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Statut des fonctionnaires : une augmentation du nombre de contractuels nécessaire mais qui ne doit pas faire oublier que la fonction publique doit être modernisée dans son ensemble
©AFP

Fonction publique

Le Comité action publique 2022, qui doit rendre bientôt son rapport, préconise l'augmentation du nombre de contractuels dans la fonction publique française.

François Ecalle

François Ecalle

François Ecalle est ancien rapporteur général du rapport annuel de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques ;  ancien membre du Haut Conseil des finances publiques, Président de FIPECO et fondateur du site www.fipeco.fr sur les finances publiques.

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Atlantico : Le Comité action publique 2022, composé de 34 personnalités et créé à l'automne dernier en vue de faire des propositions concernant la réforme de l'Etat, des collectivités locales et de la sécurité sociale, ​rencontraient le premier ministre ce 16 mai afin de lui faire part des pistes envisagées avant une remise de rapport prévue dans les prochaines semaines. Selon les informations publiées par Libération, la généralisation du recours aux contractuels dans la fonction publique serait à l'ordre du jour. Quels seraient les avantages d'une telle proposition, tout en considérant que les contractuels représentent déjà 16.5% des 5.7 millions d'agents publics ? 

François Ecalle : Je dois d’abord préciser que le rapport du comité Action publique 2022 n’est pas publié et que ses propositions pourraient être finalement différentes.

Les parcours professionnels seront probablement de plus en plus marqués à l’avenir par des alternances entre le salariat et le travail indépendant, entre la France et l’étranger et entre les secteurs public et privé. En effet, ces mouvements correspondent à un souhait des nouvelles générations pour une diversification de leurs carrières et à la nécessité de s’adapter aux évolutions technologiques et de mêler les cultures professionnelles. Généraliser les contrats de droit privé dans le secteur public contribuerait à faciliter ces mutations, ce qui est également un des objectifs du système universel de retraites voulu par le Président de la république.

Un fonctionnaire est recruté pour plus de 40 ans alors que personne ne sait quels seront les services publics nécessaires et, surtout, comment ils seront assurés à cet horizon. Il pourrait donc être utile de recruter un peu plus souvent sur des contrats à durée déterminée dans les administrations publiques, mais cette solution n’est certainement pas généralisable. Le principe doit être de recruter sur des contrats à durée indéterminée.  Dans ces conditions, l’emploi à vie serait de fait maintenu dans les services de l’Etat car celui-ci aurait des obligations de reclassement de ses agents en cas de restructuration de services. En revanche, des licenciements économiques pourraient être envisagés dans les collectivités locales et les hôpitaux, sauf obligations de reclassement au sein de l’ensemble du secteur public local ou hospitalier.

L’emploi à vie peut certes offrir aux fonctionnaires une protection contre des décisions guidées par des considérations politiques, au mauvais sens du terme, et favoriser ainsi le respect des valeurs du service public (neutralité, indépendance…), mais les personnels des administrations scandinaves, qui sont presque tous des contractuels, ne sont pas moins indépendants et impartiaux que les fonctionnaires français.

S’agissant des rémunérations, des évolutions de carrière et des conditions de travail, une généralisation des contrats de droit privé dans le secteur public imposerait certainement d’accorder à ces contractuels des droits semblables à ceux des meilleures conventions collectives du secteur privé et ces droits seront probablement aussi protecteurs que le statut actuel. Des conventions collectives peuvent avoir les mêmes effets qu’un statut et la pratique peut différer de ce que prévoient le statut ou les conventions. Si la durée du travail à temps complet des fonctionnaires est inférieure à la durée légale de 1 607 heures, alors que celle des salariés du secteur privé lui est supérieure, cela ne résulte pas du statut, car les fonctionnaires sont juridiquement soumis à cette durée légale, mais des pratiques administratives. 

Quelles seraient les autres pistes les plus efficaces à mettre en place pour permettre une rationalisation ? Que peut-on anticiper de la réaction du gouvernement vis à vis de la proposition faite relative aux contractuels ?  

Le comité interministériel de la transformation publique du 1er février 2018 a déjà décidé le lancement d’une concertation sur « un élargissement du recours au contrat pour donner davantage de souplesse dans les recrutements ». Mais un élargissement n’est pas une généralisation, qui se heurterait à une très vive opposition. Les syndicats de la fonction publique ont toujours refusé toute augmentation du recrutement de contractuels et milité en faveur de la titularisation de ceux qui ont été recrutés sur contrat. Il y a d’ailleurs eu une quinzaine de plans de titularisation des contractuels depuis 1946.

Or les services publics peuvent être modernisés et les dépenses publiques être diminuées sans supprimer le statut, même seulement pour les nouveaux agents. Le principal obstacle aux restructurations des administrations est la faible mobilité, fonctionnelle et géographique, des fonctionnaires. En outre, cette mobilité résulte pour 84 % du choix de l’agent et non de celui de son employeur. Les fonctionnaires occupent souvent un premier poste dans des zones peu attractives puis changent d’affectation au cours de leur carrière pour se rapprocher du lieu de travail souhaité. Les moins expérimentés se trouvent ainsi sur les postes les plus difficiles et les plus anciens dans les zones qui leur conviennent le mieux à titre personnel.

Les obligations de mobilité dans l’intérêt de l’administration devraient être renforcées. Si, dans le cadre d’une réorganisation, un fonctionnaire n’accepte pas les postes qui lui sont proposés, une affectation d’office est nécessaire et, en cas de refus, un licenciement. 

Le statut précise que « le fonctionnaire est, vis-à-vis de l’administration, dans une situation statutaire et réglementaire ». Il n’a pas passé un contrat dont il peut exiger le respect mais, s’il est protégé par son statut, il dépend de décisions prises par le gouvernement dans le cadre de son pouvoir réglementaire. En théorie, il n’a aucun « droit acquis » car toute réglementation peut être modifiée unilatéralement par le gouvernement. Ces contreparties théoriques de l’emploi à vie ont été assez largement perdues de vue en pratique dans la fonction publique.

Alors que le contexte entourant la fonction publique est tendu, dans l'attente de la manifestation attendue le 22 mai prochain, quels sont les risques pris ici par le gouvernement ? Les propositions faites par le Comité d'action publique ont-elles une chance de voir le jour dans un tel environnement ? 

Le régime de retraite de la fonction publique est un élément essentiel du statut qui devra être remis en cause, au moins pour les nouvelles générations, pour que le futur système universel de retraites soit véritablement universel. Je pense que le Gouvernement n’engagera pas une réforme du statut allant au-delà du régime de retraite et se contentera de favoriser le recrutement de contractuels, en restant loin de toute généralisation. S’il reprenait à son compte cette option, le risque serait celui de mouvements sociaux qui perturbent gravement l’activité économique dans un contexte mondial de moins en moins favorable à la croissance. Dans ces conditions, il est plus sage de réduire les obstacles à la mobilité des fonctionnaires que d’agiter le chiffon rouge du statut.

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