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Journée mondiale de la maladie de Parkinson : s’il n’existe toujours aucun traitement, voilà comment l’exercice physique peut vraiment aider ceux qui en sont atteint
©Reuters

Le sport, c'est la santé

Une étude relayée par le "New York Times" évoque les bienfaits de l'exercice physique pour les patients atteints de la maladie de Parkinson. Dans les stades précoces de la maladie notamment, l'activité pourrait retarder son développement.

André  Nieoullon

André Nieoullon

André Nieoullon est Professeur de Neurosciences à l'Université d'Aix-Marseille, membre de la Society for Neurosciences US et membre de la Société française des Neurosciences dont il a été le Président.

 

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Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Alors que ce 11 avril est la Journée mondiale Parkinson, une étude datant du mois de février 2018, relayée par le New York Times, a pu faire état des bienfaits liés à l'exercice physique, notamment dans les stades précoces de la maladie, qui pourrait retarder son développement. Quels sont les processus ici en action, et permettant de tels effets ? L'exercice physique est-il donc une arme efficace contre la maladie ?

André  Nieoullon : La maladie de Parkinson, 200 ans après sa caractérisation, reste une maladie méconnue tant en ce qui concerne ses causes que ses mécanismes, et sans traitement curatif en dépit de recherches considérables en particulier dans notre pays qui occupe une place de leader international dans ce domaine. Elle touche autour de 1% de la population après 60 ans, soit plus de 150 000 personnes dans notre pays et près de 1,2 million en Europe. Il s’agit d’une maladie dégénérative du système nerveux qui présente la particularité de voir disparaître très progressivement sur plusieurs dizaines d’années et assez sélectivement une population toute particulière de cellules du cerveau identifiées comme neurones produisant une substance connue comme étant la dopamine cérébrale. Dès lors, en l’absence de cette dopamine, le cerveau contrôle moins bien les mouvements qui deviennent plus lents et plus rares, du fait notamment d’une certaine rigidité des muscles, et cette maladie s’accompagne d’un tremblement particulièrement présent lorsque les membres ne sont pas engagés dans des mouvements (tremblement au repos) et d’une posture du corps qui a tendance à adopter une attitude « en flexion » caractéristique. Cette image est naturellement très schématique et beaucoup de malades ne s’y reconnaîtront pas, d’autant que la progressivité de l’apparition des symptômes parfois plusieurs années avant que le malade soit pris en charge par un neurologue, fait qu’au tout début la maladie est difficile à identifier. Il s’agit donc d’une maladie qui s’installe de façon insidieuse, parfois avec des signes très indirects comme une simple constipation chronique, une fatigue qui dure, et jusqu’à des signes d’anxiété et souvent de dépression. Débutant ainsi souvent dans la quarantaine, elle est le plus souvent étonnamment diagnostiquée et prise en charge plutôt dans la soixantaine… Les travaux les plus récents, nous y reviendrons, suggèrent une forte hétérogénéité de la maladie aboutissant au constat qu’il n’y a pas UNE mais DES Maladies de Parkinson.

Les travaux dont vous faites état suggèrent dès lors que l’une des façons de combattre et de ralentir –et cela est très important- la Maladie de Parkinson est de promouvoir l’exercice physique. Si cette étude a le mérite de tenter de paramétrer l’intensité de l’exercice nécessaire à une telle action thérapeutique, il n’en est pas moins vrai que l’idée est ancienne et, qu’en France en particulier, sous l’impulsion de l’Association France Parkinson dont j’ai longtemps eu l’honneur de présider le Conseil scientifique, de nombreuses campagnes ont été organisées pour promouvoir l’activité physique. S’agissant d’une maladie qui s’accompagne d’un affaiblissement des capacités motrices en général, toute action visant à maintenir la musculature dans le meilleur état possible va dans le sens de l’amélioration des malades. C’est en premier lieu l’objet de la kinésithérapie lorsque les mouvements sont rares et difficiles, en particulier lorsqu’il existe en plus des troubles de l’équilibre. Et France Parkinson a également contribué à promouvoir avec bonheur des activités comme la danse (notamment à Aix en Provence sous l’impulsion de Roselyne Aurenty), qui aide admirablement les malades. Mais ce qu’évoquent les travaux cités ci-dessus est que la pratique d’une activité physique juste après le diagnostic de maladie de Parkinson (avant la mise en place d’un traitement) va contribuer à retarder le développement de la maladie, à la condition que cette activité (ici de la marche « active » sur un tapis roulant) soit régulière (l’étude porte sur 6 mois) et relativement soutenue (sans que le malade dépasse ses limites, toutefois), le caractère soutenu de l’exercice étant monitoré par le passage d’une fréquence cardiaque maintenue à un rythme assez élevé pendant 30 min, 4 fois par semaine. Bien que le nombre de malades impliqué dans cette étude soit relativement limité, il n’en reste pas moins que celle-ci tend à montrer les bienfaits de l’exercice. Naturellement, certains biais méthodologiques ne permettent pas de conclure définitivement mais tout le monde s’accorde à penser, comme à France Parkinson, que l’exercice physique contrôlé et adapté à tout un chacun est bon pour les malades.

