalité de son action à la tête de l’État qu’à son style ; une action et un style qui ont séduit les uns et hérissé les autres. Après deux mandats d’immobilisme chiraquien, Nicolas Sarkozy apportait en effet du mouvement en même temps qu’il « parlait vrai » - et, parfois, cru. On retrouve d’ailleurs dans les éléments du succès d’Emmanuel Macron ces deux éléments : vouloir réformer, porter des projets, et dire clairement les choses aux Français. Que derrière cette image la réalité soit autre, que les programmes soient bien appliqués, les réformes mises en œuvre, et que le parler vrai ne soit pas que de la communication, tout cela importe peu au début.

On retrouve aussi derrière ces choix la même demande d’autorité à la tête de l’État. Les Français se satisfont fort bien de cette Ve république présidentielle, et croient volontiers qu’un homme sinon providentiel, au moins inspiré peut mener à bien une politique de restauration. Quels étaient en ce sens les éléments forts de Sarkozy ? Son passé à la tête du ministère de l’Intérieur d’abord, bien mis en valeur, et des éléments de langage comme le fameux « karcher », pouvaient laisser croire qu’il était à même de traiter le phénomène migratoire et l’insécurité latente. Son autre passage aux Finances ensuite, et sa volonté de permettre de « travailler plus pour gagner plus », pouvaient laisser croire, eux, à une libération des carcans administratifs. Et si l’on demandait à ceux qui le soutiennent aujourd’hui encore pourquoi ils continuent de le faire, il y a fort à parier que l’on retrouverait vite ces deux axes dans leurs réponses. Qu’il ait ensuite raté les réformes – et, diront certains, trahi sans vergogne  une partie de ses électeurs de droite – s’estompe avec le temps.

Plus intéressant est le fait qu’il semble – temporairement – séduire des sympathisants d’En Marche. Qui sont en effet ces nouveaux sarkozystes ? Très vraisemblablement d’anciens électeurs de droite séduits un temps par l’allant macronien et son approche pragmatique des questions politiques. Or ils font, au bout d’une année, une double constatation. La première est que si tout le monde travaille plus, dans le monde d’Emmanuel Macron tout le monde ne gagne pas plus : les classes moyennes, enjeu essentiel du débat actuel, sont ouvertement méprisées et spoliées. La seconde est que les questions de l’immigration et de la sécurité ne font guère l’objet de cette fameuse approche pragmatique et que l’on en reste aux incantations : quand un président déclare que la question des banlieues ne peut être traitée par « deux mâles blancs », on mesure à quel point est grande l’imprégnation idéologique la plus délétère.

D’où, sans doute, un regain d’amour pour Nicolas Sarkozy… mais comme une nostalgie pour une ancienne maîtresse, et sans doute pas comme la volonté d’un futur partagé.

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