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Pourquoi la campagne de l'entre-deux tours sera violente
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Debrief du 1er tour

Des débats TV ternes ce dimanche soir, deux gagnants (Hollande et Le Pen), beaucoup de perdants et un entre-deux tours qui s'annonce musclé.

Christian Delporte

Christian Delporte

Christian Delporte est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Versailles Saint-Quentin et directeur du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines. Il dirige également la revue Le Temps des médias.

Son dernier livre est intitulé Les grands débats politiques : ces émissions qui on fait l'opinion (Flammarion, 2012).

Il est par ailleurs Président de la Société pour l’histoire des médias et directeur de la revue Le Temps des médias. A son actif plusieurs ouvrages, dont Une histoire de la langue de bois (Flammarion, 2009), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine (avec Jean-François Sirinelli et Jean-Yves Mollier, PUF, 2010), et Les grands débats politiques : ces émissions qui ont fait l'opinion (Flammarion, 2012).

 

Son dernier livre est intitulé "Come back, ou l'art de revenir en politique" (Flammarion, 2014).

Voir la bio »

Atlantico : Quels sont les principaux points à retenir selon vous des débats post premier tour de ce dimanche soir ?

Christian Delporte : Sur le plan télévisuel, aucune surprise, malgré des décors parfois pharaoniques. Une surprise, toutefois : c’est la première fois qu’on a fait l’impasse sur les résultats locaux. En matière de proximité, on fait mieux ! Comment a voté la France ? Les téléspectateurs n’en ont rien su.
Pour le reste, on retiendra des échanges stériles entre les représentants des candidats, un épisode digne du Muppets Show avec Bernard Tapie et Franz Olivier Giesbert sur France 2 et un spectacle à moto pour suivre dans les rues de Tulle ou de Paris, Hollande et Sarkozy. Jusqu’au grotesque, lorsque le journaliste perché sur son engin, interroge la vitre fumée de la voiture du Président ! Il serait temps d’en revenir à des éléments plus concrets et de parler de « vrais » résultats, ce qu’attendent les téléspectateurs. Quant aux débats, ils furent de beaux exercices d’éléments de langage, entre la sanction infligée à Sarkozy pour les uns et le « rien n’est joué » pour les autres. A vrai dire, la parole a été quasiment monopolisée par l’UMP et le PS, à un point jamais égalé. La télévision, au fond, était déjà dans le second tour.

Qui sont les gagnants ? Les perdants ? L'élection est-elle jouée ?

Les gagnants sont, sans nul doute, Hollande et Le Pen : le premier dans la perspective du second tour, la seconde dans celle de la perspective de recomposition des droites qui, pour elle, est inévitable en cas de défaite de Sarkozy (qu’elle souhaite, pour cette raison).
Les perdants sont les plus nombreux. D’abord Sarkozy, parce qu’il avait annoncé lui-même combien était nécessaire qu’il arrive en tête au premier tour pour créer la dynamique du second. La stratégie « Buisson » est, ici, mise en défaut.
Ensuite Bayrou, dont le score est décevant : lui aussi a tout intérêt à la défaite de Sarkozy, en misant sur l’éclatement de l’UMP qui lui permettrait, pense-t-il, de récupérer les éléments les plus modérés, effrayés par une alliance avec le FN. C’est pourquoi j’imagine mal de sa part une consigne de vote claire qui hypothéquerait son avenir.
Enfin, Mélenchon, pas sur le chiffre final, somme toute très honorable et au-dessus de ce que pouvait faire la « gauche de la gauche » aux présidentielles, mais parce que les sondages lui permettaient d’envisager davantage, c’est-à-dire de pouvoir peser plus sur Hollande et de faire monter les enchères pour les législatives.

A quoi va ressembler selon vous l'entre deux tours ?

Hollande va jouer le rassemblement « au-delà de la gauche », en s’engageant juste ce qu’il faut pour capter l’électorat Mélenchon sans effrayer l’électorat Bayrou. A vrai dire, sa situation est idéale, car Mélenchon et Bayrou pèsent à peu près la même chose : l’argument de l’ « otage » de l’extrême gauche tombe.
Pour Sarkozy, c’est beaucoup plus compliqué. Ses réserves de voix sont plus fortes du côté du FN que de celui du Modem : comment se recentrer, alors, c’est-à-dire modérer son discours pour capter les électeurs bayrouistes sans s’aliéner les électeurs frontistes ? En deuxième position et avec une Le Pen très haut, c’est le scénario catastrophe pour Sarkozy. Il est obligé de miser sur ce que j’appellerai la « stratégie de la peur » : c’est très risqué, et cela avait joué un très mauvais tour à Giscard en 1981. Je pense que la campagne de second tour sera « musclée », pour ne pas dire violente, car Sarkozy jouera son va-tout dans une confrontation droite/gauche.

Que penser de la proposition des trois débats de l'entre-deux tours ?

Elle est illusoire et inacceptable pour Hollande. Sarkozy le sait très bien, du reste. La proposition est tactique : elle vise à montrer que Hollande se dérobe et a peur. C’est de bonne guerre, Giscard avait agi de même en 1981, en demandant, à l’époque, deux débats.

On pourra toujours rétorquer au Président qu’il demande à Hollande ce qu’il n’avait pas demandé à Royal en 2007, c’est-à-dire à l’époque où, lui, était favori des sondages. Sarkozy pense-t-il à l’exemple américain ? Là-bas, c’est vrai, il y a deux ou trois débats entre les favoris (à vrai dire, on retient surtout le premier !), mais ils s’étalent sur un ou deux mois et se situent loin avant l’élection. Sarkozy, qui aime la télévision et est devenu le challenger, a tout intérêt à demander plusieurs confrontations ; mais Hollande, désormais favori, a plus à y perdre qu’à gagner. Or, dans ce contexte, c’est le favori qui a la main.

Bref, soyons réalistes : il y aura un débat et un seul. Il sera solennel, nourri de dramaturgie, alimenté d’escarmouches et de petites phrases. Il sera très suivi, car les Français aiment ces combats singuliers. Mais il sera unique. C’est bien pour cela qu’il sera le grand moment de l’entre-deux-tours.

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