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Eric Ciotti : « Emmanuel Macron n’est pas le président de la restauration de l’autorité mais celui de l’autoritarisme »
©BERTRAND GUAY / AFP

Grand entretien

Pour Atlantico, le député Eric Ciotti, très critique sur la loi asile et immigration actuellement en discussion au Parlement, décrypte la stratégie des Républicains, notamment sur les sujets de l'immigration et de la sécurité.

Eric Ciotti

Eric Ciotti

Eric Ciotti est député Les Républicains. Il a été président du conseil départemental des Alpes-Maritimes de 2008 à 2017. Il est également questeur de l'Assemblée nationale.

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Atlantico : Les Républicains misent beaucoup sur le thème de l’immigration pour se démarquer d’Emmanuel Macron et vous avez beaucoup critiqué la loi asile et immigration. En quoi serait-elle une loi si différente de tout ce qui a déjà été fait jusqu’à présent ?

Eric Ciotti : C'est une loi au mieux inutile, mais surtout, je le crains, dangereuse. Inutile parce que sur la base de bonnes intentions, elle n'aboutit qu'à des mesurettes techniques dont l'efficacité est largement altérée par les concessions faites à l'aile gauche de la majorité. Dangereuse parce qu'elle risque de conduire à un nouvel appel d'air migratoire, notamment avec la mesure de regroupement familial des frères et sœurs des mineurs réfugiés. Ce qui est certain, c'est que ce texte n'est en rien à la hauteur de la gravité des défis auxquels notre pays est confronté.

Nous le savons, l'Europe va être confrontée au cours des décennies à venir à des flux migratoires très importants. Le continent africain verra, à l'horizon 2050, sa population doubler, avec 2 milliards et demi d'habitants. Les conflits armés, l'évolution climatique, risquent d'envoyer des centaines de milliers de personnes sur les axes migratoires. Parallèlement, nous mesurons aujourd'hui sur notre sol national les conséquences dramatiques de 50 ans de politique migratoire.

L'intégration est un échec absolu. Nous n'arrivons plus à assimiler les étrangers qui arrivent sur notre sol à la nation française. Le communautarisme et la ghettoïsation de certains territoires en sont la conséquence directe.

Face à ces défis nationaux et internationaux, nous avons un devoir : réduire l'immigration. Réduire l'immigration légale, et combattre sans relâche l'immigration illégale. Pour cela, il faudra une volonté politique forte. C'est celle que nous avons affirmé cette semaine avec Laurent Wauquiez lors de la convention immigration des Républicains.

Le projet de loi du gouvernement se contente de petits ajustements, en rien à la hauteur de la gravité du moment. J'ajoute qu'au-delà du contenu du texte, je suis extrêmement inquiet par les non-dits du gouvernement. Nous avons appris au début de la discussion qu'un pacte caché de régularisation aurait été conclu entre le Ministre de l'Intérieur et les députés LREM. On parle de 30 à 40.000 de régularisations de clandestins concédées à l'aile la plus à gauche de LREM. On parle aussi d'une nouvelle proposition de loi pour les mineurs étrangers qui déconstruirait ce que la loi d'aujourd'hui pourrait mettre en place. Une fois de plus, on est dans la même méthode : le gouvernement a ouvert le robinet d'eau tiède. C'est le "En même temps" qui règne. Un petit pas en avant, un petit pas en arrière. Au final, c'est l'immobilisme qui domine.

La surenchère sécuritaire dans les mots peut-elle suffire à convaincre qu’avec Les Républicains, les choses seraient gérées de manière très différente ? N’y a-t-il pas aussi un problème de culture dans l’application des lois en France autant qu’un besoin de renforcement permanent de l’arsenal législatif ?

Il n'y a aucune surenchère dans nos propositions et dans nos mots. Il y a simplement, face à un constat d'une situation très dégradée, la volonté d'agir enfin sans tabou et avec pragmatisme. Bien sûr, nous avons un travail de conviction à effectuer auprès des Français, pour qu'ils aient la garanti que demain, s'ils nous font confiance, ces mesures seront appliquées et qu'elles changeront le cadre d'action.