Quant aux mécanismes susceptibles d’intervenir, ils sont probablement de nature très indirecte et invitent à une certaine prudence du fait de l’absence de travaux plus approfondis. Deux hypothèses peuvent néanmoins être formulées, non mutuellement exclusives. D’abord, chacun admettra que l’activité musculaire et la souplesse nécessite un entretien de cette musculature. Plus cette musculature sera maintenue en bon état, moins les mouvements seront amoindris et plus les performances maintenues. Ensuite, il est possible d’évoquer des facteurs encore plus indirects considérant que l’exercice va favoriser la circulation sanguine et par-là, l’irrigation du cerveau et l’oxygénation des neurones. Ceci est certainement important, considérant par ailleurs que l’un des facteurs de risque de la maladie est lié aux atteintes cardio-vasculaires. Mais j’ajouterai que le fait de pratiquer cette activité en groupe, sous le contrôle d’un coach, et en rythme, mobilise aussi des facteurs psychologiques et sociaux qui ne sont certainement pas neutres pour le malade qui s’implique volontairement dans cette expérimentation. A suivre, donc, et avec intérêt ! Mais s’il s’agit de donner un conseil aux patients, alors oui, faites de l’exercice et forcez-vous un peu !

Stéphane Gayet : Depuis quelques années, l'exercice physique est largement promu en médecine, tant sur le plan préventif que curatif. C'est écologique et c'est bon pour la santé. Avant d'entrer dans des considérations physiologiques, il faut dire que la vie animale est incompatible avec l'immobilité. D'un point de vue finaliste, le corps humain n'est pas fait pour la sédentarité et encore moins pour l'alitement prolongé. L'état grabataire évolue plus ou moins rapidement vers le décès, ceci en raison de la survenue d'une série de complications dites de décubitus (le fait d'être allongé sur un plan horizontal). Au contraire, l'exercice physique – terme préférable à activité physique, car il s'agit bien d'exercice – est bienfaisant. Il améliore la thymie (l'humeur), stimule l'élan vital et rend le corps plus confortable. Sur le plan métabolique, l'exercice physique – attention : avec transpiration ou essoufflement – permet une dégradation des lipides de stockage (graisse abdominale principalement) et contribue à prévenir, mais aussi à soigner le diabète de type 2. Sur le plan neurologique, il est recommandé dans la sclérose en plaques (SEP) et dans la maladie de Parkinson, entre autres. Il améliore également l'état dépressif réactionnel, l'insomnie ainsi que la constipation. Ce ne sont là que quelques effets significatifs.

Sur le plan physiologique, l'exercice physique au cours de la maladie de Parkinson stimule la synthèse de dopamine (le neuromédiateur dont manque le cerveau du parkinsonien) par les neurones dopaminergiques restants. On constate effectivement une élévation des niveaux de dopamine avec l'exercice physique. Les neurones dopaminergiques sont même très sensibles, tant à l'exercice physique qu'à son absence. De fait, pratiqué à un stade précoce, l'exercice physique ralentit l'évolution de la maladie. Une hypothèse émise est que cette augmentation de la production de dopamine lors de l'exercice physique serait la conséquence de l'élévation de la concentration en calcium dans le sang qu'il entraîne. Mais plus simplement, l'exercice physique tend à sauvegarder les capacités locomotrices fonctionnelles : il prévient les raideurs articulaires, préserve l'équilibre et la coordination locomotrice, lutte contre l'akinésie (inertie motrice), entretient l'aptitude à la marche et contribue à maintenir l'autonomie. En cela, l'exercice physique est partie intégrante de la prise en charge du parkinsonien.

Daniel Corcos, professeur de la Feinberg School of Medecine, indique "je suppose qu'un exercice physique de haute intensité donnerait de meilleurs résultats pour améliorer la vascularisation du cerveau et l'apport sanguin neuronal". Faut-il voir l'exercice physique comme le meilleur traitement, ou simplement comme un complément de remèdes existants ? Quels sont les traitements efficaces à ce jour en la matière ?

