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Avant Meghan, le Prince Harry a dû faire face à une dépression
©DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

Bonnes feuilles

Le prince Harry a toujours été dans l'ombre de son frère, le prince William. Turbulent, réfractaire aux devoirs royaux, il a souvent attiré sur lui la désapprobation du public. À présent, et alors qu'il va se marier avec Meghan Markle, il se dévoile à travers des entretiens exclusifs accordés à la journaliste anglaise Angela Levin, spécialiste de la couronne britannique. Extrait de "Harry, conversations avec le Prince" d'Angela Levin, publié chez Plon. (1/2)

Angela Levin

Angela Levin

Angela Levin est une journaliste anglaise, spécialiste de la couronne britannique.

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Pendant des années, Harry avait eu l’impression d’«avoir été, plus d’une fois, à deux doigts de [s]’écrouler complètement ». Il savait que quelque chose n’allait pas : « Je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus. Au lieu de m’en occuper, je faisais l’autruche et je laissais tout me réduire en bouillie. » Il avait aussi conscience de se montrer de plus en plus agressif. En 2017, il confessa au Daily Telegraph combien ça l’avait inquiété. « Je me suis mis à la boxe, parce que tout le monde me répétait que c’était bon pour moi, que c’était un excellent moyen de laisser sortir son agressivité. Ça m’a vraiment sauvé, parce que j’étais sur le point de frapper quelqu’un… et mieux valait frapper quelqu’un qui portait des protections. »

Des années durant, il avait dissimulé ses préoccupations en public. «Je passais pour le jeune de vingt, vingt-cinq, vingt-huit ans typique, qui répétait à qui voulait l’entendre que la “vie est formidable”, que “tout va bien”.» Il était capable d’aider les autres… et pas luimême. Il ne voulait pas mêler William à son traumatisme psychique. «Vous savez comment c’est avec un grand frère…», me confia-t-il. Avec l’aide de Kate, William avait surmonté certaines de ses angoisses. La paternité lui avait aussi permis de poser un nouveau regard sur le monde, tout en lui offrant une chance de devenir le genre de père et de mari qu’il rêvait d’être. Il fallut du temps à Harry pour se rendre compte que son frère était, en réalité, la bonne personne vers laquelle se tourner. Ils ne se voyaient pas souvent, mais Harry passait de temps en temps les voir dans leur appartement du palais de Kensington, où Kate lui cuisinait un bon repas. Le poulet rôti a la réputation d’être un de ses plats préférés, et c’est d’ailleurs ce qu’ils préparaient avec Meghan le soir où il l’a demandée en mariage.

Plus le temps passait, et plus son mal-être empirait au lieu de s’alléger. Il finit par parler un peu de ses problèmes. « [J’ai] commencé à avoir quelques conversations sur le sujet. Brusquement, tout ce chagrin que je n’avais jamais digéré est revenu au premier plan et j’ai compris qu’il y avait beaucoup de choses que j’avais besoin de régler, en fait. »

Ce n’était qu’un premier pas, et à l’époque il n’était pas encore prêt à faire le suivant, même si William l’encourageait à chercher de l’aide. «Mon frère, béni soit-il, a été pour moi un énorme soutien. Il n’arrêtait pas de me répéter : “Ça ne va pas, ce n’est pas normal, il faut que tu parles à [quelqu’un], ce n’est pas honteux, tu sais.” » Harry ne l’écoutait pas. «Ce n’était pas le bon moment. Il faut le sentir intimement, et il faut trouver la bonne personne à qui parler, aussi. » Face à un tel tourment, de telles angoisses, beaucoup auraient eu du mal à sortir de leur lit le matin, et encore plus à se produire en public pour promouvoir la famille royale. Harry se levait souvent tard, d’ailleurs – la plupart des obligations n’étant pas programmées avant midi.

Son frère et ses amis proches l’encourageaient constamment à chercher de l’aide auprès d’un professionnel/ « Ils me disaient : “Tu dois vraiment régler ça. Ce n’est pas normal de penser que tu n’as pas été affecté par tout ça.” Je n’avais aucune envie d’être dans la position où je me retrouvais, mais j’ai fini par arrêter de faire l’autruche, j’ai écouté les autres et décidé de me servir de ma position pour de bon.» Harry avait vingt-huit ans quand il suivit le conseil de William et se tourna vers ceux qui pouvaient l’aider : «Je l’ai fait [voir quelqu’un] deux fois, enfin plus que ça, et c’est super.»

Pour un jeune homme qui protège si jalousement sa vie privée, se confier sur un sujet aussi personnel et sensible exigeait un immense courage. Et il le fit également pour une campagne de sensibilisation de Heads Together, une ramification de la Royal Foundation, créée par William, Kate et lui pour contribuer à dissiper les préjugés entourant les maladies mentales. Ils décidèrent que dans le cadre de ce projet, d’une durée de deux ans, ils évoqueraient chacun leurs propres problèmes. Kate reconnut que la maternité «pouvait procurer un sentiment d’isolement parfois » et évoqua son « apprentissage difficile » de ce rôle au contact de son premier enfant. William confessa qu’il n’avait pas suffisamment exprimé ses émotions et ses peurs, en particulier au sujet de sa mère. Mais ce fut l’aveu de Harry – il souffrait de dépression et avait recouru à l’aide d’un spécialiste – qui les aida à faire connaître leur association au grand public.

