Non, au droit de vote à 16 ans : "Impossible de faire preuve de discernement politique si jeune"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Non, au droit de vote à 16 ans : 
"Impossible de faire preuve 
de discernement politique si jeune"
©

A voté ?

Eva Joly et Philippe Poutou ont répondu favorablement mercredi à la revendication formulée par l'Union nationale lycéenne, d'accorder le droit de vote dès 16 ans. Mais est-ce vraiment pertinent ?

Didier Maus

Didier Maus

Didier Maus est Président émérite de l’association française de droit constitutionnel et ancien maire de Samois-sur-Seine (2014-2020).

 

Voir la bio »

Il existe une tendance historique à abaisser l'âge de la majorité, qu'il s'agisse de la majorité civile, de la majorité pénale, de la majorité sociale, voire de la majorité sexuelle. C'est ainsi que la majorité civique de 21 ans a été ramenée à 18 ans à l'initiative de Valéry Giscard d'Estaing en 1974. Il s'en est suivi que l'âge d'éligibilité à lui-même été fixé à 18 ans, supprimant ainsi la sorte de stage qui existait antérieurement entre l'âge d'accès au droit de vote et celui auquel on peut se présenter. La dernière étape a été celle du Sénat, même s'il est encore nécessaire d'être âgé de 24 ans pour pouvoir se présenter à une élection sénatoriale.

Il est évidement nécessaire de déterminer un plancher en-deçà duquel l'octroi du droit de vote n'aurait guère de signification.

Est-il envisageable de le déterminer de manière rationnelle ? Sans doute pas. Chaque individu accède à la conscience politique, et par conséquent à la capacité de participer à la décision collective à un âge différent. Cela dépend de nombreux facteurs, y compris les circonstances historiques. Les jeunes adolescents engagés dans la Résistance possédaient une expérience politique réelles. La célèbre lettre de Guy Môquet en porte témoignage. Le code électoral a d'ailleurs comporté pendant longtemps une disposition qui permettait d'accorder le droit de vote avant 21 ans à ceux qui avaient été décorés très jeune pour fait de guerre.Aujourd'hui il faut garder raison etne pas céder à la tentation d'aligner le droit de vote sur le droit de participer aux élections professionnelles, à partir de l'âge légal d'accès au travail, c'est-à-dire 16 ans. Il existe une logique du travail et de l'entreprise qui n'est pas obligatoirement la même que celle de la démocratie politique.

Le jeune qui travaille a, par définition, quitté le système scolaire de l'enseignement secondaire et est entré dans le monde des adultes. La plupart des garçons et filles de 16 ans sont encore scolarisés. C'est un argument de poids pour considérer qu'ils n'ont pas encore rejoints la communauté politique nationale. Certes le constat pourrait être transposé pour les jeunes de 18 ans, mais en règle générale ils sont sortis du système scolaire ou sont en passe de la faire. Si l'on estime que les collèges et les lycées doivent mieux préparer à la vie civique, il faut maintenir la majorité à 18 ans.

Fixer la majorité civique, voire civile, à 16 ans conduirait nécessairement à abaisser la majorité pénale dans la même proportion.Il serait impossible de soutenir qu'une personne de 16-18 ans dispose d'un véritable discernement politique, mais demeure un mineur au regard de  sa responsabilité pénale (sauf les dispositions dérogatoires individuelles). Compte tenu des controverses sur le droit pénal des mineurs, il est hautement préférable de ne pas le compliquer avec les conséquences d'une modification de la majorité électorale.

Il importe pour se déterminer de ne pas tenir compte des effets politiques immédiats de la mesure proposée par Mme Joly et M. Poutou. Ils sont invérifiables, même si les résultats de 1981 montrent que l’abaissement de la majorité à 18 ans a probablement favorisé M. Mitterrand plus que M. Giscard d’Estaing.

Honnêtement, 18 ans est un âge très généralement admis dans les démocraties européennes. Ne cédons pas à la manie de vouloir que la France soit systématiquement une exception.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !