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Les dangers du financement 
de la dette par l'épargne
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A double tranchant

François Hollande a déclaré vouloir financer la dette grâce à l'épargne des Français. Une bonne solution lorsque l'on a 1 700 milliards d'euros de dette à financer sur les marchés... mais qui pourrait s'avérer néfaste sans une gestion rigoureuse des dépenses publiques.

Marc Fiorentino

Marc Fiorentino

Marc Fiorentino a œuvré pour des banques d'affaires américaines en Europe durant seize ans, puis a créé sa propre société de Bourse, Euroland Finance, et en 2007, un site de conseil en investissement financier, Allofinance.com.

Il est l'auteur de Sauvez votre retraite, paru le 17 janvier 2013 aux éditions Robert Laffont

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L’idée n’est pas révolutionnaire. Mais elle sera adoptée après la « révolution de 2012 ».

C’est François Hollande qui l’a annoncé. Sa décision est prise. Et son raisonnement est juste. Quand on déclare la guerre à la Finance et qu’on a 1700 milliards d’euros de dettes à financer sur les marchés, il faut bien trouver une solution. Difficile de mordre la main qui vous nourrit. La France de François Hollande doit donc trouver une nouvelle source de financement ; et cette source de financement, elle est à portée de portefeuille : l’épargne des ménages.

Une épargne qui vole de record en record, à mesure que l’inquiétude des Français sur l’avenir de l’économie grandit. Un taux d’épargne à 16.8%, qui nous met sur le podium mondial des fourmis. 11 000 milliards d’euros. Si on enlève les 60% investis dans l’immobilier, il reste tout de même près de 5 000 milliards d’épargne financière. Trois fois la dette de la France. Une épargne qui cherche désespérément des placements sûrs, même s’ils ne sont pas très rentables. Les livrets A débordent, les autres livrets défiscalisés aussi, l’assurance vie reste, malgré la décollecte des derniers mois, le placement préféré des Français avec 1500 milliards d’euros. Alors pourquoi ne pas financer en partie la dette du pays par un grand emprunt d’Etat ?

Avec un emprunt à huit ans à 3,5% ou 3,75% nets d’impôts, l’Etat pourrait lever facilement 50 à 100 milliards d’euros. De quoi s’émanciper des marchés et des vilains spéculateurs anglo-saxons qui n’attendent qu’une occasion pour nous faire basculer dans le camp de l’Espagne, de l’Italie et du Portugal.

L’exemple vient du Japon

Le Japon est l'un des trois pays au monde les plus endettés, juste derrière le Zimbabwe, avec une dette qui représente 200% du PIB. Et pourtant, les taux à 10 ans japonais sont encore et toujours inférieurs à 1%. Le « miracle japonais » vient du fait que sa dette est entièrement placée auprès des investisseurs institutionnels et des ménages japonais. Le pays du Soleil levant ne fait pas appel aux marchés financiers. S'il empruntait auprès des investisseurs internationaux, son taux à 10 ans serait entre 4% et 5%, donnant au service de la dette un poids tout simplement insupportable.

Nicolas Sarkozy avait flirté avec l’idée, mais son grand emprunt est devenu un micro-emprunt, un programme de relance destiné à des secteurs dits d’avenir et qui a n’a été appliqué qu’en partie. Il aurait dû le faire depuis longtemps. Mais les banques, proches du pouvoir, l’ont convaincu de s'abstenir. De peur de voir l’argent quitter leurs bilans, des bilans qui dépendent largement encore des dépôts des épargnants, source de financement à coût réduit.

Seulement voilà, le grand emprunt a un inconvénient majeur : c’est une incitation à la paresse.


Si la France devient autarcique et s’autofinance, elle n’aura plus de sanction extérieure en cas de dérapage budgétaire. Elle n’aura plus peur des « marchés ». Elle pourra continuer à dépenser plus qu’elle ne gagne. Le déficit dérape : quelle importance puisqu’on pourra toujours puiser dans l’épargne des ménages ? Notre notation est abaissée au niveau de celle du Japon, deux crans en dessous de notre notation actuelle ? Même pas mal puisque nous emprunterons moins sur les marchés.

Il faut diversifier ses sources de financement. Qu’on soit un ménage, une entreprise ou un état. A condition de maintenir une gestion rigoureuse des finances publiques. Or, depuis plus de trente ans, sous des gouvernements de gauche comme de droite, la gestion des dépenses publiques a été désastreuse. Elle nous a mis dans le mur, pas le mur de l’argent mais le mur de la dette. Et ma crainte c’est qu’un grand emprunt aujourd’hui soit une opportunité pour un gouvernement de continuer à déraper sur une pente dangereuse, sans crainte.

Nous allons avoir un grand emprunt. C’est certain. Cela fait longtemps qu’il aurait du être lancé. Mais si l’argent est utilisé pour maintenir sous perfusion un système social qui n’est plus viable, ce sera une catastrophe.

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