Stéphane Gayet : Indéniablement, l'exercice physique est un stimulant circulatoire. Lors d'un exercice physique soutenu, le cœur s'accélère et le débit cardiaque augmente, en raison de besoins accrus en oxygène et en glucose dans les muscles striés squelettiques (muscles rouges des membres, des ceintures, du rachis ou colonne vertébrale et des parois). Si l'encéphale (cerveau) profite bien sûr de cette augmentation du débit cardiaque, cela ne dure que le temps de l'exercice. Mais c'est toujours bon à prendre. On peut ici rappeler que plusieurs hommes politiques et intellectuels célèbres (dont Napoléon Bonaparte et Friedrich Nietzsche) utilisaient la marche pour bien réfléchir : "Les pensées viennent en marchant". Pour revenir à la maladie de Parkinson, l'exercice physique semble même pouvoir prévenir son apparition. Mais de là à affirmer qu'il va révolutionner la prise en charge de cette maladie, cela paraît bien exagéré.

Sur le plan médicamenteux initial, le traitement ne se conçoit que dès l'instant où il y a une réelle gêne fonctionnelle dans la vie de tous les jours. Schématiquement, chez un sujet jeune avec une gêne encore seulement modérée : IMAO B ; chez un sujet ayant jusqu'à 65 ans : agonistes dopaminergiques ; chez un sujet plus âgé - surtout après 70 ans – et en cas de contre-indication ou d'inefficacité des agonistes dopaminergiques : lévodopa.

André  Nieoullon : En l’état de nos connaissances, il me parait excessif de parler de traitement s’agissant de l’exercice physique. Mais il est indéniable que ces activités vont potentialiser les effets des médicaments existants, aussi imparfaits soient-ils. A ce jour, 3 grands types de traitements sont proposés aux malades considérant que ces traitements sont tous seulement de caractère à réduire les symptômes moteurs et qu’en aucun cas ils ne « guérissent » de la Maladie de Parkinson. Le traitement de référence est l’administration d’un médicament qui va produire de la dopamine dans le cerveau du malade. Il s’agit de la DOPA, un médicament que les malades connaissent bien et qui donne d’excellents résultats chez de nombreux d’entre-eux, le plus souvent pour de longues années. Un vrai miracle pour quelques-uns ! La seconde catégorie de médicament consiste à remplacer la dopamine manquante par un médicament qui se comporte comme elle au niveau de ses cibles cellulaires (ce que l’on nomme les « récepteurs » de la dopamine). Il s’agit des agonistes dopaminergiques, là encore bien connus des malades, et souvent ce type de médicament est prescrit bien avant la DOPA, qui reste un médicament plus puissant et donc gardé en réserve pour des temps où la maladie progresse. Enfin, la troisième catégorie de traitement n’est pas liée à des médicaments mais relève de la neurochirurgie dite « fonctionnelle ». Il s’agit dans ce cas d’introduire dans le cerveau du malade lors d’une intervention chirurgicale maintenant bien maitrisée, des électrodes reliées à un micro-stimulateur agissant à la manière d’un pacemaker cardiaque. A condition de placer l’électrode au bon endroit dans le cerveau et d’utiliser des paramètres de stimulation ad hoc, la stimulation permanente et automatique de cette zone cérébrale va se traduire pendant des années par une amélioration considérable des capacités de mouvement tout en diminuant fortement le tremblement. Cette chirurgie fonctionnelle a été proposée par le Professeur Alim-Louis Benabid à Grenoble il y a maintenant plusieurs décennies, et cette méthode concerne maintenant quelques 100 000 patients sur toute la planète. Un énorme succès thérapeutique tout à l’honneur de l’équipe de Grenoble ! Quant à des traitements visant à stopper l’évolution de la maladie, nous n’en connaissons malheureusement encore aucun, pour le moment. Alors maintenir sa musculature en bon état de fonctionnement est un devoir des malades et ceci passe par l’exercice physique adapté à chaque malade, pour son bénéfice et une meilleure acceptabilité de sa maladie et de ses traitements. C’est d’abord dans cette perspective que doit être envisagé l’exercice physique, et de préférence en groupe pour y associer une sociabilité indispensable et rompre l’isolement lié à la maladie.

Quelles sont les avancées à attendre dans les prochaines années concernant la maladie de Parkinson ? Que peuvent attendre les personnes touchées par la maladie ?

