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Vers un divorce Air France/ KLM dans la grande tradition de ces alliances que les spécificités tricolores font capoter ?
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Amour vache

Le partenaire d'Air France, le néérlandais KLM, semble en avoir assez de ce voisin tout le temps en grève. De quoi mettre en danger leur alliance ? Il faut espérer que non.

Hubert Landier

Hubert Landier

Hubert Landier est expert indépendant, vice-président de l’Institut international de l’audit social et professeur émérite à l’Académie du travail et de relations sociales (Moscou).

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Atlantico : Depuis 2004, Air France et le néerlandais KLM font partie de la même holding, et les conflits sociaux commencent à agacer sérieusement les néerlandais. Ils évoquent ironiquement vouloir "faire grève pour se séparer d'Air France". Comment expliquer cette situation devenue délétère?

Hubert Landier : La situation d’Air France est le produit d’un management des relations sociales à la fois bureaucratique et prétentieux,  qui illustre parfaitement certains comportements typiques des dirigeants français.

Résumons. Un conflit qui dure avec les syndicats, en tête desquels les syndicats de pilotes. Ne sachant plus comment s’en tirer, Jean-Marc Janaillac imagine de mettre les syndicats en porte-à-faux par rapport aux salariés en organisant un « referendum » dont il espère que celui-ci lui donnera raison. Catastrophe, les résultats  donnent raison aux grévistes. Ce désavoeu est un signe de ce que la Direction générale d’Air France n’a qu’une idée très vague de ce qui se passe sur le terrain.

C’est ce qui s’appelle le signe d’un manque de professionnalisme dans l’appréciation du climat social. Mais ce n’est pas la première gaffe de la direction générale d’Air France. Il y a à peine plus d’un an, le 23 février 2017 très exactement, le comité central d’entreprise d’Air France découvrait que les membres du COMEX s’étaient attribués une augmentation de leur rémunération de 41 % en un an. Démenti de la Direction : elle n’aurait été que de 17,6 %. Et Jean-Marc Jamaillac, sans doute pour détendre l’atmosphère, d’expliquer dans Le Parisien du 3 mars que sa rémunération, à lui, n’avait augmenté que de 5 %. Ceci à quelques jours de la négociation sur les salaires, la NAO, qui devait s’ouvrir le 7 mars.

Si on ajoute à cela le fait que de nombreux salariés d’Air France sont sans illusion sur leur avenir professionnel, il n’y a pas de quoi s’étonner du résultat du vote. C’est cette incurie sociale de la Direction d’Air France qui commence à indisposer sérieusement les Néerlandais, et on les comprend.

Connait-on d'autres exemples de ce type avec des entreprises étangères? 

Le cas de la France est très particulier. Dans les pays du nord, en particulier, les grandes décisions font l’objet de discussions avant d’être adoptées. Les syndicats sont réellement partie prenante dans la vie de l’entreprise. En France, ils sont le plus souvent mis devant le fait accompli ; il ne leur reste plus qu’à négocier quelques détails secondaires. Le problème, c’est que ça ne marche plus. Le cas de la SNCF en est l’illustration : le gouvernement annonce la réforme et veut limiter les négociations au cadre qu’il a ainsi imposé alors que les syndicats veulent discuter de la réforme elle-même, ce que le gouvernement leur refuse. 

On dira bien que, aux Etats Unis aussi, le management de l’entreprise impose son point de vue aux salariés, à qui il arrive parfois d’être licenciés du jour au lendemain. La différence, c’est qu’en France, ce mode de management se combine avec la suffisance de certains cadres dirigeants et de certains hauts fonctionnaires. Or, il ne suffit pas d’avoir été dans un cabinet ministériel pour faire un bon DRH et être assuré d’avoir raison. La preuve : Air France.

La direction française d'Air France a accumulé les erreurs de gestion et de management comme ce fut le cas dans d'autres grandes entreprises, sans se soucier semble-t-il de son allié KLM. Quelles peuvent être les conséquences pour les néerlandais ? Les syndicats de KLM peuvent-ils demander des comptes, voire des réparations ?

Je n’ai pas les éléments qui permettraient de répondre précisément à cette question. Par contre, ce qui est clair à mes yeux, c’est que la mauvaise qualité des relations collectives de travail représente un handicap pour l’économie française. L’économiste Thomas Philippon chiffre à un ou deux points de croissance ce qu’il nous en coûte. 

L’attraction de la France s’en trouve réduite, aux yeux des investisseurs étrangers, qui imaginent parfois notre pays comme étant à feu et à sang. C’est un point que le président de la République devrait avoir en tête : il ne suffit pas d’avoir une politique économique cohérente et audacieuse ; encore fait-il qu’elle soit fondée sur une dynamique sociale positive. Et pour créer cette dynamique, il faut parler avec les gens, les écouter, les prendre au sérieux et négocier avec leurs représentants. A Air France, à la SNCF ou ailleurs.

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