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Moi, économiste indépendant : 
"En soutenant Hollande, 
les économistes de gauche 
rentabilisent leur pédalo !"
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Courage

Une quarantaine d'économistes ont signé un texte de soutien à François Hollande publié mardi dans les colonnes du journal Le Monde. Petit rappel de ce pourquoi les économistes de gauche doivent être réhabilités... ou pas !

Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Les zéconomistes zuniversitaires français de gôôche doivent être réhabilités. Leur texte de glorification à François Hollande dans les colonnes du journalLe Monde mérite tout notre respect, et ce pour plusieurs raisons :

Les zuniversitaires de gôôche sont des gens courageux

Se prononcer cinq jours à l’avance pour un candidat qui a 10 points d’avance dans tous les sondages, c’est courageux. Il faut une bonne dose de cran de la part de gens presque tous payés à vie par le contribuable pour faire face ainsi au qu’en-dira-t-on, à l’omerta de la presse aux ordres et aux pressions des banquiers, et ce en faveur d’un candidat aussi peu consensuel.

Certaines mauvaises langues (d’ignobles libéraux vendus au Grand Kapital, assurément) insinuent que certaines places rémunératrices sont en jeu (dans les cabinets, au Conseil d'analyse économique, dans certains Comex (comité exécutif d'entreprise), dans une foultitude d’organismes semi-publics), eh bien je vous le dit, ces rumeurs sont ignobles et indignes d’un débat public français centré sur les plus hautes réflexions intellectuelles de notre temps.

Nos zuniversitaires de gôôche sont des gens pudiques

Il n’est pas question pour eux de libéraliser le marché du travail (en application par exemple des travaux de Mortensen et Pissarides, Nobel d’économie 2010) car « l’accent doit être mis sur les mesures en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes, à travers la sécurisation des parcours professionnels, la réorientation des efforts de formation professionnelle, le développement de contrats ciblés, tels que les contrats de génération, et le renforcement de l’éducation nationale ». Cela ne veut rien dire, mais reconnaissez que ça sonne mieux.

Même voile pudique à propos des questions monétaires. Pas une fois dans leur texte n’est évoqué la responsabilité de la BCE, l’idée d’un quantitative easing européen, ou les problèmes liés à un euro trop cher. En pleine crise monétaire de la zone euro, cette pudeur est admirable. Elle s’explique par le fait que nos zamis zuniversitaires de gôôche sont des gens très respectables, très propres sur eux, pas du genre à travailler dans une salle de marchés (histoire de mettre les mains dans le cambouis du marché obligataire eurolandais, histoire de comprendre quelques trucs tangibles sur la crise en cours). Nan Môssieur !

Ces zuniversitaires français sont très respectueux des plus hautes traditions françaises

Ces traditions qui ont fait tout le succès éclatant de notre pays depuis quelques décennies en matière de croissance et d’emploi, et qui suscitent tant d’envie de la part de nos voisins jaloux. En effet, les économistes de gôôche veulent renforcer notre tradition de taxation du capital « dans le sens d’une plus grande justice sociale ». Et peu importe si nous détenons déjà des records mondiaux en la matière (tous les Français connaissent par cœur la méthode King-Fullerton et les études comparatives) et peu importe si certains travaux (Feldstein, Kotlikoff…) suggèrent que ce n’est pas une bonne idée de décourager l’accumulation du capital si l’on souhaite défendre la croissance potentielle : il faut savoir se renforcer sans cesse dans ses points forts.

Le capitalisme sans capital, l’investissement sans épargne, l’entrepreneuriat sans entrepreneurs, l’entreprise sans actionnaires, voilà le crédo.

Autre tradition française respectée : « Redonner leur place aux syndicats ». Il faut comprendre par là « une place plus haute pour perpétuer la prédation des ressources publiques ». Vous aviez décrypté par vous-même, et non pas « leur vraie place à la baisse compatible avec leur manque total de légitimité puisque moins de 5% des salariés du privé sont syndiqués », bien entendu. 

Nos zuniversitaires de gôôche ont un réel talent pour la synthèse radicale

Un exemple. La question de l’application d’une règle Volcker, déjà délicate aux USA (et encore plus délicate dans un pays comme le notre où domine outrageusement le modèle de la banque universelle), c’est une question ardue, d’autant plus ardue que la séparation entre « spéculation » et « économie réelle » n’est claire que dans les manuels d’introduction à la finance. Nos zuniversitaires règlent toute la question en deux lignes. Il est vrai qu’ils sont aidés en sous-main par une technologie redoutable, un logiciel de pensée qui a fait ses preuves : la finance mondiale s’alignera sur les desiderata du futur locataire de l’Elysée. C’est simple, c’est net, c’est beau.             

Nos zuniversitaires de gôôche sont sarko-compatibles

Ce qui facilitera la transition et ce qui facilitera un gouvernement d’union nationale en cas de nécessité. Les zéconomistes de gôôche parviennent comme Nicolas Sarkozy à parler de compétitivité sans parler des gains de productivité. Comme Nicolas Sarkozy, ils comptent supplanter la Silicon Valley grâce à une « banque publique d’investissement dotée d’un réseau régional » (Apple tremble, Google est terrifié). Comme Nicolas Sarkozy, ils vitupèrent contre les paradis fiscaux et songent à une taxation des mouvements de capitaux.

Comme Nicolas Sarkozy, qui avait dilapidé 30 milliards d’euros avec le Grenelle de l’environnement en pleine crise financière pour draguer quelques bobos, les zuniversitaires de gôôche n’oublient pas le petit couplet vert, tout en modestie (« changer de mode de vie, créer une nouvelle civilisation urbaine fondée sur des activités de proximité, mettre fin à l’étalement urbain »). Et tant pis si les vrais gens plébiscitent concrètement l’étalement urbain pour ne pas avoir à s’entasser les uns sur les autres (je n’ose ici conseiller à nos zuniversaires de gôôche la lecture de Joël Kotkin ou de Vincent Bénard, car ces auteurs sont situés philosophiquement à plusieurs millions d’années-lumière d’eux ce qui constituerait un grave cas d’étalement).  

Au final, les zéconomistes de gôche vont certainement être associés au pouvoir au cours des 5 prochaines années. Nous sommes pleinement rassurés de voir tous ces gens désintéressés, innovants et pétris de culture économique française arriver/revenir/rester aux affaires (éliminez la mention inutile). La crise monétaire vit ses derniers jours, la croissance est au coin de la rue et les spéculateurs n’ont plus qu’à bien se tenir.

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