André  Nieoullon : Comme je l’indiquais plus haut, la recherche sur les maladies neurodégénératives est très active et en particulier dans notre pays. L’enjeu est sociétal et l’Etat l’a bien compris, qui a mis en place, à titre d’exemple, un « Plan maladies neurodégénératives » quinquennal à partir de 2014. La recherche se développe selon plusieurs axes, privilégiant aujourd’hui des approches dites « translationnelles », destinées à favoriser le transfert au lit du malade des découvertes de la recherche plus fondamentale.  Mais cette recherche comprend également des aspects sociaux et rétrospectifs visant à établir un lien potentiel entre les facteurs environnementaux et le déclenchement de la maladie par des études dites « épidémiologiques ». Cette recherche est d’autant plus importante pour comprendre les causes de la Maladie de Parkinson que les hypothèses actuelles en ce registre privilégient des interactions étroites entre facteurs génétiques propres à l’individu et facteurs environnementaux ; par exemple l’impact sur la survenue de la maladie des pesticides et autres produits phytosanitaires, mais pas seulement. Les études génétiques sont elles-mêmes très actives avec le développement d’outils très performants et d’études en réseau impliquant de très nombreuses équipes, en particulier en Europe. Ces études se révèlent considérablement prometteuses et à ce jour environ 25 mutations de gènes codant pour des protéines très particulières permettent à la fois de traquer le caractère héréditaire de certaines formes de Maladie de Parkinson (7 mutations à l’origine directe de la maladie mais seulement moins de 10% des malades concernés par des formes héréditaires) qui révèle par-là son hétérogénéité soulignée plus haut. L’intérêt de ces travaux est aussi d’orienter les chercheurs vers les mécanismes de la dégénérescence des neurones dopaminergiques, en particulier en rapport avec ce que l’on nomme le « stress oxydatif » et les radicaux libres, le métabolisme énergétique de la cellule, et jusqu’à des processus inflammatoires, pour ne citer que les pistes principales.

Dans ce contexte, deux directions de recherche sont d’importance majeure : trouver de nouveaux médicaments symptomatiques car les traitements actuels ont à ce stade tous plus de 40 ans ( !) et qu’il faut impérativement mettre au point des traitements nouveaux à la fois plus puissants et moins enclins à déclencher des effets secondaires ; ensuite trouver les moyens de stopper les dégénérescences cellulaires et en particulier la mort des neurones dopaminergiques, notamment dans une stratégie de « neuroprotection » visant à diminuer l’impact de la maladie sur ces cellules. Et dans le même temps oser des stratégies thérapeutiques plus osées passant notamment par la médecine régénérative (greffes de neurones) et la thérapie génique. Des résultats ont déjà été obtenus mais beaucoup reste à faire et il faut donner à la recherche les moyens de ces travaux et faire comprendre aux patients que le temps de la recherche n’est pas celui, bien compréhensible de l’impatience des malades qui attendent des résultats. C’est aussi l’un des objectifs de la Journée Mondiale de la Maladie de Parkinson que de le rappeler !

Stéphane Gayet : L'exercice physique et les médicaments systémiques (c'est-à-dire diffusant par voie sanguine générale) ont forcément des effets limités, étant donné que les structures cérébrales malades sont très localisées dans une toute petite zone située dans la profondeur du cerveau (notamment, dans les stades 3 et 4, les neurones dopaminergiques de la pars compacta du locus niger ou substance noire, qui se situe à l’origine de la voie neurologique dite "nigrostriatale" : la pars compacta du locus niger est une toute petite zone essentielle à la coordination de la motricité). Étant donné que les structures malades sont à la fois très petites et situées dans la profondeur du cerveau, il n'est pour le moins pas satisfaisant de les soigner en faisant circuler des molécules médicamenteuses dans l'ensemble du corps.

C'est pourquoi de nombreux travaux de recherche portent sur la microchirurgie stéréotaxique, dont il y a certainement beaucoup à attendre : un minuscule robot chirurgical est introduit à travers la boîte crânienne et guidé au demi-millimètre près, pour aller au contact de la zone ou plutôt des zones malades afin de les soigner de façon topique (sur place) et non plus systémique (dans tout le corps). Ce soin peut être l'implantation de plusieurs microélectrodes ou l'injection de cellules souches capables de régénérer les cellules malades. S'il s'agit de microélectrodes, elles seront reliées à un stimulateur externe qui sera utilisé pour stimuler la zone déficiente à chaque fois que nécessaire. Quant à l'injection de cellules souches neuronales, c'est une voie sur laquelle on fonde de réels espoirs.

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