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Icône de la mode mais porteuse d'une représentation très traditionnelle du rôle de la femme : Brigitte Macron relève-t-elle d’un féminisme "en même temps" ?
©FETHI BELAID / AFP

Bonnes feuilles

La vie de Brigitte Macron ressemble presque à celle de milliers d’autres femmes : une enfance bourgeoise et provinciale, une carrière dans l’enseignement, un premier mariage, des enfants, un divorce… Parcours classique d’une femme un peu trop lisse ? En réalité, derrière les apparences, on découvre une personnalité bien plus complexe. Extrait de "Brigitte Macron. La Confidente" de Fabienne Cassagne, publié chez City (2/2).

Fabienne Cassagne

Fabienne Cassagne

Fabienne Cassagne est journaliste. Elle a notamment travaillé pour Challenges. Elle signe avec Brigitte Macron une enquête de plusieurs mois.
"Brigitte Macron. La Confidente" de Fabienne Cassagne

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Bref, la mode l’adore et elle adore la mode : au dîner des créateurs organisé par l’Élysée le 5 mars 2018 pendant la Fashion Week de Paris, environ 120 créateurs et personnalités de la mode (Stella McCartney, Christian Louboutin, Jean-Paul Gaultier, Maria Grazia Chiuri, Sarah Burton, Elie Saab, Simon Porte Jacquemus…) ont dîné dans la salle des Fêtes du palais de l’Élysée avec le couple présidentiel. Madame Macron porte une veste longue très élégante de couleur crème de son designer fétiche, Nicolas Ghesquière – le directeur artistique de Louis Vuitton –, ornée de larges broderies bleues, sur un petit haut très fluide blanc et l’un de ses éternels pantalons slims bleu marine. Pendant le dîner, elle rend hommage au créateur Azzedine Alaïa, mort en novembre 2017, et manifeste aussi sa gratitude envers les créateurs présents qui rendent « le métier de première dame beaucoup plus doux ». Même le très discret Mathieu Barthelat Colin n’a pas su résister au plaisir du selfie – qu’il a posté sur son compte Instagram – avec sa cliente et Anna Wintour, la prêtresse mondiale de la mode et rédactrice en chef du Vogue américain, qui a dîné à la table du couple présidentiel.

— Madame Macron incarne la femme du XXIe siècle, notamment en raison de son intelligence. C’est la nouvelle génération, affirme alors Marc Auclert, le designer.

Une nouvelle génération décrite par un nouvel acronyme anglophone : WHIP, women who are hot, intelligent and in their prime. Autrement dit, les femmes sexy, intelligentes et dans la fleur de l’âge.

Tina Isaac-Goizé, l’auteur de l’article du New York Times, le reconnaît d’ailleurs : « La Première dame de France est l’une des inspirations de ce nouvel acronyme. » C’est en effet en août 2017 qu’est née la WHIP, dans Stella, le supplément féminin du quotidien britannique conservateur The Telegraph. Un article dans lequel la journaliste Bibi Lynch écrit un long article basé sur une constatation : « Depuis que j’ai cinquante ans, je suis draguée par des hommes plus jeunes. »

Elle n’est pas la seule, dit-elle, en citant Madonna (28 ans de plus que son amoureux du moment), Mariah Carey (13 ans de plus), Joan Collins (32 ans de plus)... Avant d’ajouter en conclusion : « Et, bien sûr, il y a cette histoire d’amour magnifique entre Brigitte Macron et son mari ». Une histoire d’amour romanesque qui fait sortir la WHIP du monde du spectacle et la projette dans celui de la politique et du pouvoir. Un monde où justement, depuis des années, les hommes puissants choisissent la plupart du temps des compagnes bien plus jeunes qu’eux. L’article est illustré par une très belle photo du couple Macron, où il est classiquement habillé d’un costume alors qu’elle est en jean cigarette et veste rouge flamboyant. WHIP : aucun doute, c’est beaucoup plus moderne et beaucoup plus flatteur que l’éculé terme « cougar », accolé à toute femme vivant une histoire d’amour avec un homme plus jeune qu’elle.

Pour autant, Brigitte Macron est-elle une icône féministe ?

Le Frankfurter Allgemeine Zeitung rappelle qu’elle « appartient à la génération qui a connu le féminisme des années 1970 » et qu’elle a « concilié sa vie professionnelle et ses trois enfants » avant de qualifier le couple d’« entité indivisible à deux têtes », lui reconnaissant ainsi un rôle intellectuel. Mais Frédérique Matonti estime que c’est tout le contraire :

— Elle ne peut absolument pas être une icône féministe. Elle est au contraire dans une représentation très traditionnelle du rôle de la femme : elle abandonne son métier pour se mettre au service de la carrière de son mari. Elle ne tient aucun rôle politique et pourtant son rôle est indéniable. Elle est conseillère de l’ombre, ce qui est une manière de garder les femmes à leur place : dans les coulisses.

Propos renforcés par cette analyse d’Éric Fassin, chercheur au Laboratoire d’études de genre et de sexualité :

— Brigitte Macron demeure très conventionnelle. Elle est Première dame ; mais elle est « dame » avant d’être « première ».

La journaliste Apolline de Malherbe est du même avis :

— Brigitte Macron a trouvé son rôle, un rôle très maternel, ça ne chamboule pas les relations hommes femmes. Finalement, c’est un couple assez moderne, mais Brigitte Macron a une vision assez classique de l’épouse.

Comme le note Samuel Gontier dans Télérama en février 2018, Brigitte est donc tout à la fois « assez classique et assez moderne ». On comprend qu’elle décontenance les commentateurs…

Car d’autres la voient au contraire en symbole d’une ère nouvelle :

« Aux femmes qui ont trop longtemps souffert d’être considérées comme «périmées» après 50 ans, à celles qui en ont bavé parce que délaissées pour une plus jeune, Brigitte ouvre le champ des possibles, comme un acte de rébellion contre la «domination masculine». […] Elle ringardise dans le même temps le terme de «cougar», terme à connotation sexuelle qui servait jusque-là à qualifier les femmes sortant avec des hommes plus jeunes. »

Dans L’Obs, Fabienne Bruguière, philosophe, met tout le monde d’accord :

« Brigitte Macron séduit, car, dans son couple, elle déplace les codes sans les détruire. Elle renvoie l’image de la femme libre qui a pris des risques par amour. C’est une affirmation très moderne de la femme comme individu. Et en même temps [sic], on la voit dans un rôle très conventionnel auprès de son mari. […] Elle est à la fois transgressive et rassurante. »

Brigitte Macron relèverait donc d’un féminisme « en même temps » ?

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"Brigitte Macron. La Confidente" de Fabienne Cassagne

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