Il faut que cette certitude soit au rendez-vous. C'est à notre famille politique, et à elle seule, qu'incombe cette responsabilité. Ce ne sont évidemment pas les extrêmes qui peuvent conduire le changement. Ce n'est pas le pouvoir, enfermé dans la communication marketing impuissante. Ce n'est pas le président de la République qui ne parle pas à la France mais à des communautés et des catégories marketing. C'est aux Républicains d'assumer cette lourde responsabilité. Nous devons avoir conscience de cet enjeu.  

Le récent sondage Ifop pour Paris Match est très sévère pour Laurent Wauquiez qui n’obtiendrait que 8% au 1er tour de la présidentielle. Pourquoi selon vous la stratégie des LR ne fonctionne-t-elle pas auprès des Français et pas non plus auprès des électeurs de droite qui sont nombreux à se tourner vers Emmanuel Macron ?

Ne pas être donné vainqueur à quatre ans de l'échéance par un sondage est plutôt un très bon signe si on se réfère aux exemples du passé. Jamais un sondage n'a donné le sens d'une élection, y compris pour Emmanuel Macron, qui à un an du scrutin obtenait entre 8 et 10% dans les enquêtes d'opinion. Alain Juppé a été pendant trois ans présenté comme le futur président, élu et proclamé. On voit comme cela s'est terminé.

Ces sondages n'ont aucun sens. Je préfère regarder les élections législatives partielles où les Républicains ont montré que les Français étaient près à nouveau à se tourner vers eux. Nous avons gagné largement, nous avons reconquis une circonscription, et nous avons très largement augmenté nos résultats par rapport à juin là où LREM s'est effondrée.

Mais je suis aussi le premier à dire qu'il nous reste beaucoup de travail à faire. Nous avons failli disparaitre, Mais nous sommes debout. Debout, forts de nos convictions, de nos valeurs, auxquelles nous sommes restées fidèles, les valeurs de la droite républicaine Qui pour moi se résument en deux piliers : la liberté et l'autorité.

Et en ce sens, Laurent Wauquiez a entrepris un formidable travail de reconstruction. Ce travail, j'appelle tous ceux qui sont attachés à l'avenir de notre pays à l'effectuer avec nous.

Y a-t-il un sens à avoir une ligne qui ressemble à la fameuse ligne Buisson héritée de l’ère Sarkozy alors que Patrick Buisson lui-même semble désormais se tourner plus vers le FN et Marion Maréchal-Le Pen ? D’autant que toute démonétisée qu’elle puisse paraître, Marine Le Pen ferait un bon score à la présidentielle selon le même sondage IFOP ?

Nous n'avons aucune utilité à nous référer à d'autres, ou à choisir des références extérieures. Notre famille politique ne doit pas se soucier de ce que disent les uns les autres. Notre feuille de route est claire : être fidèle à nos valeurs et nos convictions, servir la France et bâtir un projet d'alternance.

Je ne tomberai dans aucun des pièges que veulent nous tendre nos adversaires. Nous n'avons rien à voir avec le Front National, et les Français doivent mesurer que le FN est une impasse. Et que tout vote FN offre un peu plus la garantie à M. Macron de se maintenir demain au pouvoir.

Avoir le courage de dire qu’il y a trop d’immigration comme vous le revendiquez est une chose mais quelles peuvent vraiment être les solutions ? Faut-il une révolution intellectuelle pour accepter que le monde dans lequel nous vivons ne ressemble plus à celui de la deuxième moitié du 20e siècle : croyez-vous au modèle des démocraties non-libérales qui se développent à l’est de l’Europe, en Hongrie ou en Pologne, plus d’autorité et de fermeté pour faire face aux défis nouveaux, quitte à réaménager nos conceptions des libertés publiques ?

