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Pourquoi Emmanuel Macron a déjà perdu la bataille de l’Atlantique
©LUDOVIC MARIN / AFP

Relation transatlantique

La récente décision de Donald Trump ne fait qu’illustrer ce la formule que l’on prête depuis soixante ans au général De Gaulle, les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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A l’occasion de la dénonciation par DonaldTrump de l’accord cadre signé avec l’Iran en avril 2015 sur son programme nucléaire, Emmanuel Macron a découvert que les Etats-Unis avaient une politique et des intérêts divergents des Etats européens et qu’il n’était pas question pour eux de solidarité transatlantique lorsqu’ils estimaient que leurs intérêts stratégiques les plus fondamentaux étaient menacés.

Belle découverte en réalité ! La récente décision de Donald Trump ne fait qu’illustrer ce la formule que l’on prête depuis soixante ans au général De Gaulle, les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. De facto, depuis la fin de la Guerre froide, les Etats-Unis ont repris leur liberté vis-à-vis de leurs partenaires européens et ils mènent une politique, parfois semblable, plus fréquemment différente, et le plus souvent en opposition stricte aux intérêts politiques et économiques des Européens.Le coup d’envoi de cette cassure transatlantique a d’ailleurs été donné en 1993par un président démocrate, à savoir Bill Clinton, et son administration, emmenée par son secrétaire au commerce Mickey Kantor, qui, lors des négociations ayant mené à la création de l’Organisation mondiale du commerce, n’ont pas hésité à rappeler que le monde était engagé dans une compétition économique et politique globale et que les Etats-Unis n’hésiteraient pas une seconde à sanctionner l’Europe si leurs intérêts étaient en jeu.

Nous y sommes donc une nouvelle fois. Les entreprises européennes sont sommées de quitter l’Iran dans les meilleurs délais, au risque de subir une pluie de sanctions et d’amendes venue des Etats-Unis qui exercent une fois de plus leur privilège d’extraterritorialité dans le domaine économico-juridique. Ainsi, le conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, a fait savoir que le rétablissement des sanctions américaines vis-à-vis de l’Iran était effectif« immédiatement »pour les nouveaux contrats et que les entreprises déjà engagées en Iran n’auraient quelques mois pour en « sortir ».

Dans cette affaire, l’attitude américaine n’a rien d’étonnant. Donald Trump mène une politique qu’on peut ne pas aimer, mais qui a au moins le mérite d’une certaine cohérence au titre de la défense des intérêts américains. Donald Trump a été élu sur une volonté de faire plier les pays proliférant issus de l’axe du mal théorisé par George W. Bush, au premier rang desquels figuraient la Corée du Nord et l’Iran, et c’est à cela qu’il s’emploie depuis plusieurs mois.

La réaction des dirigeants européens, au premier rang desquels figure Emmanuel Macron, est par contre marquée par une grande naïveté, par l’aveuglement et par une incapacité crasse à penser les relations internationales de ce début de siècle. Il est vrai que le disque dur de nos dirigeants est resté bloqué aux années d’euphorie de l’immédiate chute du mur de Berlin, sans voir que le monde d’aujourd’hui n’avait plus rien à voir avec cette époque.

Trois éléments contribuent à entretenir cet aveuglement européen et à faire de la relation transatlantique un piège à cons, dans le sens du film comique « le grand blond avec une chaussure noire » où l’agent secret joué par Bernard Blier se fait enfumer par son collègue Jean Rochefort jusqu’à en mourir.

Premier des éléments du piège, les Européens pensent encore aujourd’hui que la relation transatlantique est une relation entre amis aux intérêts convergents. Rien n’est plus faux ! Les Européens sont faibles, ils n’investissent pas dans leur sécurité et leur défense, et Donald Trump les traite pour ce qu’ils sont, des vassaux qui ne parviennent pas à sortir de leur statut d’éternels adolescents irresponsables et qui ne sont plus des Etats indépendants maîtres de leur destin. D’ailleurs, pour bien marquer ce statut, Emmanuel Macron préfère s’exprimer à l’international dans la langue du maître.

Deuxième élément du piège, le chantage permanent aux marchés américains ouverts aux entreprises européennes se traduit par un privilège d’extraterritorialité fiscale pour de nombreuses entreprises américaines comme Apple ou Amazon, et d’autre part, par des amendes et sanctions contre des entreprises européennes en cas d’écart à la doxa de Washington.Il faut même parler de racketgéant qui a touché à tour de rôle BNPParibas, Volkswagen, Alstom, HSBC, Commerzbank, etc. auquels’ajoutent le rachat et le pillage technologique sans vergogne d’entreprises européennes lorsque l’occasion se présente, comme pour l’entreprise française parapétrolière Technip rachetée en mai 2016 par l’Américain FMC.

Troisième et dernier élément du piège, les Etats-Unis contraignent les Européens à ignorer leur géographie et leurs intérêts politiques et économiques de long terme, en particulier pour l’achat de matières premières, en faisant de la Russie ungrand Satan et un ennemi infréquentable. De fait, à force de voir le loup, le pouvoir poutinien finit par devenir agressif et l’Europe appelle à l’aide les Etats-Unis pour la protéger. La boucle est alors bouclée.

En résumé, Emmanuel Macron, comme tous ses partenaires européens, a perdu la bataille de l’Atlantique avant même de l’avoir engagée. Il faut certes aller à Washington pour discuter avec Donald Trump ; encore faut-il disposer d’une stratégie et d’une véritable politique qui ne nous fasse pas passer « en même temps » pour des caniches et des imbéciles aux yeux du monde. Mais après tout, est-ce vraiment ce qui compte pour les dirigeants français ?

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