L’Accord Commercial Anti-contrefaçon européen : chronique d’une mort annoncée ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L’Accord Commercial 
Anti-contrefaçon européen : 
chronique d’une mort annoncée ?
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Chasse aux pirates

Cet accord, l'ACTA, est en attente d'une ratification par les différents Etats européens. Il introduit une batterie de nouvelles sanctions inspirées du modèle américain. Mais est-il vraiment efficace ?

Antoine Chéron

Antoine Chéron

Antoine Chéron est avocat spécialisé en propriété intellectuelle et NTIC, fondateur du cabinet ACBM.

Son site : www.acbm-avocats.com

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L’Anti-Counterfeiting Trade Agreement  (ACTA) ou Accord commercial anti-contrefaçon (ACAC) est en attente de ratification par les Etats qui l’ont signé et notamment l’Union Européenne. Néanmoins, cette ratification ne peut avoir lieu sans le blanc-seing du Parlement Européen, qui s’exprimera en juin 2012. Or ce vote est loin d’être acquis.

En effet, les députés sont sensibles à l’ampleur des contestations qui agitent la société civile. Face à ce scepticisme, la Commission Européenne a décidé de saisir de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) afin de démontrer au Parlement que le texte ne remet pas en cause les libertés fondamentales.

Malgré cette annonce, David Martin, rapporteur auprès du Parlement s’est prononcé contre l’adoption du Traité.

L’Accord Commercial Anti-Contrefaçon comporte deux volets principaux. Le premier a pour objectif d’harmoniser les moyens de lutte contre la contrefaçon que l’on pourrait qualifier de « matérielle ». La plupart de ces mesures sont déjà en vigueur en France, depuis la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon et la loi n°2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

Toutefois, deux nouveautés sont à signaler. Premièrement, l’article 9.3 c) prévoit la possibilité d’ordonner en matière de droits d’auteur, le versement de dommages-intérêts « additionnels » à ceux réparant le dommage subi. Ainsi, les dommages-intérêts punitifs, couramment appliqués aux Etats-Unis, feraient leur apparition en Europe. Deuxièmement, l’article 25 prescrit la possibilité pour le titulaire des droits, de saisir ou confisquer les actifs appartenant au contrefacteur correspondant à la valeur des actifs dérivés provenant de l’activité en cause. Autrement dit, ce texte envisage la création d’une voie d’exécution spécifique à la contrefaçon, sans que celle-ci n’apparaisse nécessaire étant donné les dispositions existantes.

Néanmoins, les débats se sont cristallisés autour du second volet du Traité à savoir celui consacré au respect de la propriété intellectuelle dans l’environnement numérique et plus particulièrement sur son article 27. En effet, l’article 27.4 prévoit la faculté pour les Etats signataires d’adopter un système dans lequel « les autorités compétentes seront habilitées à ordonner à un fournisseur de services en ligne de divulguer rapidement au détenteur du droit des renseignements suffisants pour lui permettre d’identifier un abonné dont il est allégué que le compte aurait été utilisé en vue de porter atteinte à ses droits».

Ainsi, une obligation de divulgation des données est imposée aux FAI. Il convient de souligner à ce titre que l’expression « fournisseur de services » recouvre selon nous aussi bien les opérateurs de services en lignes (Orange, SFR) que les opérateurs de réseaux (Darty) ainsi que les fournisseurs de contenus (Google, Wikipédia).

En outre, l’expression « autorité compétentes » peut désigner le juge judiciaire comme le juge administratif, voire les autorités administratives indépendantes. L’existence d’un contrôle par le juge n’est donc pas garantie.

Cependant, le caractère attentatoire de cette mesure doit être nuancé car l’adoption de ce système est une faculté laissée aux Etats et non une obligation.  Ensuite, les renseignements exigés de la part des FAI ne portent que sur l’identité du compte utilisé aux fins de contrefaçon. En d’autres termes, il ne s’agit pas ici de mettre en place un système de filtrage par les FAI, ce à quoi s’oppose la CJUE de manière systématique (arrêt SCARLET, NETLOG). En outre, les allégations présentées par le détenteur de droits doivent être « suffisantes sur le plan juridique » pour justifier l’obtention desdits renseignements. Enfin, en France, l’HADOPI permet d’ores et déjà d’ordonner aux FAI la communication du nom de famille, prénom, coordonnées téléphoniques, électroniques et adresse d’installation téléphonique de l’abonné concerné.

Il ressort des différents commentaires relatifs à l’ACTA que les autres dispositions du Traité sont relativement peu discutées. Or les articles 27.5 et 27.6 renforcent les mesures de lutte contre la neutralisation des mesures techniques de protection (DRM). Ces mesures ne sont pas anodines car elles compromettent la légalité de la copie privée, considérée jusqu’à présent comme une exception au droit d’auteur. Enfin, l’article 27.7 prévoit des sanctions contre l’altération des métadonnées. Ces articles constituent des entraves à la libre utilisation des biens légalement acquis.

Pour conclure, l’ACTA dans sa grande majorité ne comporte pas de changements significatifs au regard de la loi française en vigueur. Néanmoins, certaines mesures sont légitimement critiquables. En outre, les termes employés dans l’Accord sont si larges que la marge de manœuvre laissée aux Etats est vaste, ce qui laisse craindre des dérives interprétatives. Or cette incertitude rend inacceptable l’adoption de ce Traité. 

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