La France a son histoire, sa spécificité, ses valeurs. Nous n'avons pas besoin de rechercher des références à l'est ou ailleurs. Après, il n'est pas nécessaire d'avoir des exemples extérieurs pour dire que notre pays a besoin de plus d'autorité. J'ai écrit en 2015 un livre intitulé "Autorité" pour dire que oui, en effet, nous devons faire notre révolution. De l'école, en passant par la famille, jusqu'à la tête de l'État, l'autorité doit réinstaller au cœur de la République.

Les solutions, nous les avons proposées sans tabou avec Laurent Wauquiez. Il faut d'abord, sur la base du constat qu'il y a trop d'immigration en France, mettre en place une politique qui réduise fortement l'immigration. Pour cela, nous proposons que chaque année, le parlement vote des plafonds migratoires. L'année dernière, le gouvernement actuel a délivré 262.000 titres de séjour. Dans ces titres, il y a 90.000 qui relèvent de l'immigration familiale et quasiment autant de l'immigration étudiante. Il faut réduire les migrations familiales. Il faut durcir les critères de regroupement. Il faut être moins naïf par rapport au détournement de procédures, et notamment aux mariages arrangés.

Pour l’immigration des étudiants, il faut avoir le courage de dire qu’une partie de celle-ci ne sert que de prétexte pour obtenir un titre de séjour. C'est pour cela, notamment, que je propose une caution pour tous ceux qui veulent venir dans notre pays. Parallèlement, il faut lutter avec beaucoup plus de force contre l'immigration illégale. Pour cela, et alors que cela n'est quasiment plus appliqué aujourd'hui, il faut mettre en place une véritable politique d'éloignement. Ceux qui sont en situation irrégulière n'ont pas vocation à rester sur le territoire national.

Nous proposons que ceux qui sont entrés illégalement en France, une fois qu'ils aient été expulsés, ne puisse plus jamais obtenir un titre de séjour. Nous proposons aussi de mettre un terme à l'attractivité sociale de notre pays. Laurent Wauquiez l'a dit : beaucoup des flux migratoires sont liés à la générosité de notre modèle social. Nous proposons ainsi que les prestations sociales non-contributives soient versées après un long délai sur le territoire national, en l'occurrence cinq ans.

Enfin nous voulons aussi nous attaquer au tabou du droit du sol en y apportant des restrictions importantes. Nous disons

Nous disons également qu'un enfant d'étrangers qui sont rentrés en situation irrégulière ne peut obtenir la nationalité française. Nous disons aussi que lorsque quelqu'un a commis un acte de délinquance, il ne peut pas obtenir la nationalité française. Nous devons aussi avoir une action très forte pour combattre tous ceux qui sont rentrés en France de façon illégale et qui ne respectent pas les lois de la République ou représentent une menace pour notre pays.

Je pense en particulier aux 3000 islamistes radicalisés inscrits au fichier de la radicalisation terroriste (FSPRT) qui n'ont aucune raison de demeurer sur le territoire national. Quand on représente une menace pour la France, on n'a pas vocation à rester en France. Je pense aussi aux délinquants étrangers : quand on vit en France et qu'on ne respecte pas les lois de la République, on doit poser un principe clair : l'expulsion du territoire national. Notre pays a été trop naïf.

Et nous en payons aujourd'hui le prix fort en termes de sécurité. Il faut enfin mettre un terme à ces dérives. Cela sera compliqué, certains pensent même que c'est déjà trop tard. C'est vrai qu'il est tard quand on voit la ghettoïsation de certains quartiers, de certaines villes et même de certains départements. Mais c'est une exigence si on veut que demain la France reste la France.

Évacuation de Tolbiac, succès avec les occupants de la ZAD de NDDL qui acceptent de négocier avec le gouvernement, fermeté face à la CGT, Emmanuel Macron est-il en train de réussir une OPA sur le régalien et devenir celui qui aura réussi à tenir tête aux intimidations idéologiques de la gauche ?

