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Les cotes données par la Banque de France aux patrons d'entreprises ne reflètent pas la réalité de leur gestion
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Carnet de notes

Patrons véreux ou patrons vertueux, il n'y a pas de différence aux yeux de la Banque de France : l'établissement a établi un système de notation des entreprises qui sanctionne les faillites, sans tenir comptes de ses raisons. Pénalisés, les patrons peinent, par la suite, à rebondir.

Nicolas Doucerain

Nicolas Doucerain

Nicolas Doucerain est entrepreneur. Depuis l’âge de 20 ans, il préside le cabinet Solic, spécialisé dans le conseil en ressources humaines et en recrutement.

Il anime par ailleurs la plateforme « Nos PME ont du talent », qui regroupe des acteurs du monde de l’entreprise désirant faire progresser la cause entrepreneuriale en France.

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Les agences de notation ne sont pas les seules à décerner bons et mauvais points de gouvernance. La Banque de France, via ses cotes de crédit, note elle aussi les institutions publiques et les entreprises. Ce qui garantit un certain niveau de transparence et de fiabilité pour l’activité économique. Plus curieusement, la Banque de France procède également à une cotation du dirigeant, à titre personnel. Ce que la plupart des chefs d’entreprise ignorent, alors même que leur capacité de rebond suite à un échec peut en être gravement affectée.

Les chefs d’entreprise connaissent bien la cote de crédit Banque de France. Indicateur de solvabilité à trois ans, cette cote est examinée à la loupe par les banques commerciales, qui en dérivent les niveaux de prêts et de facilités financières pouvant être octroyés à l’entreprise. Soigner sa cote de crédit est donc un enjeu de gouvernance, et le dirigeant se doit d’être en première ligne pour défendre les intérêts de l’entreprise auprès de la Banque de France.

L’établissement public voit-il dans cette implication une solidarité de fait, une caution morale – quand elle n’est pas financière – méritant d’être célébrée sous le régime de l’indivision des responsabilités ? Toujours est-il que le chef d’entreprise se voit lui aussi attribuer une cote, dite « indicateur dirigeant », directement liée à la situation de l’entreprise ; et plus précisément à sa situation juridique, la cote personnelle du dirigeant s’appuyant sur un état de situation communiqué par les tribunaux de commerce.

Comportant quatre degrés, associés chacun à un indicateur (000 : pas de remarque particulière ;  040 : attention particulière ; 050 : attention forte ; 060 : attention très forte), cette cotation prend acte de la bonne marche de l’entreprise, ou au contraire de ses difficultés. Ainsi la Banque de France présuppose-t-elle les vertus gestionnaires du chef d’entreprise, ou les lui dénie implicitement.

Le dépôt de bilan, et a fortiori la mise en liquidation judiciaire de l’entreprise ou d’une filiale, est quasiment toujours le fait générateur d’une mauvaise cotation du dirigeant. Que cette liquidation soit la conséquence d’une mauvaise gestion ou qu’elle résulte d’une cause externe, indépendante de la volonté et du pouvoir du chef d’entreprise – ce qui est particulièrement vrai en période de crise, notamment dans le monde de la sous-traitance, où une entreprise peut se retrouver du jour au lendemain sans activité.

Or, il n’est pas acceptable que ce système de notation s’applique sans prise en considération des causes réelles et objectives de la défaillance. Cela conduit à punir d’une même façon patrons vertueux et patrons frauduleux, patrons luttant contre la crise et patrons tirant profit des difficultés de leur entreprise. Ne nous y trompons pas : si en théorie la cotation personnelle du dirigeant a valeur informative et non coercitive, dans les faits, les conséquences sont dramatiques pour le chef d’entreprise. Ce dernier ne pouvant plus obtenir le moindre financement, la moindre ligne de crédit, tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel, les banques commerciales réagissant à cet indicateur comme s’il équivalait à une interdiction de gestion.

Il n’est donc ni justifié, ni sain pour l’économie, qu’un dirigeant d’entreprise se retrouve fiché sans avoir commis de faute de gestion. Le système de cotation peut avoir sa légitimité, dans le cas de patrons voyous ; mais il doit impérativement être repensé, pour cesser de pénaliser injustement un chef d’entreprise responsable. La mise en place de bilans circonstanciés à la Banque de France lors d’un dépôt de bilan, ou encore la création d’un fond spécial au sein d’OSEO, qui permette aux patrons non fautifs d’obtenir au plus vite des financements pour rebondir et se lancer dans de nouveaux projets, seraient autant de pistes à creuser pour mettre un terme à cette double peine qu’est la cotation personnelle du dirigeant.

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