L’altruisme de Harry le poussait à espérer que, en admettant ses propres problèmes, il encouragerait les autres à l’imiter. Lorsque nous nous sommes rencontrés au palais de Kensington, il m’a dit qu’il s’était protégé en ne se dévoilant pas trop dans sa confession publique : «J’ai fait en sorte d’en dire juste assez pour que le message passe, sans donner trop de détails. Personne ne pouvait deviner ce qui n’allait pas exactement, combien de temps ça avait duré et quelle aide j’avais reçue. »

Il m’expliqua que son travail au sein du centre londonien du Personnel Recovery Unit, où il écoutait les soldats blessés, plus ou moins grièvement, parler de leurs difficultés psychologiques, avait constitué un tournant décisif dans son approche de la question. « J’ai compris qu’il y avait beaucoup de mérite à parler de ses problèmes, que le fait de les taire ne sert qu’à les aggraver, pas seulement pour soi, mais pour tout son entourage aussi, parce qu’on devient un poids. » Il admit qu’il lui avait fallu du temps pour aller mieux, mais conclut qu’il avait l’impression qu’il avait fait «un bon chemin», avant d’ajouter : «Mon expérience m’a amené à constater qu’une fois qu’on commence à en parler, on se rend compte qu’on appartient en fait à un club qui compte beaucoup de membres.» Grâce à lui, ses amis ont réussi à «s’attaquer à leurs propres démons». «Je ne peux qu’encourager les gens à avoir ce genre de conversation. Vous serez surpris, au début, de tout le soutien que vous recevrez. Et puis ensuite, vous serez surpris de voir combien de personnes attendaient que vous parliez.»

Son témoignage, très médiatisé, a contribué à changer les comportements. Après la prise de parole de Harry, Mind, une ONG dédiée aux maladies mentales, a enregistré une augmentation de 38% des appels sur sa ligne, alors que Calm, une ONG dédiées aux maladies mentales spécifiquement masculines, a vu le trafic doubler sur son site Internet. Harry a aussi pu annoncer une avancée capitale en octobre 2017 : le ministère de la Défense et la Royal Foundation unissaient leurs forces pour placer l’entretien du bien-être psychique au cœur de la formation en apportant un soutien à l’ensemble du secteur de la défense.

Harry a aussi payé le prix de son passage dans l’armée, également. « J’ai reçu quelques soins médicaux corporels, parce que j’ai été bien abîmé par dix années de service actif. » Il a tenu à me rassurer malgré tout : « Je suis gonflé à bloc maintenant et plein d’énergie, j’adore bosser pour les ONG, rencontrer des gens et les faire rire. [Avec William, on] apprécie vraiment notre travail et on espère que les citoyens britanniques ont le sentiment d’en avoir pour leur argent. J’ai encore parfois l’impression de vivre dans un aquarium, mais maintenant ça va mieux. Je continue à garder mon côté vilain garçon : ça me plaît et ça me permet de me sentir proche de ceux qui se sont attiré des ennuis. » Sa propre expérience du sujet le rendait plus empathique avec les gens qu’il croisait dans le cadre de ses fonctions de représentation, et qui souffraient de troubles psychologiques ou venaient de familles à problèmes. Cela l’aidait aussi à affronter ses propres démons. «À cause du travail que j’ai effectué sur moimême, je suis aujourd’hui capable de prendre au sérieux mon travail, et ma vie privée aussi. Je suis capable de considérer que le sang, la sueur et les larmes sont des choses qui ont fait une vraie différence pour moi et qui, je crois, feront la différence pour les autres aussi. »

Harry tenait aussi à bien me faire comprendre qu’il avait hérité de sa mère une propension à étreindre physiquement les gens. «Tout le monde a besoin d’un câlin de temps en temps, et il se trouve que je suis très doué pour ça », s’esclaffa-t-il. Qualité qui aurait, sans le moindre doute, attiré un « sourire de fierté » sur les lèvres de sa mère.

Il se disait aussi passionné et émotif. « J’ai un très très gros cœur, et je veux que les gens le voient. Il y a tellement de passion en moi, je peux en donner aux autres. Parfois je suis si enthousiaste que je m’emballe, je m’impatiente, les choses ne vont pas assez vite. Ça m’a valu des ennuis par le passé, surtout parce que je ne supporte pas qu’on tourne autour du pot au lieu de s’attaquer aux problèmes. »

Extrait de "Harry, conversations avec le Prince" d'Angela Levin, publié chez Plon. 

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