Je crois qu'on est loin de ces résultats. Naturellement, je me réjouis que Tolbiac ait été évacué. C'était bien le moindre après un mois d'occupation et de violences. Mais où est le retour de l'autorité quand la loi supposée remplacer l'état d'urgence aboutit à affaiblir nos dispositifs de sécurité contre le terrorisme ? Un chiffre symbolise ce recul : 6 perquisitions administratives depuis le 1er novembre 2017 alors qu'il y en avait eu 4600 entre le 13 novembre 2015 et le 30 novembre 2017. Où est l'autorité quand on a reculé devant la violence à Notre-Dame-des-Landes puisque le référendum populaire a été bafoué, rejetant le projet d'aéroport demandé par les habitants de l'ouest de la France, et lorsque on renonce à évacuer l'occupation illégale d'un site territoire de la République ? Ce qui se passe à Notre-Dame-des-Landes est grave.  On voit partout en France des agriculteurs soumis à une accumulation de normes qui les empêche de travailler. Et là par miracle, en quelques jours, on donne tous les droits à de pseudo-projets collectifs qui peuvent même revêtir une nature politique. Qu'est-ce que cette idée de prendre possession de terrains qui ne leurs appartient pas ? On est dans le délire le plus absolu.

Où est l'autorité lorsqu'on donne 270.000 titres de séjour à des migrants et que l'on ne procède, selon les chiffres même du ministre de l'Intérieur, qu'à à peine 10% d'éloignement pour les mesures d'obligation de quitter le territoire français. Pour M. Macron, l'autorité est un slogan de communication et en aucun cas une réalité d'action. Ne confondons autoritarisme et autorité. L'autoritarisme est la marque de ce président qui veut museler le parlement, l'opposition et même sa majorité puisque les voix dissonantes sont menacées d'exclusion.

Si on en croit le détail des enquêtes d’opinion, les Français pensent qu’Emmanuel Macron à le mérite d’agir et de s’attaquer aux blocages français mais que la politique menée par le gouvernement est injuste et qu’ils ne perçoivent pas tellement le cap suivi par ce quinquennat. Que répondriez-vous à la question posée par Jean-Jacques Bourdin au Président et sur lequel nous sommes restés sur notre faim : "où nous mène Emmanuel Macron ?"

 Je crois que le pouvoir n'a pas de cap. Ce qui me choque c'est qu'Emmanuel Macron regarde la France comme un produit de marketing. Il regarde les Français selon les catégories et selon les communautés. Et oui, en permanence dans sa politique, il y a une injustice sociale qui apparait.

Il a bénéficié de circonstances économiques internationales très favorables. Mais ne nous détrompons pas, il n'y a pas de souci de réforme. Tous les sujets un peu difficiles ont été écartés – les 35h, les retraites, le nombre de fonctionnaires, la baisse des dépenses publiques. Il a toujours recours aux vieilles méthodes socialistes : l'augmentation de l'impôt : 4 milliards et demi d'impôts en plus pour les ménages français. Et c'est vrai que je déplore aussi cette forme d'injustice qui fait que ce sont les très riches qui bénéficient de l'essentiel des mesures de baisses fiscales alors que l'immense majorité se trouve confrontée à la diminution de son pouvoir d'achat.

Et où nous mèneraient les Républicains s’ils étaient au pouvoir ?

Les Républicains doivent conduire une véritable révolution fiscale dans notre pays. La droite doit être demain le mouvement qui fera baisser nos impôts. Notre pays est asphyxié par les prélèvements obligatoires qui atteignent presque des records mondiaux. Nous redresserons notre économie structurelle, demain, uniquement si nous avons le courage de baisser massivement nos dépenses publiques afin de baisser massivement nos impôts. Les Républicains devront être aussi le parti de l'autorité. Une autorité qui décide de qui nous voulons accueillir sur notre territoire. Une autorité qui combatte le communautarisme islamiste. Une autorité qui restaure la sécurité nationale sur le territoire.

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