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Recherche du plaisir et sens mystique : le couple à l’épreuve de Mai-68
©Flickr

Bonnes feuilles

Dans un monde devenu précaire, n’est-il pas temps de parier sur l’amour au long cours et d’en renouveler régulièrement la décision libre et lucide, plutôt que de courir après un enchantement qui se retourne trop rapidement en déception et mène à la solitude ? Jean-Paul Mialet, psychiatre, spécialiste en psychologie expérimentale et cognitive, nous invite à nous interroger sur ce qui pousse à vivre à deux et à réfléchir à la profondeur du lien lorsqu’il se déploie dans la durée. Extrait de "L'amour à l'épreuve du temps" de Jean-Paul Mialet, chez Albin Michel (1/2).

Jean-Paul Mialet

Jean-Paul Mialet

Jean-Paul Mialet est psychiatre, ancien Chef de Clinique à l’Hôpital Sainte-Anne et Directeur d’enseignement à l’Université Paris V.

Ses recherches portent essentiellement sur l'attention, la douleur, et dernièrement, la différence des sexes.

Ses travaux l'ont mené à écrire deux livres (L'attention, PUF; Sex aequo, le quiproquo des sexes, Albin Michel) et de nombreux articles dans des revues scientifiques. En 2018, il a publié le livre L'amour à l'épreuve du temps (Albin-Michel).

 

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Il est étonnant de constater combien se transforme le comportement de jeunes gens d’une vingtaine d’années lorsqu’ils vivent à l’étranger. La tutelle des parents s’éloigne, les repères changent. Si l’on ajoute le soleil qui enflamme les corps et les esprits, on peut imaginer à quels excès se livrait notre petite enclave d’Occidentaux illuminés par Mai 68 dans ce monde oriental si dépaysant. En ce qui me concerne, je n’étais pas un apôtre de la liberté sexuelle – sans doute par manque de sens mystique. Ou encore par esprit subversif : je n’aime pas qu’on m’impose une liberté. Autour de moi, les coopérants de ma génération étaient dans des dispositions plus généreuses. Pour eux, tout semblait devenu possible.

Dans la plupart des cas, ils étaient venus en couple, mais, Dieu merci, cette figure archaïque de l’amour n’avait pas duré longtemps. La notion de couple éclatait au profit de configurations confuses d’un nombre pair ou impair qui, étonnamment, après un moment de transition, finissaient par se stabiliser. Quand j’interrogeais les protagonistes en leur demandant pourquoi ils se fixaient ainsi en recréant des combinaisons biscornues plus difficiles à vivre encore que le couple, on m’expliquait qu’il n’y avait rien à comprendre, que, dans le groupe, elle ou lui se sentait bien avec lui ou elle, et que tout allait pour le mieux si l’on intégrait ce partenaire- ci dans un trio ou si l’on vivait à quatre avec ce couple- là. Ma conversation la plus éclairante a sans doute été celle, vaguement philosophique, que j’ai eue avec une coopérante enseignante – je crois qu’elle enseignait le français. Elle cherchait à me convaincre que le plaisir sexuel était au fond la seule chose qui ait un sens : lorsque ton corps jouit, m’expliquait- elle, il n’y a plus de place pour le doute ; tu es bien dans le plaisir et donc dans le bonheur. Elle révisait ainsi la formule de Descartes en un éblouissant : « Je jouis, donc je suis. »

Le vénérable philosophe avait presque tout compris ; il ne lui manquait que l’esprit de Mai 68. Avec naïveté, je m’étais permis d’objecter qu’on ne pouvait pas jouir en permanence, ne serait- ce que pour des raisons physiologiques ; à un moment, il fallait donc bien se résigner à vivre hors du plaisir. Quel sens donner alors ? Poussant à bout sa logique, mon interlocutrice m’expliqua que, non contente d’épuiser ses partenaires, elle se livrait à des délices solitaires aussi souvent que possible, jusqu’à soixante fois par jour. D’une nouvelle remarque sceptique, j’eus tôt fait de clore le débat : « Peux- tu m’expliquer quel sens cela a pour toi de perdre du temps à discuter ainsi avec moi pour chercher à me convaincre plutôt que de courir te donner du plaisir ? »

Extrait de "L'amour à l'épreuve du temps" de Jean-Paul Mialet, chez Albin Michel

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"L'amour à l'épreuve du temps" de Jean-Paul Mialet

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