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La ville d’Amsterdam part en croisade contre l’obésité infantile
©Rick Wilking / Reuters

Trompe-l'oeil

Un article de la BBC indique que les pouvoirs publics, grâce à une politique innovante de prévention, ont pu faire reculer la prévention infantile. Un constat trompeur, pour Patrick Tounian.

Patrick Tounian

Patrick Tounian

Patrick Tounian est professeur de pédiatrie, chef du service de nutrition et gastroentérologie pédiatrique de l'hôpital Trousseau à Paris.

Il dirige le diplôme universitaire " Nutrition et Obésité de l'enfant et de l'adolescent " à Sorbonne Université et intervient comme expert reconnu en nutrition pédiatrique dans de nombreuses conférences.

Ancien secrétaire général de la Société française de pédiatrie et président de la Société francophone de gastroentérologie et nutrition pédiatriques, il est actuellement président de l’Association des pédiatres de langue française. Il est l’auteur de nombreux livres et publications scientifiques sur la nutrition et l'obésité de l'enfant et de l'adolescent.

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Atlantico : Un article de la BBC indique qu'alors que l'obésité infantile augmente dans les pays industrialisés, elle baisse à Amsterdam grâce à l'action des pouvoirs publics qui encouragent la prévention de l'obésité et accompagnent gratuitement les enfants en surpoids au travers de programmes promouvant le sport et une alimentation saine. Au-delà des leviers déjà connus (sport et alimentation saine), l'action apparemment très importante des pouvoirs publics est-elle le facteur clé ?

Patrick Tounian : Déjà, ce n'est pas de la prévention, on sait que la prévention est totalement inefficace. Ici, c'est du traitement, de la prise en charge des enfants en surcharge pondérale. Deuxièmement, à l'inverse de ce qu'indique l'article, cela fait 20 ans que dans tous les pays industrialisés (France, Europe, États-Unis, Australie, etc), la prévalence de l'obésité infantile stagne. A Amsterdam, les pouvoirs publics prennent des enfants obèses et s'en occupent. Et effectivement, lorsqu'on s'occupe d'enfants obèses, ils se mettent un peu plus au régime, donc restreignent leur alimentation, et l'on peut avoir une efficacité. Mais je ne vois pas comment ils peuvent avoir mesuré la diminution de 12% de l'obésité infantile à Amsterdam. Pour être sûr que c'est bien leur programme qui a permis de faire maigrir ces enfants, il faut un groupe témoin, ce qu'ils n'ont pas. Je vous dis cela, car chez les enfants de neuf ans, à peu près un tiers - ce qui est loin d'être négligeable - maigrissent spontanément. Donc on ne peut pas savoir si c'est leur prise en charge qui est efficace, ou si c'est une évolution spontanée. Tout cela pour dire que scientifiquement, ces chiffres ne sont pas du tout solides. Maintenant, s'occuper d'un enfant gros, le motiver, ça ne peut que le faire maigrir. Et le simple fait de lui parler, sans même lui donner des conseils, peut le faire maigrir. Je ne suis pas en train de dire que ce que font les autorités publiques d'Amsterdam est complètement stupide, je dis juste qu'ils font une chose tout à fait banale, et qu'ils ne sont sûrement pas plus efficaces que ce qui se fait depuis quarante ans, voire plus. Ils s'occupent de certains obèses. Et lorsqu'on s'occupe d'enfant obèses, on a une petite efficacité. Mais ils s'en occupent sans aucune originalité.

L'article précise que le programme "healthy-weight" coûte chaque année 6 millions d'euros à la ville (qui compte environ 850 000 habitants). Les pouvoirs publics français sont-ils aussi impliqués que ceux d'Amsterdam ? Peut-on imaginer un programme de même ampleur en France ?

Ce que font les pouvoirs publics d'Amsterdam est extrêmement onéreux et des actions comme celles-ci, ponctuelles, il y en a eu un peu partout avec les mêmes résultats. La plupart n'ont aucune preuve scientifique de leur efficacité, puisqu'il n'y a pas de groupe témoin. Et pour moi, ce type de programme, qu'il soit fait en France, à Amsterdam ou ailleurs, n'est pas plus efficace que la prise en charge d'un patient obèse auprès de son pédiatre traitant. Toutes ces mesures sont plus de la communication que de l'efficacité. Cela fait plus de 50 ans qu'on fait les choses comme ça, et qu'on sait que malheureusement, ce n'est pas efficace sur le long terme, donc ca ne vaut pas la peine de dépenser autant d'argent. J'espère qu'on ne fera pas la même chose à Paris, on a de l'argent à dépenser ailleurs. L'obésité, c'est un état constitutionnel. C'est-à-dire que lorsqu'un enfant est gros, c'est parce qu'il est génétiquement programmé pour cela. Et donc pour maigrir, il faut qu'il lutte contre sa nature. Il faut qu'il se restreigne alors que son cerveau le pousse à avoir faim. Donc c'est un travail purement individuel et à mon avis, ces mesures de communication sont beaucoup plus efficaces quand elles sont faites de manière grandement collective que lorsqu'elles sont faites de manière individuelle. S'il fallait donner de l'argent à un système, ce serait sûrement davantage pour une prise en charge individuelle auprès des médecins traitants que des mesures collectives comme celles menées à Amsterdam, qui sont extrêmement dispendieuses, avec un résultat à court et à long terme qui reste très hypothétique. 

L'article indique également que tous les partis politiques présents à Amsterdam soutiennent l'initiative de la ville et cela semble permettre une approche à long-terme du problème de l'obésité. La problématique doit-elle devenir partie intégrante de la politique française - comme l'est déjà la lutte contre la pollution -, au nom d'un enjeu de santé publique ?

Je trouve que l'on parle beaucoup trop de la lutte contre l'obésité, avec toujours les mêmes choses qui se font depuis 50, 60 ans. Et dont on sait qu'elles sont totalement inefficaces. Lutter contre la pollution, cela me parait être une chose efficace. Mais quand on parle de lutte contre l'obésité infantile, on n'a pas encore compris ce qu'était l'obésité. Nous, médecins, devons avouer que contre l'obésité, on est aujourd'hui incapables, sur le long terme, de prévenir le phénomène. C'est purement un travail individuel. Toutes les mesures préventives qui ont été prises ont échoué sur le long terme. Absolument toutes. 

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