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Second tour Sarkozy/Hollande : 
bonapartisme contre radical-socialisme
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Retour vers le futur

Avec un Front national approchant des 20% et un Front de gauche au-dessus des 10%, alors que le centre s'est effondré, la radicalité fait une entrée en force dans le champ politique français. Une situation qui devrait marquer profondément les années à venir.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Plus de 80% des électeurs inscrits se sont déplacés aux urnes ce dimanche. Ils ont placé François Hollande devant Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen loin devant Jean-Luc Mélenchon. Quels enseignements peut-on tirer de ce premier tour ?

Eric Verhaeghe : J'en vois trois. Le premier est la poussée des extrêmes. On est passés d'une situation en 2007 où le centre était la troisième force du pays à un situation aujourd'hui où la troisième force est l'extrême droite, la quatrième l’extrême gauche. C'est une situation de radicalisation forte du discours politique en France.

Deuxième point : on n'a pas assisté à un effondrement de Nicolas Sarkozy. Il est très clairement dans une situation de recul, de désaffection de l'opinion, mais il ne vit pas la débâcle qu'on avait évoqué, que certains espéraient et d'autres craignaient. Nicolas Sarkozy peut se targuer d'avoir sauvé les meubles après avoir senti le vent du boulet.

Le troisième constat, c'est qu'on voit que la communication ne fait pas l'élection. Incontestablement, la meilleure campagne en terme de communication était celle de Jean-Luc Mélenchon, mais elle ne se traduit pas dans les urnes à hauteur de ce qu'il espérait. On peut souligner avec ironie que Mélenchon, qui a été le grand adversaire des médias et a toujours joué la victime des médias, est celui qui s'est le plus pris à leur jeu, qui s'est le plus enfermé dans l'illusion de la communication et a profité des médias. Pour finalement un résultat décevant.

La campagne du second tour vient de débuter. Que peut-on en attendre ?

Nicolas Sarkozy l'a d'emblée personnalisée, l'a placée sur le terrain d'une confrontation personnelle. C'est probablement le terrain sur lequel il est le plus à l'aise, alors que tout le monde sait que François Hollande est tout sauf un homme de confrontation. La preuve en est, c'est qu'il a d'ores et déjà refusé les trois débats qui lui proposait Nicolas Sarkozy.

Dans cet espèce de retour, Nicolas Sarkozy parvient d'emblée à camper le second tour sur le mode du défi antique, du duel entre deux héros. Pour Nicolas Sarkozy, la politique est un duel entre des héros de légende qui s'affrontent en face à face. À ce jeu-là, Hollande est en train de se dérober et on va probablement assister à 15 jours de course poursuite entre un héros antique qui cherche un combat dans l’arène et un leader radical socialiste qui essaye de faire une campagne à l'ancienne, plus 3e ou 4e république. C'est le bonapartisme contre le radical-socialisme.


Quel candidat peut l'emporter à l'issue de ce combat ?

A ce stade, les sondages donnent François Hollande grand vainqueur, mais je pense que le jeu est plus ouvert.

On va assister à la confrontation des deux visages de la France. Le consensus de la 3e république, un peu mou, face à notre vieux démon bonapartisme, cette fascination pour l'autorité, pour l'énergie. Nicolas Sarkozy va essayer de revêtir à nouveau les habits de l'énergie, qui l'ont fait triompher en 2007. L'énergie républicaine et dans un certain sens l'énergie impériale.

Quel rôle peuvent jouer Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon dans cette campagne de second tour ?

Tout le monde est extrêmement gênés aux entournures. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont défini le cadre idéologique du discours politique de demain. On a eu depuis 10 ans une logique essentiellement tournée vers le centre, vers un consensus sur une certaine conception de l'organisation économique de la vie politique. En 2012, on a vu une fragmentation de cette vision et une montée de la bipolarisation entre une vision d'extrême-gauche qui ne cache pas sa sympathie vers des idées marxistes traditionnelles et une vision d'extrême-droite marquée par un très fort souverainisme anxieux, c'est à dire l'idée qu'il faut refermer les frontières car on a peur de l'autre.

On se retrouve dans une situation très proche de celle des années 1930, avec une gauche très structurée autour des idées marxistes, avec des valeurs de lutte collective, de confrontation historique, et une droite nationaliste assez dure, fascinée par une forme d'autorité, un rejet de la démocratie représentative. On se retrouve dans cette fracture dans cette fracture qu'on a connu il y a 80 ans, marquée à gauche par des Malraux, des Aragon, des Gide, et à droite par des Brasillach, des Drieu La Rochelle.

Propos recueillis par Morgan Bourven

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