Vendredi 13 : peut-on provoquer sa chance, éléments de réponse<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Science
Vendredi 13 : peut-on provoquer sa chance, éléments de réponse
©Pixabay

Good Luck

La chance pure existe rarement. Même si elle peut se manifester, ce que l'on croit en être est souvent le résultat d'un hasard bien maîtrisé. La difficulté d'accepter le phénomène aboutit à des erreurs d'interprétation de la signification réelle de ce qu'est "la chance" et à des croyances sans aucun fondement sérieux.

Nicolas Gauvrit

Nicolas Gauvrit

Nicolas Gauvrit est chercheur en Mathématiques appliquées à la psychologie, à l'éducation, en probabilités statistiques et probabilités subjectives.

 
 
Voir la bio »

Atlantico : Une enquête du University College London menée sur un site de paris sportifs en ligne montre qu'un client qui réussit trois paris de suite a 67% de chances de réussir le quatrième, et que s'il réussit son quatrième pari, il aura alors 72% de réussir le cinquième. Et vice-versa, plus ils perdent, plus ils ont de chance de continuer à perdre. Que peut-on en conclure sur le facteur chance ?

Nicolas Gauvrit : On peut en conclure que certaines personnes connaissent plus les équipes sportives ou les sportifs que d'autres et sont donc plus capables de prédire qui va gagner. Ils réussissent donc mieux à enchaîner une série de victoires. Déterminer l'équipe qui va gagner ou qui va perdre n'a rien d'aléatoire. Il y a une part de hasard, sinon certains gagneraient dans presque 100% des cas, mais il y a aussi une part de prévisible. La définition du hasard dit bien que ce n'est pas du hasard si on peut le prévoir.

De manière générale, quand on essaye d'être aléatoire, on tente de produire des comportements qu'une autre personne ne va pas pouvoir prédire. On est alors moins aléatoire que le hasard. Par exemple, si  l'on demande à quelqu'un de donner une série de piles ou faces, il y a très peu de chances que cette personne ne réponde que par des piles, parce que cela ne paraît pas normal. Or, avec une vraie pièce, c'est possible d'obtenir une telle série. Les gens ne sont pas parfaitement aléatoires car ils évitent les suites trop simples. Nous sommes étonnés par ce genre de suite, on se dit que cela ne peut pas être aléatoire, qu'il y a quelque chose de caché derrière tout cela alors que c'est tout à fait probable que cela arrive. Nous avons une représentation faussée du hasard car on attend que le hasard nous prouve que c'est bien du hasard.

La question de la mise en perspective est très importante. Par exemple, gagner trois fois de suite à la machine à sous du casino est très rare, cela nous paraît incroyablement chanceux, mais c'est possible. Pour la personne qui remporte le gros lot parmi les millions qui jouent, seul son cas personnel compte et elle a l'impression d'être très chanceuse. Or il est juste probable que cela tombe sur quelqu'un parmi tous ceux qui ont tenté leur chance.

Selon une enquête de la Française des Jeux réalisée en 2013, 61% des Français déclarent ne pas aimer laisser faire le hasard dans leur vie. 10% des Français pensent qu'il a joué un rôle essentiel dans leur existence. Y-a-t-il une explication rationnelle derrière la perception du hasard ?

En général, on n'aime pas se rendre compte que le hasard joue un rôle important dans notre vie. Le psychologue canadien Steven Pinker explique que  le hasard a un rôle beaucoup plus important que l'on imagine dans nos rencontres et tout ce qui se passe dans notre vie. Il y a aussi un phénomène de besoin de contrôle, c’est-à-dire que l'on a besoin de sentir que l'on peut faire quelque chose. Par exemple, quand on est malade, le médecin donne quelque chose même si l'on ne peut rien faire. Il s'agit de placebos, des médicaments qui n'ont pas ou peu d'effet mais qui feront du bien parce qu'on a l'impression d'agir. Ce besoin de contrôle débouche donc souvent sur l'illusion de contrôle, c'est-à-dire l'impression que l'on contrôle ce qui en réalité arrive par hasard.

La chance est-elle une forme d'intelligence ? Est-ce que cela se provoque ? Est-ce que croire en sa chance augmente la probabilité de la provoquer ?

Croire en la chance est une forme d'intelligence émotionnelle car cela permet d'être plus heureux dans sa vie. Cela peut déboucher sur des comportements plus risqués dont les résultats peuvent être plus positifs ou plus négatifs. Pour revenir aux paris sportifs, cela peut se traduire par des gains plus importants mais aussi des pertes plus conséquentes.

Les gens ont tendance à attribuer à des causes externes ce qui leur arrive de mal, comme l'élève qui q une mauvaise note et qui affirme que ce n'est pas de chance, que les questions sont tombées ssur leur seul sujet qui n'a pas travaillé. Celui qui a une bonne note n'affirmera  pas qu'il a eu de la chance en tombant sur le seul sujet qu'il a révisé. La chance est une sorte de hasard un peu biaisé.

Peut-on alors encore parler de chance ?

Quelqu'un qui joue au Loto et qui gagne a eu de la chance : il lui est arrivé quelque chose de bien par hasard. Cela devient irrationnel quand on pense que la chance est attachée à cette personne. C’est-à-dire croire que si elle a gagné une fois au Loto alors elle gagnera encore, comme si c'était un trait de personnalité.

Mais c'est en croyant à la chance qu'on a le plus de chance d'avoir de la chance. Tout dépend de l'importance que l'on accorde à la vérité par rapport au bonheur, mais on a plutôt intérêt à ne pas savoir que ce n'est pas de la chance. Pour reprendre l'exemple du placebo, mieux vaut ne pas savoir qu'il n'a aucun intérêt médical car cela ne nous permettra pas de croire en son efficacité et donc d'aller mieux.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !